La qualité des sols se dégrade au Québec. La quantité de matière organique a diminué depuis 30 ans avec l’arrivée de la culture intensive et la décroissance des cultures fourragères. L’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) a mené un projet d’envergure sur 71 séries de sol qui ont été analysées. Le bilan est moins préoccupant que prévu, mais le portrait est différent pour les sols organiques qui sont au cœur de la culture des légumes de champs au Québec. S’ils ne sont pas protégés de la dégradation, ils pourraient disparaître d’ici 50 ans.
Les sols tourbeux sont particulièrement sensibles à la dégradation. Pour être régénérés, certains champs ont demandé un apport de 30 tonnes de sorgho tandis que pour d’autres, il s’agissait de 2 tonnes. Pour maintenir leur santé, il faudrait apporter annuellement ces résidus et les épandre, mais tout dépend du portrait propre à chaque sol.
Une étudiante au doctorat à l’Université Laval s’intéresse au problème depuis plusieurs années. Karolane Bourdon a déposé récemment sa thèse de doctorat, publiée dans plusieurs revues scientifiques, qui montrent que l’application de paille ou de copeaux de bois pourrait aider à régénérer les sols organiques et améliorer leur rendement.
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Il pourrait s’agir d’une solution difficile à appliquer en raison du risque de pénurie et du coût pour la paille. Ce serait par contre un moyen de valoriser certains résidus forestiers, fait valoir Karolane Bourdon. Les résidus permettraient par ailleurs de résoudre un autre problème commun dans les sols organiques, soit le compactage. « Cela permettrait d’améliorer l’aération des sols qui sont affaissés. » La paille n’empêchera pas cependant le sol de se recompacter lors du passage de la machinerie. Par ailleurs, ces résidus peuvent causer un transfert d’azote vers les microorganismes au détriment des légumes dans le champ, ce qui pourrait pénaliser à court terme la productivité.
Aucune étude n’a été menée sur les sols à base minérale. Karolane Bourdon fait remarquer que des études ont été faites avec le seigle en engrais vert qui est roulé au printemps. Des haies de saules broyées ont également démontré pouvoir améliorer le drainage.
Une autre avenue pour ralentir la dégradation des sols organiques serait d’augmenter la quantité de polyphénols dans le sol. Ces molécules se retrouvent dans les biomasses végétales. Il a été prouvé que leur présence peut ralentir le processus de décomposition dans les écosystènes naturels, ce qui fait qu’on lui donne un rôle de régulateur dans le transfert de carbone, d’azote et de phosphore. Il resterait à vérifier par d’autres études si les polyphénols ont un potentiel régulateur dans les sols agricoles et s’ils sont une solution économiquement viable.
Certains produits commerciaux riches en polyphénols ont été étudiés, notamment le lignosulfonate, un sous-produit de l’industrie des pâtes et papiers. Ce produit a également le potentiel de contrôler l’érosion des sols, un processus de dégradation très important en sols organiques. Dans l’industrie des pâtes et papier, les polyphénols sont aussi extraits dans les premières étapes de la production de papier, lorsqu’on retire la lignine du bois.
Source: Université Laval