L’affaire Loblaw

Sachez que sur un sac de 700 grammes de petits pois congelés sans traces de pesticides qui se vend 5,27$, je reçois 0,35$

Publié: il y a 3 heures

L’affaire Loblaw

Ça commence par une publication Facebook. Je jette un œil sur le court article de la journaliste qui cite la réponse de Loblaw : « Notre objectif reste d’offrir plus de valeur ajoutée à nos clients et de réinvestir dans des prix qui sont avantageux pour eux, et nous continuerons à prendre des décisions qui reflètent cet objectif. Nous ne discutons pas des accords commerciaux spécifiques, mais nous réaffirmons notre engagement envers le marché québécois, nos fournisseurs et surtout nos clients. »

Réponse de Nortera : Tous simplement pas de réponse!

Je reçois 0,35$ sur un sac de pois verts congelé sans trace de pesticides qui se détaille 5,27$.

Dans l’article de La Presse, la journaliste n’avait pas les moyens de savoir combien d’agriculteurs étaient touchés par la perte de ce contrat, mais Loblaw lui a fourni une réponse à ses questions par courriel indiquant que « cette décision n’affecte qu’une partie relativement faible de son portefeuille global » et qu’elle continue de travailler avec Nortera pour d’autres légumes. Bla bla bla!

C’est fou comme le bien des consommateurs leur tient à cœur quand ça vient d’une compagnie jugée coupable de collusion dans le dossier du cartel du pain. De mon point de vue d’agriculteur, je trouve ça frustrant. À la limite sans reconnaissance des efforts qu’on déploie afin d’offrir des aliments de qualité qui répondent aux souhaits et aux exigences des gens d’ici.

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Quand il y a plus de sièges disponibles que d’opérateurs

Dans certaines périodes intenses, comme celle-ci, on a l’impression qu’il y a plus de tâches que de ressources humaines. Tout devient une gestion des priorités.

Par contre, c’est une compagnie privée qui peut décider de ses propres stratégies d’achats ou de ventes et vivre avec les conséquences. À la limite, on ne fait pas mieux de notre côté. Il y a des agriculteurs qui achètent des grains conventionnels ou bio venant d’ailleurs pour alimenter leur troupeau pour une question de prix, sans aucun égard sur la qualité des certifications et comment c’est produit.

Plusieurs pensent à l’idée d’un boycott, mais quand je me mets dans la peau d’un consommateur moins fortuné qui peut probablement mieux s’en sortir en achetant le « prix ». Je peux comprendre. C’est encore plus frustrant quand je me retrouve dans un endroit à vocation gouvernementale et que je réalise qu’on nous sert des aliments d’importation. Me semble que ça ne s’arrime pas bien avec la nouvelle politique bioalimentaires 2025-2035 qui vient tout juste d’être annoncée.

Ça manque de vision et de marketing positif afin d’illustrer et surtout favoriser l’achat de nos produits locaux qui ne sont pas astronomiquement plus chers quand on tient compte des bénéfices environnementaux réalisés.

Difficile pour un consommateur de comprendre que je m’occupe des vers de terre, de la biodiversité ou de la réduction de nos GES. Le consommateur constate plutôt que c’est son portefeuille qui réduit. On a des normes du genre « fabriqué au Canada » ou « produit du Canada » qui sont très flous.

Quand en plus Agriculture Canada augmente les quantités de traces de pesticides dans certains aliments, on n’y comprend pas grand-chose.

Je reviens sur un point. Loblaw indique que ça n’implique que de petits volumes et que ça n’influence pas leurs objectifs de travailler avec les agriculteurs d’ici. N’ayez crainte qu’aux prochaines négociations, on pourra facilement nous faire sentir qu’on doit encore être plus efficaces aux champs, redoubler d’efforts et bien sûr ajouter : on trouve moins cher ailleurs!

Attends minute ! Pendant ce temps-là nos intrants, nos équipements, nos assurances, nos taxes, nos frais d’administration augmentent sans compter les changements climatiques qui se font sentir. Subtilement on est en train de nous annoncer des baisses de prix pour les prochaines saisons. Ensuite, certains diront que les agriculteurs ne se contentent que de faire du maïs et du soya!

En résumé, sachez que sur un sac de 700 grammes de petits pois congelés sans traces de pesticides qui se vend 5,27$, je reçois 0,35$. J’ai l’impression que je devrais donner nos pois et je ne suis même pas certain que les consommateurs verraient la différence! C’est ce qui arrive quand on se retrouve au bas de la chaîne d’approvisionnement. La seule chose qui peut nous sauver, c’est la décision que prendront nos consommateurs.

Profession agriculteur

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Paul Caplette

Paul Caplette

Agriculteur et collaborateur

Paul Caplette est passionné d’agriculture. Sur la ferme qu’il gère avec son frère en Montérégie-Est, il se plaît à se mettre au défi et à expérimenter de nouvelles techniques. C’est avec enthousiasme qu’il partage ses résultats sur son blogue Profession agriculteur.