Le compte à rebours est lancé pour les semences enrobées

Publié: 13 février 2024

Semences de maïs traitées

À un an de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les semences enrobées de  pesticides, c’est le branle-bas de combat chez les agronomes pour fournir les formations nécessaires tandis que l’industrie émet de nombreuses réserves sur les nouvelles mesures.

Adoptée en mai 2022 à Québec, la modernisation de la Loi sur les pesticides apporte plusieurs changements, dont l’élargissement de la définition de pesticides aux semences enrobées et l’encadrement de la possession de pesticides.

Dès cette année, les producteurs agricoles devront donc procéder à un dépistage et un diagnostic en vue de la saison 2025 puisqu’ils auront l’obligation d’avoir en main une prescription et une justification agronomiques pour la mise en terre des semences enrobées d’un insecticide. L’année 2024 est d’ailleurs vue comme une période de transition qui permettra de commander les semences nécessaires pour 2025.

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La nouvelle disposition suit les recommandations faites par l’Ordre des agronomes du Québec (OAQ) qui désirait depuis longtemps un meilleur encadrement des produits phytosanitaires, ainsi qu’un élargissement de la réglementation. On admet au sein de l’organisme que les deux prochaines années demanderont beaucoup d’ajustements, autant pour les producteurs que les agronomes.

Les agronomes disposent déjà d’outils de travail et de grilles de référence, produits en 2020 lorsque le code de gestion des pesticides a réglementé les traitements de semences insecticides impliquant les néonicotinoïdes. « Il y a du travail qui se fait présentement pour adapter ces outils de travail à la nouvelle réglementation et des formations seront offertes aux agronomes dans les prochaines semaines. On sera aussi à l’écoute des agronomes. », explique Martine Giguère, présidente de l’Ordre des agronomes du Québec.

Accompagner les producteurs

Des orientations ont également été prises par un comité de travail. Entre autres, on souhaite à l’OAQ que les producteurs soient accompagnés dans la décision de réduire graduellement l’utilisation des semences enrobées. « Ce qu’on veut, c’est que ça aille bien autant pour le producteur que pour l’agronome », résume Mme Giguère. Le succès de l’implantation de la nouvelle règlementation passe selon elle par un accompagnement pour le producteur et « proposer une démarche qui vise la réduction mais pas cavalièrement. On veut s’assurer de bien faire les choses et que le producteur soit à l’aise face dans l’accompagnement agronomique qui lui est proposé (…) On va proposer aux agronomes de privilégier le traitement de semences qui a l’impact le moins à risque dans sa recommandation », ajoute la présidente.

Réseau végétal Québec s’interroge toutefois sur la faisabilité et de l’impact de la mise en place des nouveaux règlements. « Ce n’est pas une petite réforme », indique Benoit Pharand, PDG de l’organisme qui souligne que le Québec fait figure d’exception dans le Canada.

La principale préoccupation du groupe s’articule surtout sur le peu de temps dont les semenciers disposent pour planifier le tout. « Le volume et la quantité de semences devrait être là, ce n’est pas le problème mais plutôt pour les nouvelles variétés qui sont en quantité plus limitées », ajoute M.Pharand. L’autre réserve repose sur les pouvoirs accrus des agronomes et le nombre d’interventions à prévoir dans les prochains mois. « Comment ça va se passer puisque 100% de la décision dépend de l’agronome? J’ai plutôt l’impression que la nouvelle réglementation va générer des centaines de milliers de prescriptions ». L’OAQ répond qu’elle fournira des formations, puisque des agronomes n’ont jamais effectué de prescription, mais admet qu’elle ne peut pas assurer qu’il y aura assez de professionnels pour répondre à la demande. Le comité de travail aura également comme tâche de proposer des outils de travail pour faciliter la tâche des agronomes, dont des outils de dépistage, indique l’ordre professionnel.

Réseau végétal Québec aurait préféré plus de temps pour s’assurer qu’il y ait suffisamment de semences disponibles pour tous, ainsi qu’une harmonisation des critères fédéral-provincial. On craint aussi que la réglementation soit trop rigide pour s’adapter aux conditions sur le terrain, ou encore face aux aléas de la météo.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.