Paris (France), 20 février 2001 – La vache folle a empoisonné le 38ème salon international de l’agriculture de Paris, rendez-vous rituel entre le monde paysan et la capitale, sinistré cette année par l’inquiétude grandissante sur la sécurité alimentaire.
« Chacun a compris qu’il faut reconquérir la confiance des consommateurs et chacun montre les efforts faits pour sécuriser l’alimentation », expliquent les représentants de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), la toute puissante centrale syndicale agricole française, très présente dans le salon.
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« Tous les stands sont organisés en fonction de ça », reconnaissent leurs homologues de la Confédération paysanne, l’organisation de José Bové, pourfendeur de la « mal bouffe » et de la mondialisation.
Colloques, guides, documentations: organisateurs et exposants ont mis le paquet pour tenter de rassurer.
Pas question ici de montrer la face peu présentable de l’élevage intensif français: les usines à viande, à cochon ou à poulet.
Le Salon, c’est la carte postale du monde agricole, sa vitrine.
« C’est un moment de communication vers le grand public, l’occasion de lui montrer les meilleurs produits de la ferme France », souligne Annie Castaing, responsable de la communication de la FNSEA.
Mais le mal causé par la crise de la vache folle, devenue le symbole de la « mal bouffe », est visiblement profond.
« Je ne suis pas du tout rassurée par ce qu’ils me disent », confie une femme venue avec ses deux enfants de 6 et 4 ans voir les animaux.
« Ils nous disent ce qu’ils veulent », déclare un couple croisé dans le grand hall où sont rassemblés quelque 400 bêtes choisies parmi les plus beaux spécimens des élevages français.
Près de 600 000 visiteurs sont attendus pendant les huit journées du salon, jusqu’au 25 février, et ces propos saisis au détour d’une promenade ne sauraient refléter le sentiment général.
Mais le malaise est perceptible. Venu dimanche inaugurer le Salon en compagnie du ministre de l’Agriculture, Jean Glavany, le chef de l’Etat, Jacques Chirac, a essentiellement entendu des doléances.
La méfiance des consommateurs a enclenché une terrible spirale: les achats de viande ont diminué, les cours se sont effondrés et le revenu des éleveurs est en chute.
« J’ai perdu la moitié de mon chiffre d’affaires » depuis le début de la crise en octobre, s’insurge Raymond Valette, propriétaire d’un troupeau de 60 bêtes en Lozère (sud).
« Il faut convaincre les Parisiens de manger du boeuf, enrayer la psychose, rétablir la confiance, sinon, pour nous, rien ne changera », dit-il.
« On va faire descendre du train beaucoup d’entre nous », redoute Pascal Ferey, un éleveur de la Manche (nord-ouest).
La crise touche presque tous les pays voisins, mais cela ne calme pas les éleveurs français, qui accusent pêle-mêle les politiques, les média, la Commission de Bruxelles et les grandes surfaces.
Les mises en gardes de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) contre une éventuelle transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine aux moutons avivent leurs craintes.
L’avis de l’AFSSA, organisme indépendant créé par les autorités pour rassurer les consommateurs, a d’ailleurs provoqué la colère de M. Chirac.
Le président l’a accusée de « bêtise » et jugé ses recommandantions « irresponsables ». Sa charge a immédiatement déclenché une polémique politique.
Tous les élus français sont en campagne électorale jusqu’à élection présidentielle de 2002. Et les votes du monde rural comptent encore beaucoup en France.
Source : AFP