L’agriculture de demain, selon Pierre-Olivier Zappa

La croissance des investissements dans les technologies agricoles suscitent maintenant une fascination auprès du grand public

Publié: 19 janvier 2024

Pierre-Olivier Zappa, journaliste et chef d'antenne à TVA

Dans une présentation drôle et dynamique, Pierre-Olivier Zappa a donné la conférence «À quoi ressemblera le monde agricole de demain?» le 16 janvier dernier au Salon de l’agriculture de Saint-Hyacinthe. Il a dressé un portrait des différents enjeux qui confronte le monde de demain — particulièrement celui de l’agriculture. «La pandémie, l’inflation, les conflits géopolitiques, le réchauffement climatique ont créé énormément d’instabilité. Les repères traditionnels sur lesquels nos décisions étaient prises se sont évanouis », dit-il.

Avec beaucoup d’humour, il a enchaîné des histoires personnelles et des anecdotes pour traiter de sujets majeurs. Par exemple, il a présenté son expérience avec l’épidémie de vols de convertisseurs catalytiques de voitures pour illustrer les distorsions économiques dans lesquelles nous vivrons pour encore des dizaines d’années. Dans la savoureuse anecdote, Pierre-Olivier Zappa se fait voler son catalyseur à répétition, le rendant rapidement inéligible à une couverture d’assurance en raison de ses nombreuses réclamations.

Lorsqu’il vend son véhicule pour un modèle moins prisé des voleurs, il découvre que le marché lui permet d’obtenir un montant plus élevé que son coût d’achat initial. « En sortant d’ici, un véhicule vendu prend 15 % de sa valeur automatiquement », lui dit un concessionnaire automobile. « Des rendements meilleurs que des placements en bourse » lui répond le journaliste. À l’époque, c’était apparemment le cas. Pierre-Olivier Zappa a acheté un véhicule électrique, sans catalyseur. La leçon, selon lui : « cette expérience m’a mené à être confronté à tous les nouveaux paramètres de l’économie dans laquelle on vit » : l’hyperinflation, les fluctuations de marché, les questions environnementales, les vulnérabilités des consommateurs…

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Dans ce contexte, le grand défi pour le monde agricole identifié par le journaliste est de satisfaire les besoins alimentaires de la planète avec une population toujours grandissante. «On devra augmenter la production agricole de 26 % d’ici 2050 pour nourrir les 10 milliards d’humains qui vont être autour de nous. Et le faire dans un contexte social et économique changeant qui impose de nouveaux défis et de nouveaux obstacles», croit-il.

Or, selon lui, le Québec et le Canada, en raison de leur géographie et de la stabilité de leur gouvernement, ont une position privilégiée pour bénéficier des transformations économiques et environnementales qui sont déjà bien entamées. On voit présentement que les conflits géopolitiques actuels causent des changements importants dans les partenariats d’échange et d’approvisionnement alimentaire à travers le monde, provoquant « une reconfiguration des plaques tectoniques, qui sont en train de bouger, mais le Québec et le Canada sont extrêmement bien positionnés » grâce, entre autres, à la confiance qu’ils inspirent auprès des autres pays, croit-il.

Les défis seront grands. Pierre-Olivier Zappa a exploré la signification de la fin de la « grande modération », une période relativement stable, aux taux d’intérêt modérés et comportements économiques prévisibles, qui a débuté durant les années 1980 pour prendre fin à peu près avec la pandémie — une période marquée par une mondialisation qui permettait aux pays comme le Canada et les États-Unis d’obtenir d’importants gains de productivité. Il a montré que les gains d’efficacité présentés par le déplacement de la production à l’extérieur durant la grande modération ont plafonné vers 2010, suivi d’un déclin.

Maintenant, on fait face à différents défis, dont ceux du réchauffement climatique et du déclin de la population active « une pénurie de main-d’œuvre qui ne cessera d’être aigüe dans les prochaines années », selon lui.

En matière d’environnement et de mitigation du réchauffement climatique, « tous les secteurs de l’économie vont devoir passer à travers les quatre étapes, celles de l’efficacité énergétique, de l’électrification, de l’emploi d’énergies propres et de la captation du carbone », selon lui. Et le passage à travers ces étapes engendrera évidemment toutes sortes de coûts pour les entreprises. Pour répondre aux nouvelles exigences, Pierre-Olivier Zappa a décrit la croissance des investissements dans les technologies agricoles qui suscitent maintenant une fascination auprès du grand public. Fascination constatée par la popularité au Consumer Electronics Show de Las Vegas d’exposants comme John Deere avec leurs nouveaux robots-tracteurs. «Ce qui s’en vient va complètement changer la façon de gérer les exploitations agricoles», affirme-t-il.

Qui parle robotique parle pénurie de main-d’œuvre. «La démographie sera un des principaux freins à la croissance économique au cours des prochaines décennies», constate-t-il. «Selon les projections de la BDC, l’écart entre l’offre et la demande en matière de main-d’œuvre va aller en s’accroissant avec un marché du travail en expansion.» Et il y a un facteur structurel qui fait en sorte que ce problème persistera très longtemps, selon le présentateur : le vieillissement de la population. Et au Québec, la croissance de la population est parmi les plus faibles des provinces du Canada, avec des décroissances dans certains groupes d’âge et d’importantes variations régionales.

Une des solutions de cette pénurie de main-d’œuvre? «Une modernisation des ressources humaines pour attirer et retenir davantage de salariés», raconte Pierre-Olivier Zappa. Le présentateur a évoqué la mise en place à TVA du concours «Le Patron de la semaine», où le public était invité à inscrire leur patron pour le prix hebdomadaire. En remettant le prix au patron gagnant, «on voulait mettre en lumière comment ses pratiques de gestion ont un impact positif sur ses employés et comment son entreprise est même mieux positionnée pour faire face aux défis de l’économie de demain.»

À PROPOS DE L'AUTEUR

Frédéric Jean

Frédéric Jean

Journaliste

Frédéric Jean est rédacteur agréé et consultant scientifique pour des projets de recherche et développement. Il développe à travers sa compagnie Canopée des systèmes d’épandage par drone pour la lutte biologique.