Montée en fou du prix du porc

Le prix du porc connaît une correction suite à un prix beaucoup trop bas au printemps

Publié: 14 juillet 2023

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porc

Le prix du porc connaît une montée inhabituelle pour cette période de l’année. Que se passe-t-il? Une entrevue avec le stratège de marché Simon Brière, de RJO’Brien, nous explique que c’est plutôt le prix du printemps qui était vraiment trop bas. Nous vivons présentement une correction pour un retour à la normale.

Le marché du porc est saisonnier. En temps normal, les prix les plus bas dans le marché du porc sont à l’automne et ça remonte à l’été. « Les prix ont beaucoup baissé en avril et un peu en mai et ça, ça a été très surprenant, raconte Simon Brière. Le marché a été en grande confusion avec la Proposition 12 en Californie. » Les National Pork Producers ont perdu devant la Cour Suprême des États-Unis dans leur volonté d’invalider la Proposition 12. Cette loi de 2018 adoptée en 2022 exige que les produits vendus dans l’État soient issus d’animaux ayant droit à des normes spécifiques en matière de liberté de mouvement, de conception et d’espace au sol. 

« Ça, ça a créé beaucoup d’inquiétude parce qu’on ne savait pas ce qu’on allait faire avec cette viande-là », dit Simon Brière. Cela a créé une pression sur le prix de la viande. « C’était carrément contre-saisonnier », précise Simon Brière. Alors que le prix devait monter, il était en train de descendre en raison de l’inquiétude. De surcroît, le prix des grains était encore très élevé, donc le coût de production était encore élevé. 

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Face à un marché du porc qui était déconnecté de ce qu’il aurait dû être, il a repris pour revenir à ce qu’il aurait dû être. « C’est un peu ce qu’on a vécu dans les trois derniers mois : une baisse rapide, violente, même un peu injustifiée, un marché qui est revenu là où il devrait être », explique Simon Brière.

Malgré la hausse récente, le prix n’est pas à son meilleur comparativement aux dernières années. Actuellement, le prix à la bourse de Chicago est d’environ 1$ la livre. L’an dernier, il était de 15 à 20% plus élevé. Ce printemps, le prix était sous les 80¢. « Ça, c’était totalement anormal », dit Simon Brière. Comme stratège, il se demandait pourquoi la demande n’était pas au rendez-vous. Avec un prix du porc aussi bas, pourquoi les consommateurs ne se détournaient pas du bœuf qui est à un prix élevé record pour acheter davantage de porc?

« L’aberration, ce n’est pas le prix qu’on a maintenant. L’aberration, c’est le prix qu’on avait il y a trois à quatre semaines », explique Simon Brière. 

Prévision de l’automne

Ce qui est positif pour les producteurs de porcs, c’est la baisse des coûts de production liée à la baisse des prix des grains. Selon Simon Brière, cela permettra pour les producteurs d’entrevoir une rentabilité beaucoup plus intéressante dans les prochains mois. Cela est dû à la situation américaine, mais aussi à la baisse de la production porcine au Québec.

Depuis deux à trois ans, les producteurs de porcs ont réduit la taille de leur cheptel aux États-Unis en raison de la rentabilité qui n’était pas au rendez-vous en lien avec des grains trop élevés. L’effet de rareté dans la viande de porc aura pour effet d’augmenter le prix du porc et les inventaires de grains plus abondants qui en découlera feront baisser le prix des grains. Donc, la rentabilité des entreprises devrait être meilleure. Le cheptel américain a déjà baissé de 5 à 10%. C’est donc une consommation de 5 à 10% de grains en moins.

À cela, il faut ajouter que Mère Nature aide. Les Américains ont semé beaucoup de maïs et les rendements devraient être bons. « Donc, les coûts d’alimentation vont être beaucoup plus intéressants l’année prochaine pour les éleveurs de porcs », explique Simon Brière. 

Effet d’Olymel au Québec

La réduction dans les prochains mois d’un million de porcs abattus au Québec décrétée par Olymel, sur les 7 millions produits au Québec, aura un impact sur le marché local. Selon Simon Brière, environ la moitié du grain produit au Québec est destiné à l’alimentation porcine. « On va se retrouver avec des producteurs de grains qui perdent leur marché numéro 1 pour la consommation, dit-il. Donc, c’est certain qu’il va y avoir une abondance de maïs ici au Québec. Donc, il faudra forcément passer par l’exportation de grains, qui se fait à des valeurs beaucoup plus faibles. »

Il ajoute que pour la consommation locale de porc, la diminution de la production de porc n’a pas d’impact puisque le porc est en grande partie exportée. Le consommateur ne sera donc pas impacté. Cependant, la filière agricole sera affectée. Pour le porc, ça aidera possiblement à stabiliser le marché, mais pour les grains, il y aura un surplus. « Cette année, les producteurs ont semé beaucoup de maïs et jusqu’à preuve du contraire, on devrait avoir une très grosse saison », dit Simon Brière. 

Le prix des grains devrait donc être faible et les producteurs de grains devront se tourner vers l’exportation. Selon lui, il faudra deux à trois ans avant d’arriver à un certain équilibre. Il devrait se faire davantage de soya et moins de maïs.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.