L’avenir des protéines végétales, entre opportunités et défis

La production de légumineuses pois et lentille est marginale au Québec et même si ce secteur est à construire, les possibilités sont grandes.

Publié: 17 décembre 2021

Haricots secs récoltés à la Ferme Bellevue

L’autosuffisance alimentaire et la diversification des cultures sont deux objectifs qui pourraient trouver une issue commune. La volonté de nourrir davantage la population du Québec par des cultures locales pourrait en effet offrir une opportunité intéressante aux producteurs agricoles de la province de s’ouvrir à d’autres productions végétales rentables et bénéfiques pour la santé des sols.

Cette opportunité pourrait prendre la forme de la production de pois et de lentilles dans la province, un secteur qui demeure très nichées, surtout en comparaison avec ce que l’Ouest réussit à produire.

Dans le cadre de ses conférences Grandes cultures, le MAPAQ présentait justement le 8 décembre un webinaire faisant le tour du sujet, en passant de la commercialisation actuelle au Canada, les recherches faites dans le secteur par l’Université McGill et enfin, les résultats de différents essais sur la fèverole et la gourgane dans le Bas-du-Fleuve.

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Un marché en forte croissance

Si le secteur des légumineuses a longtemps été considéré comme étant émergeant ou marginal, ce n’est certainement plus le cas à l’aube de 2022. Charles-Antoine Légaré, conseiller en transformation alimentaire au MAPAQ a livré un tour d’horizon des perspectives de marché et transformation des protéines végétales. Les protéines végétales constituent un marché affichant une croissance de 6,7% par an au Canada du point de vue de la transformation. Les substituts à la viande tels que produit par les Beyond Meat de ce monde augmentent de 6,3% par an et ce marché devrait doubler dès 2024. Les mets de remplacement aux produits laitiers suivent la même courbe tout en se diversifiant. En plus des boissons de types lait de soya, d’autres produits s’ajoutent tels que du lait d’avoine ou d’amandes, du yogourt, des fromages et crèmes glacées. Seulement aux États-Unis, le marché des protéines végétales était estimé à 6,3 G$ en 2019, rapporte M.Légaré.

Divers facteurs ont joué en faveur de cette croissance dans les dernières années. Les aliments se sont affinés au point de méprendre les consommateurs. La mise à jour du guide alimentaire canadien a fait davantage de place aux légumineuse et moins à la viande et aux produits laitiers. Une conscience s’est aussi développée sur l’utilisation des terres et des sols. La portion des consommateurs favorisant à l’occasion un régime végétarien (les flexitariens) s’est aussi agrandie. Fait à noter, les start-up ont été avalées par de plus gros joueurs.

Il existe trois grands marchés pour les protéines: la première transformation, qui consiste en la production de produits secs; la deuxième où le produit est transformé en ingrédients (farine, gélifiant, etc) et la troisième que l’on connait sous la forme de produits substituts. Ce secteur a connu une forte poussée depuis 2015 avec davantage de produits s’éloignant des végé-pâtés des débuts des aliments transformés. La longue liste d’ingrédients joue par contre en défaveur de ces derniers, même si les prix ont eu tendance à diminuer et rejoindre davantage la masse par des ententes avec de  grandes chaines de restauration rapide.

Au Canada, le secteur connait une forte poussée dans l’Ouest où il est installé depuis longtemps grâce à des conditions de croissance propices à ces cultures. La plus grosse usine de pois jaunes se situe d’ailleurs à Portage la Prairie au Manitoba. Elle a été construite par la société française Roquette. En Amérique du Nord, Puris est un autre joueur majeur avec quatre usines aux États-Unis.

En comparaison, le Québec est un joueur mineur. Le soya IP est reconnu pour sa qualité et sa traçabilité, un élément qui contribue à faire la renommé mondiale du soya québécois, avance M.Légaré. Le marché québécois est toutefois axé sur l’exportation avec pour conséquence peu de valeur ajoutée. Les principaux produits, en plus du soya, regroupent les pois secs, la luzerne, la gourgane, le quinoa et les graines de citrouilles. « Plusieurs PME d’ici ont une une expertise et des infrastructures pour la transformation, des facteurs qui sont recherchés », souligne le conseiller. Les centres de recherche, qui sont nombreux au Québec, pourraient aussi contribuer à développer cette filière.

L’expert constate qu’un chainon manquant pénalise l’expansion du secteur des protéines végétales dans la province. « Il n’y a pas d’extraction de la protéine végétale pour les produits de 3e transformation ». Même chose pour la valorisation par la mise en conserve, par exemple. La R&D est également peu présente dans le secteur pour ajouter de la valeur. « Il y a des opportunités au Québec en ce moment. Plusieurs joueurs cherchent à diversifier leurs chaines d’approvisionnement avec les problèmes actuels pour réduire les risques. »

À l’avantage du Québec, le rendement des cultures de légumineuses au Québec se compare avec ce qui est obtenu dans le reste du Canada, soit 2,5 tonnes l’hectare pour le pois sec et 2,3 tonnes l’hectare pour le haricot sec. La province fait toutefois figure de poids plume en ce qui a trait à la production avec 0,1% de la production de pois sec au Canada et 2,3% pour le haricot.

Il semble y avoir une volonté au Québec pour développer le secteur avec Concertation grains Québec. Un comité sur les problématiques végétales doit remettre son rapport en 2022. Des recherches ont aussi lieu par le biais du CRAAQ, McGill avec Bonduelle, et Haribec, de même que le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Le marché des protéines végétales ne s’essouffle pas avec des croissances importantes prévues dans les prochaines années. Pour M.Légaré, le Canada, qui est vu comme le grenier du monde, est bien positionné. Les producteurs gagneraient donc à ajouter ce type de cultures dans leurs rotations.

En même temps, les défis demeurent nombreux pou une expansion des protéines végétales au Québec. Le principal et non le moindre en ce moment repose sur le prix élevé du soya et du maïs qui demeurent plus intéressants à produire en raison de leur valorisation sur les marchés. La chaine de valeur pour le marché d’alimentation reste aussi à construire au Québec, ce qui peut représenter un inconvénient de taille face au géant de l’Ouest. Les sociétés de transformation achètent de partout sur la planète et obtiennent par conséquent des prix plus bas, ce qui n’est pas nécessairement compatible avec ce que les producteurs québécois pourraient s’attendre à recevoir pour leurs produits. La transformation à valeur ajoutée est quasi absente ici et est le fait d’entreprises situées à l’extérieur de la province.

Le webinaire présentait également les résultats d’une étude de cas quant à la production des haricots secs par Valerio Hoyos-Villegas, professeur adjoint en génétique et amélioration des plantes à l’Université McGill. Ayitre Akpakouma, agronome et conseiller en grandes cultures au MAPAQ a complété la présentation avec les résultats de champs cultivés en féverole et gourgane. Les deux présentations ont montré les possibilités et défis au niveau de la culture.

Le webinaire sera rendu disponible sur la chaine Youtube du MAPAQ.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.