Jocelyn Michon, un agriculteur d’élite

Jocelyn Michon est la personnalité du mois de mai du Bulletin des agriculteurs

Publié: 12 mai 2022

, ,

Jocelyn Michon, producteur de grandes cultures à La Présentation, en Montérégie.

Chaque mois, le magazine du Bulletin des agriculteurs choisit une personnalité du monde agricole et agroalimentaire inspirante et publie une chronique pour la faire connaître davantage. En cette période des semis, Le Bulletin a choisi Jocelyn Michon, producteur de grandes cultures de La Présentation, en Montérégie. En primeur. On vous présente la chronique en ligne.

Agriculteur avec un grand A, une inspiration, une référence, les éloges ne tardent pas quand on dit le nom de Jocelyn Michon dans le monde agricole. Il faut dire que les données concernant sa ferme de grandes cultures de La Présentation, en Montérégie, sont impressionnantes. Le rendement de ses 240 hectares en culture est 12 % plus élevé que la moyenne dans son secteur. D’ailleurs, son rendement de maïs assuré à La Financière agricole est de 13 400 kg/ha. Sans compter qu’il obtient ses résultats en appliquant moins d’unités d’azote, soit 120-130 au lieu de 200 en moyenne dans les autres fermes.

« La norme côté productivité, c’est 56 kg de grain par unité d’azote appliquée, chez moi, c’est plus 100. J’ai déjà fait jusqu’à 250 kg juste en appliquant du fumier comme fertilisant », indique le producteur non pas pour se vanter, loin de là, mais pour montrer que c’est possible. Du côté de la production de maïs par litre de carburant utilisé aussi il excelle. « La moyenne au Québec est un peu en bas de 100 kg par litre. Je suis presque à 400 kg/l. » Ces indicateurs de performance, qui sont le fruit de nombreuses années d’efforts, il prend plaisir à les calculer. « On dit de moi que je suis un pragmatique, je ne suis pas un rêveur. J’aime le concret et pour moi c’est le résultat qui compte », exprime-t-il.

À lire aussi

Avaloirs inondés en juillet 2023.

Inondation dans les champs: quoi faire selon les cultures

La pluie a causé des siennes dans plusieurs régions mais avant de s’inquiéter, le RAP rappelle quelques informations et conseils sur ce type de situation.

Il obtient ce bulletin de premier de classe grâce à un sol en santé qu’il bichonne depuis ses débuts en agriculture. La santé des sols, il en a fait une priorité et, pour ce faire, il a adopté le semis direct en 1994. « À l’automne 1993, mon tracteur était dû pour refaire le moteur, au même moment il y avait une vente de feu d’un tracteur Fiat. Le contrat était fait, il ne restait qu’à signer, se rappelle-t-il. Finalement, j’ai plutôt décidé d’acheter un semoir à semis direct. »

Il faut dire que ça faisait déjà quelques années qu’il avait commencé la réduction du travail du sol. « Le même automne, j’étais allé à une démonstration de semis direct chez un agriculteur et ça m’avait rassuré. Je m’étais dit  » s’il réussit sur cette terre-là, je suis capable de faire au moins l’équivalent chez moi « . » Ainsi, au printemps 1994, il réalise sa première expérience de blé et de soya en semis direct avec des résultats fantastiques, selon lui.

Le grand saut dans le maïs a eu lieu deux ans plus tard. Les deux premières saisons ne le satisfont pas complètement. « Il y avait des petits accrochoirs dans des parties de champs. On a recommencé le gratouillage en préparation du semis. Puis, on a équipé un peu mieux le semoir, c’est ça qui a fait la différence », raconte-t-il. Mais, encore une fois, le producteur n’est pas pleinement content du maïs sur retour du blé dans un sol trop frais. Il entend parler d’un tasse-résidus sur chaumes de blé qui enlève la paille laissée au sol. Puis, quelques années après, il apprend qu’un producteur a ajouté des petits peignes de faneur à foin derrière ses tasses-résidus pour gratouiller un peu plus et réchauffer le sol. Il ajoute donc aussi ce dernier à sa barre porte-outils.

C’est avec cette recette gagnante qu’il réussit en semis direct depuis. « En 2004, j’avais entendu un spécialiste dire que ça prenait 10-12 ans avant que les choses changent. J’avais une dizaine d’années de faites à ce moment-là et j’ai constaté qu’il avait raison. Quand on fait la transition du conventionnel vers le semis direct, il y a quelques années d’adaptation pour le producteur, mais aussi pour le sol. Au début, on avait moins de 2 % de matière organique dans le sol, aujourd’hui, ça a presque doublé. »

Jocelyn Michon est très fier du sol en santé qu’il laissera à sa relève. « De mon patio chez moi, j’ai une très belle vue au-dessus du champ. Une des caractéristiques d’un sol en santé est l’uniformité d’un champ. Quand il n’y a pas de vague et que c’est tout de la même couleur, c’est bien réussi et ça me plait énormément, exprime-t-il. Je me régale à regarder de beaux champs, que ce soit chez moi ou ailleurs. Quand je vois un champ où il reste de l’eau à cause du travail du sol et que chez moi, c’est sec, à l’inverse, ça me fait de la peine. »

Un livre: « Tout ce que je lis est en lien avec ce que je fais. Je suis ce que font les vedettes du semis direct aux États-Unis, tout ce qui se passe aussi en France. J’aime les reportages de ferme et sur la faune. »

Un film : « Le film que j’ai le plus regardé est Avatar (de James Cameron). J’adore ce film. Il y a de la nature, des animaux, les couleurs sont magnifiques. »

Un personnage : « René Lévesque est un de mes chouchous. Il est venu à la ferme au premier référendum. Tous les maires de la région avaient été invités et des journalistes. Il m’avait vraiment impressionné, c’était un monsieur super sympathique. C’est un beau souvenir. »

Ses passe-temps : « J’ai fait beaucoup de sports. J’ai plus sué dans les sports qu’à travailler dans ma vie. Maintenant, je fais plus de la marche et je suis un gros joueur de Scrabble. »

Distinctions : Prix d’Excellence en agroenvironnement de l’Ordre national du mérite agricole, intronisation au Temple de la renommée de la conservation des sols du Canada du Conseil canadien de la conservation des sols, notamment.

Implications: Président de l’association Action semis direct (2001-2010), consultant en semis direct pour Socodevi en Ukraine (2015-2018), notamment.

Sa vision de l’agriculture : « C’est sûr que le futur sera très très technologique. L’humain sera remplacé par les machines. Sur la planète actuellement, 26% des sols sont en semis direct. En Saskatchewan, ils sont à 75-80 %, au Brésil à 80-85 %. Au Québec, on n’est même pas à 10 %. Avec l’augmentation du coût des intrants, c’est certain que ça va faire réfléchir des producteurs, on va vouloir diminuer le travail du sol. Je pense qu’on devrait évoluer de ce côté-là. »

Vous connaissez une personne inspirante qui se distingue dans votre milieu? Faites-nous parvenir son nom et ses coordonnées à cette adresse : [email protected]. Qui sait, elle pourrait être choisie pour être l’une de nos prochaines personnalités du mois!

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Claude Poulin

Marie-Claude Poulin

Journaliste et rédactrice en chef

Marie-Claude Poulin est journaliste et rédactrice en chef du Bulletin des agriculteurs.