Que se passerait-il si le Roundup disparaissait ?

Le scénario autrefois hypothétique de l’agriculture sans Roundup est soudainement sur la table

Publié: 29 avril 2025

Kim Brown, spécialiste provinciale de la vulgarisation des mauvaises herbes au ministère de l’Agriculture du Manitoba. « Nous nous sommes déjà engagés dans cette voie où le glyphosate pour certaines mauvaises herbes n’a tout simplement pas fonctionné. Nous avons dû trouver d’autres méthodes pour lutter contre les mauvaises herbes. »

Bayer est aux prises avec des poursuites judiciaires selon lesquelles l’herbicide Roundup cause le cancer. L’entreprise a demandé à la Cour suprême des États-Unis de limiter les causes arguant du fait que la loi fédérale devrait l’emporter sur les réclamations au niveau des États, sans quoi elle menaçait de retirer le produit du marché.

Dès lors, le scénario autrefois hypothétique de l’agriculture sans Roundup est soudainement sur la table.

Bien que les importations de marques de glyphosate non brevetées d’autres entreprises pourraient amortir le choc immédiat, les implications à long terme signifieraient de remodeler la gestion des mauvaises herbes.

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Pour comprendre à quoi pourrait ressembler ce changement sur le terrain, voici une entrevue avec Kim Brown, spécialiste provinciale de la vulgarisation des mauvaises herbes au ministère de l’Agriculture du Manitoba, au sujet des outils, des compromis et des décisions auxquels les agriculteurs pourraient être confrontés si le glyphosate disparaissait de la boîte à outils de lutte contre les mauvaises herbes.

Kim Brown dit que les agriculteurs canadiens s’efforçent déjà de réduire leur dépendance au glyphosate en raison de l’augmentation des mauvaises herbes résistantes aux herbicides. « Nous nous sommes déjà engagés dans cette voie où le glyphosate pour certaines mauvaises herbes n’a tout simplement pas fonctionné. Nous avons dû trouver d’autres méthodes pour lutter contre les mauvaises herbes. »

Une plus forte pression de mauvaises herbes

Cela dit, une perte totale de glyphosate augmenterait considérablement le défi, d’autant plus que la pression exercée par les mauvaises herbes est une constante dans les champs. « Il y a des graines de mauvaises herbes dans le sol. La banque de graines de mauvaises herbes est vaste. Chaque année, il y aura des mauvaises herbes », selon la spécialiste.

Cela correspond à ce que Troy LaForge, agriculteur de Cadillac, en Saskatchewan, a prédit lorsque nous lui avons demandé de réfléchir à ce à quoi ressembleraient ses champs si le glyphosate disparaissait un jour du marché.

« Ce que nous verrions probablement, c’est une progression des mauvaises herbes annuelles et vivaces », dit-il.

« Nous devrions passer à des cultures différentes, et honnêtement, je ne sais pas ce que ce serait pour le moment, mais nous devrons peut-être changer parce que nous n’avons tout simplement pas de moyens de garder les mauvaises herbes sous contrôle autrement », ajoute-t-il.

Kim Brown convient qu’il existe d’autres options d’herbicides, même dans les systèmes tolérants au glyphosate, grâce à des caractères technologiques – mais ces solutions de rechange ne couvriront probablement pas le même large spectre de mauvaises herbes que le glyphosate. « Nous aurons des solutions, mais cela va devenir beaucoup plus compliqué, et cela va certainement devenir plus cher », croit-elle.

La gestion intégrée des mauvaises herbes et les rotations de cultures

Les agriculteurs devront peut-être aussi revoir les herbicides qu’ils n’utilisent pas actuellement et ceux qu’ils n’ont pas utilisés depuis des années. Kim Brown dit que certaines chimies plus anciennes pourraient jouer à nouveau un rôle plus important, en particulier dans la rotation ou dans les mélanges en réservoir. Cependant, la disponibilité des produits, la salubrité des cultures et l’adaptation régionale seront des facteurs clés.

« Pour moi, en agriculture sans travail du sol, le problème n° 1 sera de savoir par quoi nous le remplaçons, et à ce stade, les produits actifs qui sont enregistrés vont augmenter considérablement nos coûts, pense Troy LaForge. Et cela signifiera probablement que nous devrons ramener certains ingrédients actifs que nous n’avons pas eus depuis un certain temps et avoir des niveaux de toxicité plus élevés, finalement. »

La perte de glyphosate mettrait également la gestion intégrée des mauvaises herbes à l’avant-plan. « Ces outils ont toujours été là. Dans le passé, nous n’avons pas utilisé ces outils aussi efficacement que nous le pouvions. Mais nous allons devoir le faire parce que nous n’aurons pas le choix », dit-il.

Kim Brown insiste sur la concurrence entre les cultures : l’ajustement des dates de semis, des taux de semis, de l’espacement des rangs et de la sélection des cultivars sont des facteurs à considérer. Cependant, le plus grand levier est la rotation des cultures, selon l’expert. « La diversité des cultures est probablement la chose la plus importante que nous devons faire en matière de lutte contre les mauvaises herbes », indique-t-elle.

La diversité du cycle de vie – mélange d’annuelles et de vivaces, ou au moins de cultures de printemps et d’automne – peut aider à briser les cycles des mauvaises herbes et à réduire la dépendance à l’égard d’un seul produit ou d’une seule pratique.

Le contrôle des graines de mauvaises herbes à la récolte est un autre outil mentionné par Kim Brown. Il pourrait devenir plus pertinent à mesure que les agriculteurs cherchent des moyens non chimiques de maitriser les populations de mauvaises herbes.

« Vous voulez détruire les graines de mauvaises herbes, ou vous voulez les déplacer, ou les retirer du champ et ne pas les laisser s’ajouter à la banque de graines de mauvaises herbes », déclare Kim Brown.

Le travail du sol vs le semis direct

Le travail du sol reste une option et la plupart des fermes ont déjà l’équipement pour faire, mais le retour du travail du sol comme principal outil de lutte contre les mauvaises herbes entraîne des conséquences.

Kim Brown souligne que le glyphosate a joué un rôle déterminant dans l’adoption généralisée du travail minimum du sol, et que s’il n’est plus disponible, il pourrait faire reculer les choses de manière significative. « Il y aura de nombreuses conséquences négatives avec cela, y compris la dégradation des sols, l’augmentation des gaz à effet de serre et même simplement la consommation de carburant. »

Par conséquent, à la Ferme de LaForge, par exemple, le travail du sol n’est tout simplement pas une option. « Si nous devions revenir au travail du sol, nous réduirions probablement nos rendements instantanément de 30 à 40 % », compte tenu de la quantité d’humidité du sol qui serait perdue dans le processus, d’après Troy LaForge.

La disponibilité du glyphosate a augmenté la diversité et la productivité des rotations de la ferme et « a créé un tout nouveau niveau de conservation des sols dans cette région ».

Kim Brown souligne les technologies émergentes telles que le désherbage au laser, l’électrocution, le désherbage à la vapeur et le potentiel de nouveaux herbicides ou de produits de désherbage non traditionnels. Une grande partie de cette innovation est motivée par l’urgence de la situation actuelle, selon la spécialiste.

« Il y a beaucoup de recherches en cours en raison de la situation même dans laquelle nous nous trouvons en ce moment. »

Les spécialistes de la vulgarisation comme Kim Brown joueront un rôle clé pour aider les agriculteurs à s’adapter. Le message central autour de la gestion intégrée des mauvaises herbes ne change pas, mais que l’urgence et la portée de ce message augmentent, selon elle. « Nous allons juste devoir nous éduquer beaucoup plus sur certains de ces produits qui existent et que nous devons utiliser », d’après elle.

Cet article de Don Norman publié dans The Western Producer a été traduit et adapté par Le Bulletin des agriculteurs.

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