Dans un avenir rapproché, il sera possible de détecter rapidement et à faible coût la susceptibilité à l’acidose ruminale dans le lait grâce à la spectroscopie infrarouge et l’intelligence artificielle, révèle les travaux d’une équipe formée de chercheurs d’Agrinova, Lactanet et du département de sciences animales de l’Université Laval.
Ces travaux montrent, qu’en moyenne, jusqu’à 25% d’un troupeau laitier pourrait être affecté par l’acidose ruminale subclinique, une maladie métabolique qui se caractérise par une chute du pH dans le rumen sous 5,8 pendant une durée minimum de cinq heures. Dans ces conditions, la croissance des microorganismes chargés de digérer la fibre est ralentie ce qui engendre une baisse de l’efficacité alimentaire et conséquemment de la productivité des vaches laitières.
En se basant sur des travaux antérieurs, qui ont établi une corrélation entre les acides gras du lait et le pH ruminal, l’équipe de recherche a proposé d’utiliser l’analyse du lait par spectroscopie infrarouge, une technique déjà utilisée pour l’analyse des échantillons de lait pour le paiement aux producteurs, afin de faire?le suivi des conditions ruminales des vaches. La spectroscopie infrarouge permet de réaliser l’analyse en quelques secondes et à peu de frais. En utilisant ces données, les chercheurs ont construit un modèle utilisant l’intelligence artificielle pour prédire le pH ruminal et l’acidose. Les producteurs pourraient donc obtenir rapidement un portait global du risque d’acidose ruminale dans leur troupeau et prévoir des changements de régie ou d’alimentation pour assurer une bonne santé ruminale et optimiser la productivité des vaches laitières.
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Dans les entrailles de l’acidose
De 2018 à 2021, les chercheurs ont étudié le pH de 109 vaches en conditions commerciales dans 12 fermes du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Beauce. Ils ont fait avaler aux animaux un bolus qui a enregistré de façon continue pendant 50 jours le pH du rumen. Ils ont également récolté toutes les deux semaines des échantillons de lait pour chacune des vaches. Au total, 780?000 mesures de pH et 3000 échantillons de lait ont été recueillis pendant le projet.
Des analyses par spectroscopie infrarouge ont été effectuées dans les labos de Lactanet pour obtenir le profil en acides gras du lait. L’équipe de chercheurs du département de sciences animales de l’Université Laval a ensuite pu établir des liens entre les mesures de pH enregistrées par le bolus et les acides gras du lait. Les résultats ont été validés par chromatographie dans les labos de l’Université Laval, une technique reconnue pour évaluer la santé du rumen en lien avec le profil en acides gras, mais trop coûteuse et trop complexe à utiliser à la ferme.
L’équipe de recherche a constaté que 35% des vaches étudiées ont eu au moins un épisode d’acidose pendant les 50 jours de prise de données. Parmi celles-ci, près de la moitié a passé moins de 5 jours en acidose, et le reste a été dans cet état pendant au moins 9 jours. Seulement un des sujets a passé toute la durée de l’étude dans cet état.
Au niveau des fermes, dans trois d’entre elles, aucune vache n’a été en acidose, alors que dans une d’entre elles, toutes les vaches à l’étude ont souffert de cette condition pendant au moins une des journées de l’étude.
pH de troupeau et pH de vache
Les chercheurs ont remarqué que l’évolution du pH ruminal de tous les animaux partage des éléments communs?: le pH maximal est toujours enregistré le matin avant le premier repas, alors que le pH minimal est observé le soir vers 20h et remonte pendant la nuit.
Parmi les conditions propices à provoquer l’acidose?: un apport insuffisant en fibres efficaces dans la ration et une quantité trop élevée de glucides rapidement fermentescibles, comme l’amidon. Les paramètres de régie ont aussi un impact puisque les résultats de l’étude montrent qu’une régie associée à l’utilisation d’un robot de traite et la présence d’ensilage de maïs dans la ration était associée à un pH ruminal plus faible et à de plus grands risques d’acidose ruminale subclinique. L’ajout de suppléments pour augmenter l’efficacité énergétique était plutôt lié à un pH supérieur, donc moins de risque d’acidose.
Un constat intéressant de l’étude est la grande variabilité au niveau du pH ruminal des vaches. En effet, les résultats montrent que les vaches soumises à la même régie et recevant la même alimentation présentent des pH moyens du rumen très différents. Dans une même ferme, certains animaux souffrent d’acidose ruminale chronique alors que d’autres n’en sont jamais affectées. L’analyse des chercheurs suggère que le principal déterminant du pH ruminal serait donc l’animal : sa génétique, le développement des papilles du rumen, sa microflore ruminale et son comportement alimentaire.
Prédire l’acidose
Le modèle construit par l’équipe de recherche utilise les échantillons de lait pour prédire le pH ruminal. Grâce à l’intelligence artificielle, ce modèle peut prédire les journées d’acidose avec une précision de 71% pour le moment.
L’équipe tente maintenant d’affiner les modèles afin d’augmenter la précision des prédictions et ultimement fournir aux producteurs un outil efficace, fiable et robuste pour suivre la santé de leur troupeau.
Source : Novalait