L’année 2021 a commencé en trombe sur les marchés des grains, un élan qui était déjà bien installé à la fin de 2020. La question est à savoir si cette tendance se poursuivra encore dans les prochains mois. Faut-il déjà fermer ou pas les contrats pour la prochaine saison, au risque de manquer le bateau? Car une hausse comme celle-là, ça ne s’était pas vu depuis le début de la dernière décennie.
Selon Ramzy Yelda, analyste principal des marchés, Producteurs de grains du Québec, la tendance vers le haut devrait demeurer. « J’ai beaucoup de mal à voir des facteurs baissiers », a-t-il indiqué lors d’une conférence virtuelle présentée le 26 janvier dernier sur les perspectives à court et long terme du marché des grains. Mais cette tendance à la hausse ne sera pas exempte d’une certaine volatilité en raison des nombreuses incertitudes qui demeurent, prévient l’analyste. En plus de la pandémie et de ses ramifications, il faut ajouter les autres facteurs habituels, comme la météo. Quels seront les prévisions d’ensemencement? Dans quelles conditions les semis seront-ils faits, etc.
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Pour comprendre les conditions actuelles du marché il faut reculer quelques mois en arrière, explique M.Yelda. Malgré un début prometteur en 2020, la production américaine a connu des ratés avec une tempête en août dernier. Les prévisions de rendement ont été réduites et fait rarissime, les superficies dans le cas du maïs ont été ramenées à la baisse par le gouvernement américain. Avec la demande chinoise qui ne faiblit pas depuis plusieurs semaines, une rupture de stocks dans le soya est même entrevue pour l’été 2021. Les conditions météo en Amérique du Sud ont exercé une pression supplémentaire. Conséquence, les prix ont grimpé et risquent de demeurer élevés pour le soya.
L’analyste prévient qu’une situation à peu près similaire pourrait se dessiner si jamais la 2e récolte de maïs est retardée en Amérique du Sud à cause de la sécheresse. Il faudra voir également si la demande d’éthanol, mise à mal par le confinement, reprend. Aux dernières nouvelles, la demande chinoise pour le maïs montrait des signes de se renforcer avec des exportations américaines record vers la Chine.
Quant au blé, les principaux joueurs ont livré dans la dernière année une production respectable. L’Australie et en voie d’obtenir sa meilleure récolte depuis des années. Elle devrait être le double de celle de 2019-2020. Des restrictions quant aux exportations de blé russe, qui est la première source pour l’exportation de la céréale, pourraient créer des perturbations sur le marché.
En somme, les producteurs devront garder en tête plusieurs éléments vis-à-vis des marchés cette année. L’incertitude causée par la COVID-19 demeure élevée. Par ailleurs, l’offre et la demande demeurent serrées aux États-Unis avec des risques de pénurie. Si on ajoute une demande chinoise très forte et des restrictions aux exportations, il en résulte un marché haussier volatile. Pour en revenir sur les prévisions sur les prix, M.Yelda voit donc une tendance à la hausse, tout en prévenant toutefois « d’être obnubilé par un prix ».
Et le marché local?
Bien que meilleure que 2019, la production en 2020 n’a pas été à la hauteur des espérances avec un rendement bon pour le soya, médiocre pour le maïs et catastrophique pour les petites céréales, résume l’analyste des producteurs de grains, en se basant sur les chiffres de Statistique Canada. Le maïs a été sauvé par une qualité jugée bonne. Les prix moyens payés aux producteurs ne sont pas aussi élevés qu’ils auraient pu être puisque plusieurs ont vendu au moment des récoltes, avant la hausse des marchés.
Pour l’avenir, M.Yelda avance que le Québec devra se positionner en offrant un avantage distinctif. La province est un petit joueur au niveau mondial et la tendance devrait se renforcer avec le Brésil qui ne cesse d’augmenter ses superficies de production en déboisant. La Russie et l’Ukraine, qui entament à peine une hausse de leurs rendements, joueront aussi un rôle plus grand. Et les États-Unis augmentent d’année en année leur rendements, autant pour le maïs que le soya.
À ce titre, la meilleure voie à suivre serait d’offrir des produits de plus grande qualité, sans OGM, bio et plus encore. La traçabilité, comme cela se fait de plus en plus en Europe, est une autre possibilité.
Un constat s’impose toutefois, le Québec n’a pas connu d’avancée fulgurante dans les dernières années quant à sa production. Le rendement du soya et du blé stagnent et celui du maïs est en baisse. Il se produit de plus en plus de soya au détriment des petites céréales, surtout pour l’orge qui dégringole.
Interrogé sur la place des petites céréales au Québec, M.Yelda répond qu’elles ont encore un rôle à jouer, ne serait-ce que pour la rotation des cultures. Leur avenir repose peut-être dans la recherche d’une plus value en produisant pour un produit de niche, comme l’orge brassicole, et en se démarquant. « Il faut trouver pourquoi le rendement ne monte pas : est-ce le climat, les variétés? Je ne sais pas, je ne suis pas agronome, mais c’est une question qu’il faut se poser. »