Une étude réalisée dans des champs fraises dresse un portrait inquiétant de la progression des cicadelles au Québec. En plus de répertorier deux fois plus d’espèces depuis une étude réalisée en 2008, les insectes montreraient également une résistance aux insecticides. Ces conclusions sont troublantes puisque les cicadelles peuvent être des vecteurs de maladies et se retrouvent dans de nombreuses cultures.
C’est une équipe de l’Université Laval qui a mené le projet dont les résultats ont été publiés en février dernier dans la revue Cell Reports Sustainability. L’étude visait à confirmer les observations des producteurs de fraises qui disaient voir une plus grande présence de cicadelles et des dommages plus importants. À cette fin, l’équipe a surveillé la population de cicadelles dans sept champs de fraises situés dans les régions de la Capitale-Nationale, de Chaudière-Appalaches, de la Mauricie et de la Montérégie entre 2021 et 2022. Des pièges adhésifs ont été installés dans chacun des champs et ces derniers ont été renouvelés chaque semaine de la fin mai à septembre. Au terme du projet, 33 007 cicadelles ont été capturées pour être ensuite identifiées.
«Nous avons dénombré 118 espèces de cicadelles alors qu’une étude réalisée en 2008 avait rapporté un total de 50 espèces de cicadelles. De plus, nous avons répertorié 10 espèces de cicadelles qui n’avaient jamais été signalées au Québec. Même si notre échantillonnage a été effectué dans des champs de fraises, nous croyons que nos résultats reflètent aussi ce qui se passe dans les autres cultures. Par exemple, les espèces de cicadelles que nous avons trouvées dans les fraisiers sont aussi observées dans les vignobles et dans les champs de bleuets », a indiqué au ULaval nouvelles le professeur Edel Pérez-López qui est professeur au Département de phytologie de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche et d’innovation sur les végétaux et à l’Institut de biologie intégrative et des systèmes de l’Université Laval.
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Autre fait notable, les applications faites pour contrôler les populations de cicadelles n’ont pas obtenu les effets escomptés. Bien que les insecticides utilisés étaient des produits prescrits pour ces insectes, les producteurs de fraises n’ont pas observé de diminution de leur présence. Selon le professeur Pérez-López, des études précédentes ont démontré que des bactéries dans l’intestin des cicadelles peuvent rendre ces insecticides inefficaces. À la lumière de ces résultats, le chercheur avance qu’il sera de plus en plus difficile de contrôler l’insecte.
D’un autre côté, les bactéries présentes dans les insectes n’ont pas été transférées aux fraises. L’auteur principal de l’étude, Nicolas Plante, soulignait dans une autre publication sur le même sujet que peu de choses sont connues sur la transmission. Il plaide pour des recherches plus poussées pour vérifier si « des interventions phytosanitaires sont réellement justifiées, afin de cibler le meilleur moment d’intervention et ainsi prévenir la présence de maladies pouvant mettre en danger la productivité et les rendements. Cela réduira également la nécessité d’appliquer fréquemment de grandes quantités d’insecticides, évitant le développement de résistances et les risques pour la santé et l’environnement ».
Comme les cicadelles sont sensibles aux changements climatiques, elles pourraient toutefois s’avérer un marqueur intéressant pour suivre les impacts de ces derniers en agriculture. Faire des liens clairs entre changement climatique et différentes tendances est une tâche difficile mais à porté de main, selon le professeur Pérez-López, puisque son équipe a utilisé des modèles pour essayer de prévoir la migration des cicadelles avec le réchauffement climatique. Elles arrivent maintenant dix jours plus tôt, portées par les vents qui les transportent du Sud des États-Unis vers le Québec.
Le MAPAQ, qui finançait le projet avec le Fonds de recherche du Québec, a accordé du financement pour encore trois années.