Les dernières vaches en cavale à Saint-Sévère, en Mauricie, ont finalement pu être récupérées après plusieurs mois à vivre dans la nature. L’opération pour les attraper a été d’une telle envergure que les acteurs y ayant pris part y ont passé les 45 derniers jours, incluant tout le temps des Fêtes.
Le tout a débuté le 23 novembre dernier lorsque l’UPA de la Mauricie a pris connaissance de la situation et qu’elle a décider de prendre le dossier en main. L’organisation a travaillé avec des producteurs de la région, le MAPAQ et la municipalité de Saint-Sévère, pour développer un plan. Il restait alors 13 taures et 2 veaux à capturer sur les 24 en fuite depuis l’été dernier.
« On sentait que le 23, chacun voulait y aller avec sa propre initiative. Donc, on a essayé d’avoir une approche coordonnée. L’approche était quand même assez simple, c’était d’attirer les animaux à l’intérieur d’un enclos par de la nourriture », raconte le directeur des communications de l’UPA de la Mauricie, Jean-Sébastien Dubé. L’enclos a donc été construit graduellement au fil des semaines, car les manœuvres risquaient de faire fuir les animaux. La saison hivernale aidait puisque les cultures avaient toutes été récoltées.
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L’histoire a fait le tour du monde et une entrevue a même eu lieu à l’émission Tout le monde en parle. Des curieux et des journalistes risquaient de compromettre l’opération. Un appel a été lancé pour les inviter à ne plus s’approcher du lieu et il a été entendu.
Localiser les animaux
L’expertise du conseiller Bovi-Expert Jocelyn Jacob a été réquisitionnée. Tous les jours, Jocelyn Jacob, l’agronome Andréane Martin du MAPAQ – direction régionale de la Mauricie – et Yves Lamy, vice-président des Producteurs de lait de la Mauricie, faisaient un appel conférence pour faire le point sur l’opération en cours.
La première étape a été de localiser les vaches. «Toutes les méthodes de Temple Grandin et de Bud Williams ne fonctionnaient pas parce que leur point de fuite était d’un kilomètre», raconte Jocelyn Jacob. Il dit que les principes expliqués par le vétérinaire Frédéric Tremblay dans l’article Vaches en cavale, l’avis d’un vétérinaire sont vraies, mais le point de fuite des vaches était trop grand. Il fallait envisager une autre approche.
Graduellement un enclos a été bâti avec des barrières de 6 pieds de haut par 12 pieds de long provenant du Festival Western de Saint-Tite. L’idée était de faire un grand corridor de 100 pieds de long dans lequel des minéraux et du foin ont été placés. Des mangeoires avec barrières autobloquantes ont été installées, mais il n’était pas question de les utiliser pour ne pas effrayer les animaux. Il fallait éviter qu’elles perçoivent l’enclos comme une prison. Deux caméras de chasse ont été installées dans l’enclos. Plus de 6500 photos ont été analysées par Andréane Martin, ce qui a permis de faire un décompte exact des animaux et d’analyser leur comportement. C’est grâce à ces photos qu’ils ont pu affirmer le 8 janvier que tous les animaux avaient été capturés.
Initié depuis plus de 20 ans aux techniques de Bud Williams et de Temple Grandin, Jocelyn Jacob en a pourtant beaucoup appris durant ces derniers 45 jours. «Les vaches ne voient pas bien, mais c’est incroyable comment elles sont sensibles aux bruits et aux odeurs», raconte-t-il. Ainsi, aussitôt qu’ils s’approchaient, les vaches détectaient leur présence par l’odeur et le bruit. Pour les duper, ils ont utilisé des vêtements imbibés de l’odeur de leur étable. À proximité de l’enclos, ils ont installé une huche à veaux. Ils s’y installaient à tour de rôle et restaient là pendant des heures à observer les vaches, parfois pendant quatre heures d’affilée, sans bouger. Au moment voulu, ils s’approchaient de l’enclos et le refermaient. L’enclos était conçu selon le principe Bud Box.
Entre la mi-décembre et le 7 janvier, les vaches ont été capturées en quatre moments, deux à quatre animaux à la fois. Lors de la dernière capture, ils ont pour la première fois utilisé les barrières autobloquantes puisqu’il n’y avait plus d’autres vaches à attraper. Jocelyn Jacob raconte que les animaux étaient agités après avoir été capturés, mais peu de temps après qu’ils ont eu regagné la ferme, de Pierre Lapointe, le propriétaire des animaux à Saint-Barnabé, les animaux étaient redevenus calmes.
«Ç’a a été un projet d’une envergure incroyable», raconte Jocelyn Jacob. Il salue le travail extraordinaire d’Yves Lamy et d’Andréane Martin. Il estime qu’ils n’ont pas fait d’erreurs dans leur stratégie. Il salue aussi le fait qu’ils ont pu ramener tous les animaux sans devoir en abattre un seul. «Sans les connaissances de Bud Williams, on ne les aurait pas attrapées ces vaches-là», raconte-t-il.
Jocelyn Jacob tire des leçons de tout cela. Lorsqu’un producteur décide de sortir des animaux, il doit avoir une stratégie, un plan en cas de fuite des animaux. Il explique qu’il arrive souvent que des animaux s’échappent. Le producteur doit donc savoir quoi faire en de telles circonstances.
