Le jeudi 11 mai 2023, dans une décision à 5 contre 4, la Cour Suprême des États-Unis a rejeté l’appel du National Pork Producers (les Producteurs de porc américains) et de l’American Farm Bureau Federation (Fédération des producteurs agricoles américains) dans leur combat pour faire invalider la Proposition 12 de la Californie.
Cette loi de 2018 adoptée en 2022 exige que les produits vendus dans l’État soient issus d’animaux ayant droit à des normes spécifiques en matière de liberté de mouvement, de conception et d’espace au sol. Cette loi interdit aussi à un exploitant de ferme de confiner sciemment des animaux d’une manière jugée cruelle par l’État ou à toute entreprise de livrer des produits issus d’animaux élevés de manière jugée cruelle.
Dans sa contestation de cette loi, l’industrie avait fait valoir que la mesure violait une disposition de la Constitution américaine appelée la clause de commerce que les tribunaux ont interprétée comme habilitant le gouvernement fédéral – et non les États – à réglementer le commerce entre les États.
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« Nous sommes très déçus de l’avis de la Cour Suprême », a dit le président des National Pork Producers, Scott Hayes. « Permettre à l’État d’aller trop loin augmentera les prix pour les consommateurs et conduira les petites exploitations à la faillite, ce qui conduira à davantage de consolidation. Nous évaluons toujours l’avis complet de la Cour pour en comprendre toutes les implications. Nous continuerons à nous battre pour les éleveurs de porc de notre pays et les familles américaines contre les réglementations erronées. »
Plusieurs groupes de l’industrie agricole et de la transformation alimentaire avaient signifié leur opposition à la loi californienne. Même le président américain, Joe Biden, y était opposé. La crainte des opposants à cette loi est que les producteurs des autres États soient obligés de se conformer à la nouvelle loi californienne. Selon la présidente des Iowa Pork Producers (Producteurs de porc de l’Iowa), Trish Cook, permettre à des États de réguler le commerce au-delà de leurs États est un mauvais précédent. La Californie est l’État le plus populeux des États-Unis et nécessite donc une grande quantité d’aliments pour nourrir sa population.
Bien qu’il ait déclaré que ceux qui choisissent de vendre des produits dans divers États doivent normalement se conformer aux lois de ces États, le juge Neil Gorsuch a semblé laisser la porte ouverte à de futurs défis. Tout en rejetant l’argument selon lequel la Proposition 12 violait la clause du commerce, il a noté qu’elle remettait potentiellement en question d’autres dispositions constitutionnelles, notamment la clause d’importation-exportation, la clause de privilèges et immunités et la clause de pleine foi et de crédit. Des aspects qui devraient être étudiés davantage.
Impacts sur les marchés
Les conséquences sur les marchés de la décision de la Cour Suprême ne se sont pas fait attendre. «Les choses allaient bon train durant la matinée pour les contrats à terme (+1.25 usd) et puis PAF! La décision de la cour suprême des États-Unis est tombée au sujet de la Proposition 12 en Californie», écrivait le stratège de marché Frédéric Hamel dans l’infolettre Extra viande de RJO’Brien. Il ajoute que les conséquences seront une moins grande disponibilité de porcs dans les mois à venir et une viande de porc plus cher pour le consommateur.
«Des investissements que les producteurs ne feront pas ou difficilement en raison des pertes financières assumées dernièrement. On parle de millions de dollars d’investissement requis. Il faut dire que la Californie produit 1% du porc américain, mais consomme 15% de la production», ajoute Frédéric Hamel.
Des heureux
Si certains sont frustrés de cette décision, d’autres saluent la décision. En 2018, 63% des électeurs californiens avaient appuyé la Proposition 12. Les représentants de People for Ethical Treatments of Animals (PETA) célèbrent la décision tout en revendiquant davantage d’actions contre la production animale. De son côté, A.J. Albrecht, la directrice générale de Mercy for Animals (Pitié pour les animaux), une des organisations qui étaient derrière la Proposition 12, s’est dit « folle de joie ». « Aujourd’hui, nous célébrons que dans un avenir proche, d’innombrables porcs, veaux et poules ne souffriront plus inutilement des formes les plus extrêmes de confinement », a-t-elle dit. La présidente de Humane Society of the United States (Société humaine des États-Unis), Kitty Block, a salué la décision. « Nous n’arrêterons pas de nous battre jusqu’à ce que l’industrie porcine mette fin à sa pratique cruelle et imprudente consistant à confiner les mères cochons dans des cages si petites qu’elles ne peuvent même pas se retourner », a-t-elle dit.
Le bonheur de DuBreton
L’entreprise porcine québécoise DuBreton spécialisée dans la production de porc biologique et Certified Humane a le vent dans les voiles et profitera de cette décision de la Cour Suprême des États-Unis. La chaîne de distribution américaine Whole Foods Market, spécialisée dans la vente d’aliments naturels et biologiques, vient d’annoncer le 8 mai 2023 qu’elle élargit la distribution des produits de la marque DuBreton.
Sur son fil LinkedIn, le président de DuBreton, Vincent Breton, a dit que la décision de la Cour Suprême changeait la donne. Il a ajouté que DuBreton était prêt et déjà certifié pour répondre aux exigences de la Proposition 12.