Les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) auront bientôt l’occasion de partir brûleurs et évaporateurs, si ce n’est pas déjà fait.
Bien que l’hiver 2023 ait des odeurs de printemps précoce, la saison officielle des sucres vient tout juste de débuter. C’est le jeudi 23 que le lancement officiel a eu lieu, non pas près de l’Assemblé nationale, comme le veut la tradition, mais dans le nouvel entrepôt construit par les PPAQ.
Le troisième entrepôt a été livré dans les temps et dans les limites du budget prévu. Les travaux de 14 M$ ont débuté en juin dernier pour se terminer récemment. Le nouvel entrepôt de Plessisville va permettre une meilleure rotation et manutention des barils entre les deux autres entrepôts situés à Laurierville et Daveluyville. Ce nouvel emplacement servira à entreposer la réserve stratégique de sirop d’érable avec une capacité de 52 millions de livres de sirop d’érable, explique Joël Vaudeville, directeur des communications corporatives aux PPAQ. « On louait deux locaux pour stocker le sirop et avec le nouvel entrepôt, on va pouvoir économiser sur les coûts d’entreposage. »
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La réserve stratégique de sirop a servi ses fins dans les dernières années. La pandémie a nourri une demande record qui a réduit la réserve. Elle est passée de 100 millions de livres en 2021 à 35 millions. La faible récolte de 2021 n’a pas permis de renflouer les coffres, mais la production record de 2022, avec ses 221 millions de livres, a ramené les réserves à 36 millions de livres au début de 2023. Comme il est impossible de prévoir ce que sera la récolte pour 2023, tout comme la demande, les PPAQ se montrent prudent « face aux pressions inflationnistes » qui pourraient affecter la demande.
Les producteurs acéricoles ne sont pas non plus épargnés par la hausse des prix. « Tout coûte plus cher et notre secteur doit faire face à une rareté d’équipements », laisse entendre Joël Vaudeville. La hausse des coûts avait cependant été anticipée., ajoute le directeur des communications. Une entente de principe a été signée pour la convention de mise en marché du sirop d’érable pour les années de récolte 2023 et 2024 avec les acheteurs et les PPAQ, avec une hausse de 0,20$ la livre la première année et 0,09$ pour la seconde.
Un plan directeur demandé
Les PPAQ pressent en parallèle le gouvernement Legault d’aller de l’avant avec l’adoption d’un plan directeur pour le secteur acéricole et forestier, ce qui en ferait le premier plan du genre à être adopté par Québec. Les travaux pour le plan stratégique d’aménagement forestier ont débuté en décembre 2020 pour aboutir à un plan directeur déposé en mai 2022. Depuis, les PPAQ déplore « l’incertitude qui ne dessert personne » puisque le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) ne s’est pas encore prononcé. Le ministère est dirigé par Maïté Blanchette Vézina, députée de Rimouski. Elle a remplacé Pierre Dufour, ministre de la Forêt, de la Faune et des Parcs jusqu’en octobre 2022.
Les acériculteurs demandent d’avoir accès davantage aux forêts publiques. Les acériculteurs exploitent 20% de ces dernières et aimeraient voir ce niveau monter à 30% pendant 60 ans pour un total de 36 millions d’entailles réparties sur 200 000 hectares. « Actuellement, seulement les boisés autour des érablières actuelles sont exploités. Ce n’est pas suffisant avec la croissance actuelle pour répondre à la demande », explique-t-il. Les acériculteurs désirent également protéger les érables des coupes de l’industrie forestière. Leur argument est que leur production protège et utilise de manière durable une ressource, comparativement aux coupes faites par l’industrie.
« Le plan prévoit une nouvelle mixité des usages pour toutes les clientèles, comme les acériculteurs, les chasseurs et les randonneurs, ce qui serait une première. Le plan a reçu l’appui de toutes les oppositions durant la dernière campagne électorale », ajoute Joël Vaudeville. Une rencontre a eu lieu avec la nouvelle ministre en novembre, mais les PPAQ n’ont plus eu de nouvelles depuis. Ils ont relancé leur appel dans un communiqué de presse émis le 31 janvier à la suite de la reprise des travaux parlementaires.
Autre cheval de bataille, les PPAQ souhaitent que le gouvernement revienne sur sa décision de faire passer la taille permise pour l’entaille des érables de 20 à 24 cm. Selon l’organisation, 1,8 million d’entailles seraient menacées si la mesure entrait en vigueur. Au pire, les acériculteurs souhaiteraient que les producteurs bénéficient d’une clause grand-père protégeant les arbres déjà entaillés.
Des hivers plus doux
Avec une saison record en 2022, la production de sirop d’érable ne semble pas menacée dans l’immédiat par les changements climatiques. L’hiver très clément jusqu’à maintenant et les faibles rendements de régions autrefois très prolifiques amènent toutefois des interrogations quant à ce que l’avenir réserve à la production. Interrogé sur le sujet, Joël Vaudeville répond que les PPAQ n’ont pas d’inquiétudes pour le moment, mais adoptent un état de « vigilance » quant aux dérèglements climatiques. « Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’impacts négatifs. Pour le moment, ce sont surtout les producteurs américains qui sont affectés. On voit une augmentation des populations d’érables plus au nord et certaines régions voient un plus grand potentiel, comme l’Outaouais et le Bas-Saint-Laurent (…) Il y a aussi plus d’événements violents, comme le dérécho de l’année dernière et le verglas de décembre. On demande d’ailleurs que le programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles soit mieux adapté en adoptant une nouvelle assurance. »
L’impact des changements climatiques est aussi étudié par différents organismes, comme le groupe ACER, qui se penchent sur l’impact auprès des populations d’insectes, comme la chenille légionnaire qui défolie les érables à sucre.