Charlevoix dans la mire des producteurs de porcs

Publié: 7 mars 2008

Kamouraska (Québec), 3 mars 2008 – Alors que la sonnette d’alarme est déclenchée sur la surproduction porcine, alors que les régions du centre et du sud du Québec sont au prise avec d’énormes problèmes de contaminations des eaux de surfaces et souterraines, alors que des régions comme Lanaudière tentent de diminuer la production porcine de 25 %, alors que ses voisins d’en face (Kamouraska) ont voté un règlement de contrôle intérimaire qui protège la santé de sa population, la MRC de Charlevoix propose une augmentation des surfaces de production porcine sans tenir compte de la nécessité d’analyser en profondeur la situation des eaux. Pire, elle fait fi du principe de précaution qui devrait particulièrement s’appliquer dans une région montagneuse vulnérable aux contaminants. Des tests d’eau réalisés dans le rang St-Pierre à St-Irénée indiquent parfois des taux de nitrites/nitrates qui dépassent la norme et même le ministère de l’environnement admet qu’il faudrait plus d’analyses.

Les utilisateurs du territoire ne sont pas consultés !
Le processus de consultation et d’élaboration du règlement de contrôle intérimaire de la MRC de Charlevoix Est laisse perplexe et devrait être désavoué immédiatement par la ministre des Affaires municipales car l’esprit même de la loi a été complètement dénaturé. Sous prétexte que le dossier était trop compliqué pour le commun des mortels, la majorité des acteurs du milieu ont été écartés d’une réelle consultation: organismes communautaires, monde de l’éducation, intervenants en santé, industriels, commerçants et l’ensemble des citoyens qui auraient dû s’exprimer en assemblée publique AVANT la rédaction du RCI révisé.

Un comité d’experts « représentatif » selon le maire Maltais !
Étant donné la « complexité » du dossier, un « comité technique » a été formé et dirigé Bernard Maltais, maire de St-Aimé-des-Lacs. Monsieur Maltais était secondé par France Lavoie, aménagiste de la MRC. La majorité des acteurs de ce comité proviennent du milieu agricole: Pierre Bouffard, agronome de l’UPA, Jean Tremblay, président du syndicat de l’UPA de Charlevoix-Est, Laurent Pilote de la Fédération des producteurs de porc du Québec, Jean-Maurice Hamel et M. André Langlois du MAPAQ. Seul Bernard Maltais, maire de St-Aimé-des-Lacs, représente les élus. Un processus directement issu du petit catéchisme de l’UPA pour « paqueter » un comité.

Voici à quoi ressemble une consultation publique dans Charlevoix Est !
Pour calmer les inquiétudes des citoyens, un « vrai » comité de révision a également été formé par madame Lavoie. Il se compose de trois représentants de l’UPA, d’un représentant du Comité consultatif agricole de la MRC, d’un représentant du Centre de service agricole de Charlevoix, d’un conseiller municipal de St-Iréné (municipalité dont le maire et deux des conseillers sont membres de l’UPA). Les trois représentants des municipalités de Clermont, La Malbaie et St-Aimée-des-Lacs ne font pas le poids face à ce lobby. Le représentant de l’Association touristique de Charlevoix doit se contenter d’un rôle d’observateur car bon nombre de ses activités dépendent du bon vouloir de l’UPA. Finalement, pour se donner bonne conscience, on a nommé Diane Culhane et André Jacob ( le Dr Jacques agissait comme substitut aux représentants des citoyens) mais ils ont été écartés des délibérations de base qui se déroulaient principalement au « comité technique ».

Le silence des agneaux …
Le représentant de l’ATR de Charlevoix avait un statut d’observateur, mais il s’est montré extrêmement conciliant voire complaisant avec l’UPA. Lors des débats cruciaux, il s’est même retiré de la table soit-disant parce que tout « était beau » au plan du RCI. Les représentants des citoyens ont demandé et obtenu une rencontre avec le président de l’ATR, Bruno Labbé, propriétaire d’un terrain camping à Baie St-Paul afin de dénoncer l’attitude de son représentant. Le président a soutenu que lui se contente d’ententes de gré à gré avec les producteurs qui épandent à une distance raisonnable de son terrain de camping. En réalité, il ne voit pas du tout la nécessité d’adopter une position critique par rapport à l’UPA, ce qui revient à dire que bon nombre de ses activités dépendent du bon vouloir de l’UPA. D’ailleurs, un membre de l’ATR, Jean-Jacques Tremblay, autre propriétaire d’un terrain de camping à Pointe-au-pic, se bat depuis plusieurs années contre un producteur qui nuit énormément à son entreprise « touristique » par son épandage et ses odeurs. Pourtant le terrain de camping existe depuis 40 ans, soit bien avant l’implantation de la porcherie dans son milieu. Voilà matière à réflexion: une minorité de producteurs porcins appuyés par l’UPA ont-ils le droit d’imposer leur vision du développement à tout le Québec rural ? Pourtant, c’est bien le cas, dans Charlevoix comme de la majorité des MRC du Québec.

Madame France Lavoie aurait-elle plus d’information que le Vérificateur général du Québec ?
L’aménagiste France Lavoie aurait intérêt à lire le Rapport du Vérificateur général 2007 dans lequel le commissaire Mead affirme « qu’une liste PRÉLIMINAIRE dressée par le MDDEP fait état d’environ 700 lieux qui seraient potentiellement en déséquilibre en fonction de la norme de 2008 » et qu’il manque cruellement d’information sur l’état de l’environnement lié à la production porcine. Une affirmation inquiétante quant il s’agit de la qualité de l’eau.

En appui au Mouvement des citoyens de Charlevoix pour un environnement sain, (voir leur position ), nous réclamons également une enquête sur la qualité de l’eau souterraine à St-Irénée à l’intérieur d’un vrai processus de consultation.

En espérant que les élus de la MRC en réaliseront l’importance. À moins qu’ils n’aient déjà décidé de faire de St-Iréné le Centre national d’interprétation du bon porc du Québec engraissé à même les impôts des dindons de la farce. Leurs voisins artisans de Charlevoix, Damien Girard, éleveur biologique de porcs sur litière et Maurice Dufour, fromager de réputation internationale, n’auront plus qu’à se convertir aux farines OGM assaisonnées d’antibiotiques… Bienvenue aux touristes !

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