Martin Van Winden a testé le pulvérisateur intelligent ARA d’Ecorobotix

L’économie de liquide vaporisé variera selon le type de produit, le mode d’application et le niveau d’infestation du champ

Publié: 14 novembre 2023

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Pulvérisateur intelligent ARA d'Ecorobotix.

Martin Van Winden des Fermes Hotte et Van Winden de Napierville reste à l’affût des nouvelles technologies en agriculture. Toutes les semaines, il ratisse YouTube et le reste du Web pour dénicher toute technologie qui pourrait lui permettre d’améliorer ses activités à la ferme.

En 2018, son œil est tombé sur la jeune pousse (startup) Ecorobotix qui développait l’ARA, un pulvérisateur intelligent de très haute précision. Martin Van Winden a tenté à plusieurs reprises de se le procurer, mais l’entreprise agtech suisse préférait garder l’ARA près de chez elle pour faciliter les dernières mises au point. Cette année, l’ARA a commencé à être vendu en Amérique du Nord, et Martin Van Winden en a tout de suite fait l’acquisition.

Le système de caméras multiples à bord de l’ARA permet d’isoler et d’identifier les végétaux en distinguant les mauvaises herbes des plants de culture, même aux premiers stades de croissance. La reconnaissance visuelle assistée par ordinateur produit une représentation de la plante avec sa hauteur afin que les buses d’arrosage s’en approchent sans la toucher, minimisant la quantité de produit utilisée. Le résultat : un arrosage ultra précis, sur mesure, à l’échelle individuelle de chaque plante. Le système peut appliquer n’importe quel produit liquide habituellement utilisé par le producteur, qu’il s’agisse de pesticides ou d’engrais foliaires — toujours avec la même précision. L’ARA peut même être utilisé la nuit puisque ses caméras ont leurs propres sources de lumière.

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En 2023, les Fermes Hotte et Van Winden ont utilisé l’ARA sur environ 342 hectares (800 acres). Le système était prêt à l’utilisation sur la laitue, l’oignon, et le chou nappa au moment de la livraison (plusieurs autres cultures sont possibles). Un algorithme a été ajouté au cours de la saison pour les carottes. L’ajout d’un algorithme pour une nouvelle culture prend quelques mois — c’est le temps nécessaire selon Martin Van Winden pour que la compagnie Ecorobotix crée au moyen d’images le modèle à la base de l’algorithme. Les images produites par l’ARA sont envoyées chez Ecorobotix dans le but de raffiner les algorithmes, au bénéfice de tous les utilisateurs.

Martin Van Winden trouve le système très facile d’utilisation. L’ARA se contrôle au moyen d’une tablette Android ou d’un téléphone intelligent. Une page Web permet de choisir parmi différentes options, dont le nombre de litres par hectare pour le produit utilisé, et le mode d’application. Il existe trois modes : le premier vaporisera un herbicide sur toutes les mauvaises herbes dans un champ qui n’a pas encore été cultivé ; le prochain mode laisse le système détecter les plants cultivés, puis vaporise les mauvaises herbes qui se trouvent autour ; et le troisième mode fait l’inverse, vaporise le plant cultivé uniquement.

L’économie de liquide vaporisé variera selon le type de produit, le mode d’application et le niveau d’infestation du champ. « Une dizaine de jours après la plantation de la laitue, je dois appliquer un fongicide. À ce moment-là, la laitue est assez petite. Avec le fongicide, j’ai pu sauver environ 80 % de produit », affirme Martin Van Winden. Mais encore mieux, il a pu réduire de 95 % son utilisation d’un herbicide contre l’herbe à poux dans l’oignon.

Ce qui a d’abord motivé l’achat de l’ARA pour Martin Van Winden, c’est la possibilité d’économiser en main-d’œuvre. Cette année, à cause de la quantité de pluie tombée, la ferme n’a pu sortir que 50 % de la production prévue ; Martin Van Winden n’a donc pas vu les économies de main-d’œuvre souhaitées. Il estime qu’avec une saison plus proche de la normale, l’ARA aurait contribué significativement à réduire le travail manuel. « Un côté positif pour moi : j’ai pu réduire mon utilisation de produits chimiques, mais ce n’était quand même pas la motivation principale derrière l’achat. »

La vitesse limite du déplacement de l’ARA est d’environ 7,2 km/h, tandis que Martin Van Winden arrose habituellement à 6 km/h avec un pulvérisateur ; il n’a donc pas eu à faire de compromis à ce chapitre. Le système a permis à Martin Van Winden de traiter jusqu’à 16 hectares (40 acres) par jour, ce qui est tout à fait satisfaisant pour un arrosage ciblé dans le maraîcher. Son économie en main-d’œuvre est ailleurs. Elle vient plutôt du fait que l’ARA arrose avec une très haute précision : puisqu’on est capable d’éviter de toucher aux plants plus sensibles lors de l’arrosage de pesticides, on peut traiter le champ plus souvent, ce qui réduit la fréquence du sarclage manuel — l’étape la plus onéreuse en matière de main-d’œuvre.

La compagnie Ecorobotix affirme que son ARA se rentabilise en un ou deux ans d’utilisation. « Ce que je n’ai pas pu calculer cette année, c’est mon augmentation de rendement », raconte Martin Van Winden, « Mais, d’après moi, c’est quand même une machine que je suis capable de rentabiliser en un ou deux ans. On a fait nos calculs, et lorsqu’on ne peut pas rentabiliser une machine en trois ou quatre ans, on ne l’achète pas. » La valeur de l’ARA croit avec le temps puisque de nouveaux algorithmes s’ajoutent au fur et à mesure de leur développement, augmentant la polyvalence du système. Martin Van Winden a installé deux mises à jour qui se sont traduites par des améliorations évidentes — incluant la possibilité de traiter les carottes.

Il est même possible de tester un algorithme pour voir s’il est possible de l’utiliser avec une culture pour laquelle il n’a pas été expressément conçu. C’est ce qu’a fait Martin Van Winden avec l’algorithme pour la laitue qu’il a transféré au chou nappa. Avec l’ARA, dans un premier temps, il a balayé son champ de nappa seulement pour capter des images, sans appliquer de produit chimique. Cette simulation lui a permis de constater que la détection des plants de chou nappa était adéquate avec l’algorithme de la laitue. Il a ensuite pu utiliser l’ARA sur le chou avec les mêmes bénéfices que sur la laitue.

L’expérience de Martin Van Winden avec le pulvérisateur ARA fut très positive cette année, et son flair pour les nouvelles technologies a bien été récompensé : « J’avais suffisamment confiance en la technologie que je ne suis même pas allé la voir en Europe. Je suis prêt à me déplacer, jusqu’en Europe au besoin, pour inspecter un nouvel appareil avant de l’acheter, mais dans ce cas-ci ce n’était pas nécessaire. »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Frédéric Jean

Frédéric Jean

Journaliste

Frédéric Jean est rédacteur agréé et consultant scientifique pour des projets de recherche et développement. Il développe à travers sa compagnie Canopée des systèmes d’épandage par drone pour la lutte biologique.