Nouveau mois, un peu d’air frais pour les marchés

Publié: 1 février 2019

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Nouveau mois, un peu d’air frais pour les marchés

Le marché des grains à la bourse tourne en rond, avec peu de changements dans les prix depuis un bon moment. Comme je l’ai expliqué dans les dernières semaines dans ce blogue (« Shutdown » aux États-Unis, les marchés ont horreur du vide / Marché des grains : rien ne bouge!), à mon avis, ceci découle fort probablement et surtout de la fermeture partielle du gouvernement américain qui a empêché la publication des rapports du USDA. Bien entendu, les négociations États-Unis et Chine qui n’ont pas encore débouché sur des ententes y sont pour quelque chose aussi.

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On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.

Mais, cette semaine, le vent a tourné. Le gouvernement américain a rouvert ses portes et le USDA recommence à s’activer.  Nous aurons d’ailleurs plusieurs rapports très attendus qui seront diffusés vendredi prochain, notamment le rapport mensuel d’offre et demande de grains avec des chiffres importants qui n’ont pas été publiés en janvier.

On parle surtout ici de l’estimation finale des rendements américains de l’an dernier. D’ailleurs, avec le mauvais automne, les marchés prévoient qu’en principe, ceux-ci devraient autant pour le maïs que le soya être abaissé de nouveau. Si c’est le cas, les stocks américains devraient reculer, ce qui devrait offrir un peu plus de fermeté dans les prix.

Dans cette même veine, le USDA présentera aussi son rapport sur les ensemencements américains de blé d’hiver à l’automne dernier. Ici aussi, avec les mauvaises conditions à ce moment, on prévoit un recul.

Avec le retour des activités du USDA, on attend également avec impatience les derniers chiffres sur les ventes à l’exportation de grains américains des dernières semaines qui devraient être diffusées progressivement en février. Ce jeudi, nous avons obtenu de 1ers chiffres intéressants, bien que très en retard évidemment.

Selon l’organisation américaine, pour la semaine du 20 décembre dernier les ventes à l’exportation de maïs ont été de 1,699 millions de tonnes et celles de soya de 2,391 millions de tonnes, dont 1,466 millions de tonnes à la Chine. Dans les deux cas, il s’agit de niveaux très intéressants. Pour le soya, la guerre commerciale États-Unis et Chine se faisant, on retient aussi que les acheteurs chinois ont alors dû payer un tarif supplémentaire de 25% pour importer ce soya, ce qui rend d’autant intéressant le fait qu’ils en aient acheté avant les fêtes.

Dans l’ensemble, côté chiffres de nouveau disponibles avec la réouverture du USDA, nous avons donc eu et aurons encore dans les prochains jours des informations positives qui devraient alimenter un peu plus de fermeté dans les prix à la bourse. Par contre, bien entendu, c’est surtout si la semaine prochaine (vendredi) les chiffres présentés sont positifs. Dans l’intérim, on ne devrait pas nécessairement s’étonner pour autant d’une certaine méfiance des marchés.

Les négociations États-Unis et Chine qui ont eu lieu cette semaine sont également encourageantes. Cette fois-ci, la Chine elle-même semble beaucoup plus ouverte à conclure une entente, le pays multipliant les initiatives et gestes montrant sa bonne foi. De son côté, le gouvernement américain n’a pas manqué non plus de souligner que les discussions sont très positives et que pour le milieu agricole, ce ne serait qu’une question de temps avant que la Chine confirme de nouveau des achats importants de soya, mais possiblement aussi de maïs, de blé et même d’éthanol américain. Dans les nouvelles, j’ai lu cette semaine qu’une vente très importante de 5 millions de tonnes de soya américain à la Chine serait même sur le point d’être annoncée.

Dans tous les cas, on retient qu’en principe, les États-Unis et la Chine se sont entendus qu’ils avaient jusqu’au 1er mars prochain pour en arriver à un accord. Avec le congé d’une semaine de la nouvelle année en Chine qui débute le mardi 5 février prochain, il faudra patienter en principe jusqu’à la mi-février avant que les négociations se poursuivent et soient conclues.

Concrètement, à la bourse, je note que le marché du soya m’apparait spécialement positif pour l’instant, dans la mesure où il profite toujours de sa tendance haussière en place depuis les creux de la récolte. La situation sera d’autant intéressante s’il parvient maintenant à franchir une nouvelle étape importante à 9,27-9,30 $US/bo. puis 9,40 $US/bo. à Chicago sur l’échéance de mars 19.  Rappelons cependant qu’il faut rester très prudent avec le marché du soya, puisque nous avons cette année des stocks américains et mondiaux à des sommets. Ceci rend quand même difficile d’envisager pour le moment une hausse marquée des prix.

La situation du maïs m’apparait un peu plus ambiguë. Nous avons vu la tendance haussière amorcée à la récolte brisée dans les dernières semaines. Mais, ce qui me préoccupe également est le ralentissement de la production américaine d’éthanol alors que depuis maintenant 19 semaines, les marges des usines américaines sont négatives. On se rappelle qu’à moins d’une surprise, la faveur veut aussi que ce sera davantage de maïs qui sera semé ce printemps aux États-Unis. Pour cette raison, le principal objectif du mois est pour l’instant toujours que le prix du maïs à Chicago parvienne à franchir le cap du 4,00 $US/bo. (échéance de mars 19).

Que ce soit pour le maïs et le soya, à la bourse, le mois de février pourrait très bien voir les prix reprendre de la contenance. Par contre, le temps qu’on obtienne davantage de chiffres du USDA, puis qu’ensuite un accord officiel soit bel et bien annoncé entre les États-Unis et la Chine, je reste prudent.

On se rappelle que la réouverture du gouvernement américain n’est que temporaire pour 3 semaines, le temps que républicains et démocrates en viennent à un accord sur le plafond de la dette américaine et surtout, la sécurité et le mur à leur frontière avec le Mexique. Il se peut donc très bien qu’à la mi-février, nous nous retrouvions aussi de nouveau dans l’impasse avec de nouveau la fermeture partielle du gouvernement américain et du USDA, et trop peu de chiffres pour alimenter de nouveau les marchés.

 

 

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Philippe Boucher

Jean-Philippe Boucher

Collaborateur

Jean-Philippe Boucher est agronome, M.B.A., consultant en commercialisation des grains et fondateur du site Internet Grainwiz. De plus, il rédige sa chronique mensuelle Marché des grains dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs.