L’agriculture oppose les Quinze et les candidats à l’adhésion de l’UE

Publié: 25 mars 2002

Bruxelles (Belgique), 19 mars 2002 – Les ministres de l’Agriculture des Quinze et des candidats à l’adhésion se sont affrontés sur le montant des aides et des quotas de production dont jouiront les agriculteurs des nouveaux venus.

Ce premier « sommet agricole » a été organisé six semaines après la présentation des propositions de la Commission européenne pour l’intégration dans l’UE des agricultures des 10 pays qui ont une bonne chance d’adhérer dès la fin 2004.

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L’exécutif européen a proposé de prendre les années 1995-1999 comme référence pour le calcul des droits à produire et, surtout, de n’octroyer la première année aux nouveaux venus que 25% des aides directes perçues par les agriculteurs des Quinze, l’augmentation jusqu’à 100% étant étalée sur 10 ans.

Début avril, l’exécutif européen présentera aux Quinze des propositions de position de négociation précises, pays par pays.

Les Etats membres actuels de l’Union européenne ont confirmé mardi que les idées de Bruxelles représentaient un point d’équilibre dans un domaine qui absorbe la moitié du budget communautaire, à quelque 40 milliards d’euros par an.

« La France souscrit à la proposition de la Commission », a ainsi déclaré le ministre français de l’Agriculture François Patriat, tout en soulignant qu’elle ne pouvait pas faire l’objet de négociations. « C’est un point d’arrivée, pas de départ ».

Plusieurs pays de l’UE, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, estiment en effet que la Commission se montre beaucoup trop généreuse dans ses propositions, qui perpétueront des aides directes dont ils veulent obtenir la suppression.

Ces Etats membres exigent d’ailleurs une réforme en profondeur de la Politique agricole commune (PAC) avant l’élargissement, un exercice tellement difficile qu’il risque, selon la France, risque de retarder l’adhésion des candidats.

Conscients de la situation, nombre de pays candidats ont laissé entendre mardi qu’ils pourraient accepter la proposition de la Commission, même s’ils n’en sont pas ravis.

Colère polonaise à Bruxelles

Mais la Pologne, principale puissance agricole à l’Est, et la république tchèque ont vivement critiqué la Commission.

Le ministre polonais de l’Agriculture, Jaroslaw Kalinowsky, s’en est pris dans son discours à des propositions qui ne sont « ni généreuses, ni justes » et qui sont « en contradiction avec les principes fondamentaux du marché unique européen ».

Il estime qu’il y aura « deux PAC » après l’élargissement, une PAC généreuse pour les agriculteurs des Quinze et quelques miettes pour les pays candidats, qui devront en revanche ouvrir leurs frontières aux produits de l’Union actuelle.

Jaroslaw Kalinowsky a demandé 100% d’aides directes dès la première année de l’adhésion et critique le choix de la période 1995-1999 pour les références des quotas, qui a été mauvaise.

Le commissaire européen à l’Agriculture, Franz Fischler, a mis en garde les pays candidats en les appelant à faire preuve de « réalisme » et de « lucidité » dans leurs revendications.

« Il faut à tout prix que vous évitiez de faire naître de fausses espérances parmi les agriculteurs », a-t-il dit en demandant aux ministres des pays candidats d’insister sur les éléments positifs, la marge de manoeuvre étant « étroite ».

« Il y a des pays où on l’a bien compris, mais il en est d’autres où ont été tenus des propos dont la véhémence ne laisse pas de m’inquiéter », a-t-il ajouté sans citer la Pologne.

Il leur a donné « dix bonnes raisons » d’accepter sa proposition, fort d’une étude rendue publique lundi.

Cette étude démontre que, sans adhésion, les agriculteurs des pays candidats seraient bien mal lotis.

En cas d’adhésion sans aide directe, leurs revenus agricoles augmenteraient de 30% en moyenne, avec une pointe en république tchèque (plus 60%) et un accroissement de 35% en Pologne.

Si les positions des pays candidats devaient être acceptées, le revenu de leurs agriculteurs augmenterait de 123% et ils obtiendraient un salaire double du salaire national moyen.

Cela entraînerait d’énormes inégalités sociales et bloquerait totalement une restructuration que même les pays de l’Est appellent de leurs voeux, estime la Commission.

Source : Reuters