Le Réseau d’avertissement phytosanitaire (RAP) a émis la semaine dernière un avis concernant la découverte d’un plant d’amarante de Palmer en Ontario, plus précisément dans le comté de Wellington. Il s’agit du deuxième signalement au Canada depuis celui fait en 2021 dans un champ de haricots noirs au Manitoba.
La récente annonce a de quoi inquiéter : l’amarante de Palmer a été déclarée en 2016 par la Weed Science Society of America (WSSA) comme étant « la mauvaise herbe la plus problématique aux États-Unis ». Le fait qu’elle se trouve maintenant en Ontario indique que ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’on ne la retrouve dans nos champs.
L’amarante de Palmer a un triste pedigree. Aux États-Unis, elle a développé des mécanismes de résistance aux herbicides des groupes 2, 3, 4, 5, 6, 9, 10, 14 et 27. « De la résistance jusqu’à six groupes d’herbicides dans une même population a été observée», indique le RAP. « Les alternatives sont presque nulles », mentionne la chercheuse en malherbologie Sandra Flores-Mejia du Centre de recherche sur les grains (CEROM).
À lire aussi

Inondation dans les champs: quoi faire selon les cultures
La pluie a causé des siennes dans plusieurs régions mais avant de s’inquiéter, le RAP rappelle quelques informations et conseils sur ce type de situation.
La super mauvaise herbe est également beaucoup plus agressive que sa cousine, l’amarante tuberculée, présente dans les champs québécois depuis 2017. Selon Mme Flores-Méjia, « elle est extrêmement compétitive et agressive. Elle est dix fois pire que l’amarante tuberculée ». Dans le cas de cette dernière, la force est dans le nombre, alors que pour l’amarante de Palmer, un petit nombre peut se traduire par beaucoup de pertes du côté du rendement. « Par exemple, la perte avec huit plants par mètre carré de soya pour l’amarante tuberculée peut monter à 44%, alors que c’est 79% avec l’amarante de Palmer. Pour le maïs, c’est 17% pour l’amarante tuberculée et 91% pour l’amarante de Palmer », ajoute la spécialiste.
La différence entre les cultures vient du fait que l’amarante de Palmer peut croître à une vitesse fulgurante dans de bonnes conditions, jusqu’à 5 à 8 centimètres par jour pour une hauteur totale de 3 mètres.
Tout n’est pas perdu puisqu’il est possible de retarder la progression de la mauvaise herbe et, par le fait même, de se préparer à son entrée sur le territoire québécois. La meilleure prévention est encore une identification précoce en marchant les champs, indique la chercheuse. C’est d’ailleurs les doutes d’un producteur de l’Ontario face à une « amarante bizarre » qui l’a mené à investiguer davantage et a permis d’aviser toute la communauté agricole du pays.
Les producteurs québécois disposent d’outils pour agir dans le même sens. Sandra Flores-Mejia vante le programme de surveillance de l’amarante tuberculée du gouvernement provincial qui fait des jaloux ailleurs au Canada. Grâce à ce dernier, les producteurs ont la possibilité d’envoyer sans frais des spécimens d’amarante à des fins d’analyse au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) du MAPAQ. Celui-ci offre gratuitement l’identification et la détection des résistances aux herbicides chez toutes les espèces d’amarantes. En cas de doute, on peut également envoyer une photo, peu importe le stade de croissance, à [email protected]. Un suivi est assuré pour tous les envois, assure-t-elle. Si la chercheuse avait un souhait à formuler, ce serait de voir le programme être reconduit par le MAPAQ.
Une carte mémoire, de la taille d’une carte de crédit, peut également être téléchargée et trimballée dans le portefeuille afin d’aider à mieux la repérer dans le champ.
Dans les cas de nouvelles mauvaises herbes, les producteurs sont en effet les meilleurs alliés des chercheurs. « Si vous voyez une mauvaise herbe bizarre, n’hésitez pas à demander de l’aide », souligne-t-elle.
Si l’éradication n’est pas envisageable, il est toutefois possible de contrôler l’amarante. Un protocole rigoureusement suivi, dont l’arrachage à la main, peut permettre de la limiter. Il est important d’arracher la mauvaise herbe avant sa floraison puisqu’une fois que les graines sont présentes, il n’y a aucun moyen de la contrôler.
Une telle approche doit aussi intégrer les forfaitaires qui ont tout intérêt à prendre des mesures de biosécurité, une approche bonne pour leurs affaires, selon elle. Les producteurs ne devraient pas non plus hésiter à demander à leur forfaitaire de prendre les précautions nécessaires, malgré les contraintes en temps de récolte. Sinon, il est toujours possible d’exercer une surveillance accrue sur le champ en question, mentionne la chercheuse.
La meilleure stratégie est d’ailleurs de se prévaloir des services d’un agronome qui saura guider le producteur sur les méthodes de prévention ou d’éradication. Il pourra aussi accompagner le producteur sur les meilleures méthodes à utiliser dans le cas d’un prélèvement d’un spécimen dans le champ pour des fins d’analyse.
Et surtout, il ne faut pas oublier les fossés ou les chemins d’accès entre les champs, souvent négligés lors des inspections.
« Il y a un réseau de surveillance qui a été mis en place et un protocole qui a été développé pour l’amarante. Tous les chercheurs de partout au Canada sont en contact. On se prépare et on souhaite avoir l’aide des producteurs », conclut Sandra Florès-Mejia.