Piloter un drone, capter des images de ses champs, les analyser et se servir des données pour prendre des décisions. À l’échelle d’une seule ferme, est-ce réaliste de se lancer dans un tel projet?
Pas vraiment, vous dirait l’agriculteur et consultant en technologies numériques à la ferme Victor Morin. Comme lui, vous risquez de développer une relation « amour-haine » avec votre drone et la masse colossale de données qu’il génère.
Pour que l’usage des drones comme outil de prise de décisions à la ferme soit viable en termes d’efforts humains et financiers, il serait préférable de se regrouper entre agriculteurs pour s’offrir des services en commun, a suggéré Victor Morin lors d’une présentation au Rendez-vous végétal, le 13 février dernier à Saint-Hyacinthe.
À lire aussi

Inondation dans les champs: quoi faire selon les cultures
La pluie a causé des siennes dans plusieurs régions mais avant de s’inquiéter, le RAP rappelle quelques informations et conseils sur ce type de situation.
Les images captées par les drones offrent une résolution largement supérieure à celles qui proviennent de satellites. La résolution peut atteindre un centimètre par pixel, de quoi reconnaître chaque plant. « On distingue rang par rang, chacun des plants, illustre William Overbeek, agriculteur à Saint-Hyacinthe. On a une bien meilleure vision de nos essais ou de nos problèmes. »
Avec des images de drones captées à intervalles régulières, on peut, par exemple, estimer la hauteur des plants, voir les mauvaises herbes – et même identifier les espèces -, observer une infestation ou analyser l’écoulement de l’eau. Victor Morin constate que même les plus fervents utilisateurs de drones, comme lui, n’ont ni le temps ni la persévérance requise pour survoler l’ensemble de leurs champs tous les 20 jours.
Le stockage et le traitement des données sont deux autres obstacles de taille. Seulement pour avoir recours à un algorithme capable de compter les plants, il peut en coûter 7$ de l’acre. « C’est beaucoup d’argent et ça ne m’amène pas une économie équivalente (dans mes applications au champ) », fait valoir William Overbeek, qui est l’un des premiers agriculteurs au Québec à posséder un drone capable de faire des applications au champ.
Victor Morin propose un « modèle centralisé » au service d’un grand nombre de fermes. Une équipe de pilotes de drone survolerait les champs sur une base régulière, les images seraient stockées sur un serveur commun et les producteurs recevraient des données déjà traitées. Avec environ 200 producteurs qui cultivent sur 120 000 acres, il estime que le coût pourrait s’établir à 12 $ de l’acre.
Cette voie est tout à fait souhaitable, affirme William Overbeek. Pour y arriver, il faudrait d’abord de l’aide gouvernementale pour développer des outils qu’on pourra rendre accessibles aux agriculteurs. « Valoriser des données d’une carte, ça demande une expertise. Si on développe cette expertise avec un partenaire public, tous pourraient ensuite en bénéficier sans avoir à payer chaque fois. »
L’avenue des « jumeaux numériques » (digital twins) telle qu’utilisée en recherche sur le coton aux États-Unis, est prometteuse, croit William Overbeek. Pendant trois, quatre ou cinq ans, le champ est survolé avec un drone et les données des images captées sont corrélées avec des observations au champ. On en vient à pouvoir comprendre le comportement d’une culture à partir des images, ce qui permettrait, par exemple, de détecter hâtivement une carence ou une maladie et d’intervenir de façon très localisée, évitant ainsi des applications généralisées qui ont nécessairement un coût financier et environnemental.
À lire aussi:
Pour quand l’application de pesticides par drone?
Sols trop humides? Pas de problème, on sème avec un drone
Les drones sont-ils efficaces pour estimer le rendement de maïs?