La culture du canola pourrait attirer de nouveaux adeptes grâce à des recherches menées par le Centre de recherches sur les grains (Cérom). Le centre se penche en effet sur la culture du canola d’automne, une culture déjà pratiquée en Ontario, dans les provinces de l’Ouest et les États-Unis, mais peu connue au Québec.
Plusieurs facteurs ont freiné son utilisation comme culture céréalière d’automne, tels que le peu de connaissance sur sa survie hivernale et son potentiel de rendement sur le sol québécois. La production du canola de printemps se concentre, pour sa part, dans les régions plus nordiques, telles que le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue et le Bas-Saint-Laurent, bien que certains producteurs la cultivent avec succès au sud de la province.
Des éléments en faveur du canola d’automne ont cependant attiré les chercheurs du Cérom. Son cycle de production est similaire à celui des céréales d’automne, en plus d’offrir une couverture au sol durant l’hiver. En devançant le cycle de croissance de la culture, on se trouve également à éviter les pics d’infestation des insectes, tels que les altises et la cécidomyie du chou-fleur, les principaux prédateurs du canola, tout en facilitant le contrôle des mauvaises herbes au printemps.
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Les premiers essais menés à l’automne 2022 et au printemps 2023 avec des semences non traitées ont dépassé les attentes des chercheurs responsables. La culture du canola d’automne a non seulement survécu à l’hiver, mais elle a été florissante, malgré les conditions difficiles du printemps. Un résumé des essais, présenté lors d’un congrès, indique que « des études préliminaires dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont démontré un taux de survie hivernale d’environ 80 %. De plus, là où les densités de population étaient plus faibles, les plants de canola ont compensé par une augmentation du rendement par plant ».
Sébastien Boquel, entomologiste au Cérom et en charge du projet, renchérit. « La survie hivernale des parcelles sur le site du Cérom a atteint 90% et entre 75% et 100% sur l’ensemble des parcelles. » Les tests ont eu lieu à six endroits : dans des parcelles en Montérégie-Est (au Cérom) en régie conventionnelle et biologique et chez cinq producteurs (Saguenay-Lac-Saint-Jean, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent). Un seul champ n’a pas atteint un niveau de survie optimal (Saguenay).

Mais le plus encourageant aux yeux de l’équipe du Cérom est que le canola d’automne ait atteint le but recherché, soit éviter les stades de croissance les plus vulnérables vis-à-vis des insectes en étant désynchronisé des pics d’activité des insectes nuisibles présents dans le canola de printemps.
La défoliation par les altises s’est avérée très faible, tout comme la population de la cécidomyie du chou-fleur, et par des marges importantes. « C’est le jour et la nuit », résume Sébastien Boquel. Les autres prédateurs étaient également beaucoup moins abondants que dans la culture printanière du canola, avec certaines nuances, mais sous les seuils d’intervention recommandés. En somme, des résultats tout à fait respectables, surtout pour des semences non traitées, et qui promettent pour la culture en régie biologique, mais aussi conventionnelle.
Dans le cas de la mauvaise herbe, le canola d’automne a éprouvé des difficultés à l’implantation au stade de 0-6 feuilles, mais s’est repris au printemps avec moins de 3 % de recouvrement des mauvaises herbes dans le site expérimental du Cérom. Pour le rendement, le centre de recherche a évalué des quadrants de 5 mètres carrées qui ont donné de 2,33 à 3,35 tonnes l’hectare. Comme le but premier était surtout d’estimer l’impact sur les insectes, il a été plus difficile d’évaluer le rendement moyen dans l’ensemble des parcelles en essai. Un producteur de l’Outaouais, qui s’est inspiré des tests du Cérom, a rapporté avoir obtenu un rendement moyen de 2,5 à 3 tonnes à l’hectare, avec des pointes à 4 tonnes l’hectare, rapporte Sébastien Boquel. Selon ce dernier, le potentiel estimé se situe à 2,7 tonnes à l’hectare.
Les chercheurs en concluent que l’introduction du canola d’automne dans les rotations de culture serait une avenue très intéressante en régie biologique et une excellente alternative à l’utilisation d’insecticides de semences et foliaire en régie conventionnelle. Si le canola d’automne « présente une bonne survie à l’hiver, de bons rendements, en plus de compétitionner les mauvaises herbes, elle offrira de nouvelles perspectives pour la gestion intégrée des ravageurs dans la culture du canola au Québec », peut-on lire dans le résumé des résultats.

« Le canola d’automne a un réel potentiel et surpasse le canola de printemps », indique l’entomologiste.
Le projet sur le canola d’automne se poursuit encore cette année. Certaines études, dont certaines réalisées en Ontario, rapportent une augmentation des rendements en blé d’automne lorsqu’il suivait le canola d’automne dans les rotations de cultures. C’est pourquoi du blé d’automne a été semé dans les parcelles de canola au Cérom pour confirmer les études. Deux producteurs (du Saguenay et de Chaudière-Appalaches) ont décidé de poursuivre l’aventure en adoptant le protocole du Cérom. C’est Michel McElroy, chercheur en amélioration génétique du blé, qui reprend le supervision du projet pour le volet blé.
Sébastien Boquel ajoute que si le potentiel du canola d’automne est confirmé, il reste à effectuer des recherches sur les moyens d’optimiser la régie de culture en vue d’augmenter les rendements.