Les transformateurs vivent des moments difficiles depuis quelques années. Même justifiée, l’augmentation du prix du lait de février fait mal. Le problème, c’est qu’ils n’arrivent pas à faire reconnaître cette hausse par les détaillants. De surcroit, ces détaillants se servent de leurs contingents d’importation pour faire une pression pour que les transformateurs baissent encore plus leurs prix.
Depuis le 1er février, les producteurs laitiers du Québec sont payés plus cher pour leur lait. Le 29 octobre dernier 2021 décrétait une augmentation du prix du lait dorénavant fixé à 6,31$/hl ou 6¢/l. Pour les transformateurs, cela représente une augmentation du coût du lait de 8,4%.
En entrevue, le président directeur général du Conseil des industriels laitiers, Charles Langlois, ne critique pas cette augmentation, mais déplore le fait qu’il soit difficile de faire payer l’augmentation des coûts de production des produits transformés aux détaillants.
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« Quand on regarde les statistiques, on voit que le prix du lait évolue beaucoup moins vite que le prix des aliments. Cette année, on est dans une situation exceptionnelle. On le voit dans tous les secteurs, il y a une explosion des coûts. Les producteurs font face ça eux-autres aussi », explique-t-il. Il comprend donc très bien que le prix du lait doive augmenter.
« Le défi que les transformateurs ont, c’est la capacité à transférer ces augmentations-là au marché », ajoute-t-il. Il déplore que les détaillants ne reconnaissent pas l’augmentation de prix décrété par la Commission canadienne du lait et n’ajuste pas leurs prix en conséquence. « De telle sorte que bon an, mal an, les transformateurs absorbent une partie de l’augmentation du prix du lait », dit-il.
Certains détaillants se limiteraient à des augmentations de 5, 6 ou 7%. Certains détaillants n’offriraient même que 2%. Cela ne couvre pas l’augmentation de 8,4% que les transformateurs doivent payer pour leur lait. À cela s’ajoute l’augmentation des coûts de transports, l’augmentation des coûts d’énergie et des problèmes de main d’œuvre que les transformateurs vivent en ce moment.
Cela peut fonctionner un certain temps, mais un moment donné, ils doivent pouvoir payer leurs coûts de production. Il en résulte que depuis quelques années, des transformateurs ont de plus en plus de difficulté à joindre les deux bouts. C’est particulièrement difficile pour les petits et moyens transformateurs. Certains transformateurs ont même décidé de mettre la clé sous la porte.
« Le transformateur, il a des coûts réels – que ce soit des coûts de main d’œuvre, ses coûts d’énergie etc. Si on veut que ce transformateur-là reste en santé, continue de générer de la création d’emploi dans les régions comme il fait présentement et qu’il fournisse des bons produits qu’on veut, il faut que le marché de détail reconnaisse ses coûts », ajoute Charles Langlois. Ce besoin est d’autant plus important que ça fait plusieurs années que les transformateurs absorbent une partie des coûts des augmentations de coût de transformation.
Le problème n’est donc pas le mode de fixation des prix du lait aux producteurs, mais plutôt de faire reconnaître ces coûts-là par les détaillants.
Les importations font mal
Dans ce contexte, l’entrée au Canada de fromages européens produits à coûts inférieurs fait mal aux transformateurs laitiers. L’entente conclue par le gouvernement donne des contingents d’importations aux détaillants. L’autre partie aux transformateurs. « Nos clients prennent ça pour se revirer de bord pour dire “si tu veux rentrer chez nous, donne-nous ton contingent“ et deuxièmement “moi, je l’importe à tel prix, coupe tes prix, sinon, je vais l’importer“. »
Il ajoute que le Conseil des industriels laitiers était contre l’octroi de contingents aux détaillants. Il explique qu’un transformateur n’utilisera pas son contingent d’importation pour se nuire, mais il s’en servira plutôt pour importer des produits qu’il ne produit pas lui-même et pour compléter son offre aux consommateurs.
Ajouté à la difficulté de faire accepter par les détaillants de payer leur part de l’augmentation des coûts de production, cela fait en sorte que les transformateurs laitiers vivent des moments difficiles depuis quelques années.
Charles Langlois fonde de l’espoir dans le Code de bonnes pratiques fédéral, provincial et territorial sur les frais imposés par les détaillants qui devrait être annoncé au printemps, mais il n’y voit pas la panacée.
Deux fois par année?
L’augmentation de cette année est exceptionnelle. Le prix du lait fixé par la Commission canadienne du lait est calculé en fonction des coûts de production au troisième trimestre précédant l’entrée en vigueur de l’augmentation qui a lieu une fois par année au premier février. Les producteurs de lait avaient évalué une augmentation de coût de production de 13%. Ils ont eu 8,4%. « Ça fait plusieurs mois que les fermes subissent les contrecoups de la hausse des coûts et cet ajustement-là est très bien venu », explique le président des Producteurs de lait du Québec, Daniel Gobeil.
Il ajoute que les prix sont habituellement plus stables, de l’ordre de un à deux pour cent d’augmentation par année. C’est la pandémie et l’incertitude qui en découle qui fait augmenter les coûts de production de façon exceptionnelle cette année.
Daniel Gobeil explique que les Producteurs de lait du Canada se sont assis avec les gens de la Commission canadienne du lait pour voir s’il ne serait pas possible de fixer le prix du lait deux fois par années plutôt qu’une seule fois.
Il ajoute toutefois que pour les transformateurs, cela impliquerait qu’ils négocient deux fois par année avec leurs clients plutôt qu’une fois comme maintenant.