L’incertitude économique est là pour quelque temps encore

Les experts invités ont mis l’accent sur la difficulté de prévoir la direction que prendra l’économie

Publié: 19 octobre 2023

Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem.

Face à des bouleversements inédits depuis plusieurs décennies, l’économie hésite entre récession et ralentissement. Tous les scénarios sont sur la table, mais comment départager les arguments déterminants pour l’avenir?

Plusieurs experts ont discuté des thèmes de l’inflation, des tensions géopolitiques, de l’énergie, de la chaîne de valeur et d’approvisionnement, ainsi que des impacts pour le Québec et le Canada lors du Panel l’économie mondiale 2024 organisé par le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM) le 17 octobre à Montréal.

Le consensus qui se dégage est que les effets de la hausse des taux d’intérêt des banques centrales ne se reflète pas encore sur l’économie et que le choc risque de se faire sentir davantage en 2024 et 2025. Au fur et à mesure que les gens renouvelleront leurs prêts et hypothèques, les dépenses des ménages seront revues à la baisse et avec elles les revenus des entreprises manufacturières qui devront alors licencier du personnel. Les experts invités ont mis l’accent sur la difficulté de prévoir la direction que prendra l’économie, mais entre ralentissement en douceur ou récession, la courbe est nettement descendante.

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Pour Martin Lefebvre, vice-président, stratège et chef des placements à la Banque Nationale, la prudence est de mise puisque l’enjeu principal demeure les taux d’intérêt, malgré les événements politiques dont la nature est conjoncturelle. Jimmy Jean, vice-président, économiste en chef et stratège, Études économiques, Mouvement Desjardins, explique que les plaques tectoniques mises en mouvement par la Covid-19 (inflation, crise énergétique, etc) sont encore en mouvement et qu’il est donc difficile de prévoir ce que réservera l’avenir.

Chose certaine, les pays émergents comme les pays développés devront faire face à des remboursements de dettes plus difficiles puisque l’ensemble des pays s’est endetté durant la pandémie et que l’inflation gonfle la facture totale, explique Marie-France Paquet, économiste en chef à Affaires mondiales Canada. Face à la crise énergétique, plusieurs gouvernements investissent massivement et aggravent leurs dettes. Même si ces mesures soutiennent les économies, ce genre de dépenses n’est pas soutenable à long terme et laisse peu de marge de manœuvre en cas de problème économique. « Il y a un mur de dettes qui s’en vient », a illustré Jimmy Jean.

« Les ménages ont accumulé beaucoup d’épargne excédentaire (durant la covid) et ils ont dépensé en 2023, mais ce rythme de dépenses n’est pas soutenable en tenant compte du niveau des revenus », a ajouté Martin Lefebvre.

Les entreprises manufacturières effectuent en ce moment les plus grands réinvestissements depuis les années 1980 dans la modernisation de leurs infrastructures, une conséquence des décisions prises au plus fort de la dette. C’est ce qui explique entre autres pourquoi l’économie américaine demeure aussi forte, malgré presque 24 mois de hausse des taux d’intérêt. « Cette crise ne se déroule pas dans le même contexte que celle de 2008 et la récession annoncée n’est pas encore arrivée », a pour sa part commenté Vincent Delisle, premier vice-président et chef des Marchés liquides à la CDPQ.

La volonté des banques centrales de réduire l’inflation semble inévitable avec un ralentissement économique, ou une récession, selon Jimmy Jean qui voit une reprise lente par la suite. Martin Lefebvre indique pour sa part qu’une baisse des taux est le plus probable l’an prochain, mais qu’avec un taux de base de 5%, ce sera difficile, d’où sa recommandation d’être prudent.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.