Porc : 2025 sera une année plutôt bonne

L’arrivée de Donald Trump le 20 janvier prochain pourrait « tout changer », selon Simon Brière

Publié: 7 janvier 2025

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Simon Brière, stratège principal, R.J. O'Brien.

Sans être exceptionnelle, l’année 2025 s’annonce plutôt bonne en termes de rentabilité des entreprises porcines. Le prix est élevé pour un début d’année et les coûts de production ont fléchi dans la dernière année. Revue de 2024 et perspectives 2025 avec Simon Brière, stratège principal des marchés chez R.J. O’Brien.

2024, année moyenne

Il y a un an, Simon Brière prévoyait que l’année 2024 serait une année moyenne. « Et c’est pas mal ce qu’on a eu, résume-t-il. On a eu des moments assez bons dans les six premiers mois de l’année. L’été a été moins bon. Puis, on a bien fini. Donc, l’année 2024 n’a été ni exceptionnelle, ni désastreuse. »

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Deux éléments ont influencé ce résultat : le prix du porc était bon et le prix des grains a baissé. Il y a quelques années, le prix du porc était plus élevé, mais le prix des grains était tellement cher que la profitabilité des élevages n’était pas au rendez-vous.

« Le prix du porc [en 2024] était peut-être un peu moins élevé que ce qu’on avait vu dans les dernières années, mais pas tant pire non plus, dit Simon Brière. C’est surtout que le coût de production, avec les grains, qui était beaucoup plus avantageux. C’est vraiment ce qui a fait la différence. »

Hogs and Pigs

La production porcine est actuellement dans une sorte de statu quo. C’est ce que révèle le dernier rapport Hogs and Pigs du département américain de l’Agriculture (USDA). Ce qui a été annoncé concordait avec les prévisions des stratèges des marchés boursiers, comme Simon Brière.

« On a une augmentation assez légère de la production, dit-il. Donc, on se retrouve aujourd’hui, en début janvier, avec une production un peu dans la continuité de ce qu’on a vu dans les derniers mois. »

L’effet Trump

L’arrivée de Donald Trump comme président américain le 20 janvier prochain pourrait « tout changer », selon Simon Brière. « Ça peut tout changer, non seulement au niveau précis de l’élevage, mais ça peut changer toutes les dynamiques du commerce », dit-il.

Donald Trump a promis d’imposer des tarifs douaniers de 25% dès son entrée en fonction. Toutefois, les analystes pensent qu’une version modifiée de cette promesse sera plutôt en vigueur.

« On ne peut pas ignorer l’impact que ces tarifs douaniers vont avoir parce que, s’il y a réellement des tarifs douaniers de 25%, c’est l’économie canadienne qui risque vraiment de s’effondrer », dit Simon Brière.

Même si les tarifs sont moindres que 25%, il faudrait toutefois s’attendre à des tarifs dans les secteurs du bois d’œuvre, de l’aluminium et possiblement de la gestion de l’offre. L’impact sur l’agriculture serait donc présent.

2025 : une année profitable

Dans les dernières semaines, les producteurs de porcs ont profité des marchés à terme favorables pour leur secteur.

« Dans le dernier mois, c’était encore très profitable au niveau de l’élevage de porcs. Donc, il y a une partie [des producteurs] qui ont été capables de capturer cela », dit Simon Brière.

Les marchés se sont un peu essoufflés, mais ils restent quand même bons. « Aujourd’hui, ça demeure encore un peu profitable, un peu moins, mais c’est profitable », dit-il En fait, le prix d’alimentation est bon et la devise canadienne est basse. Cela avantage le secteur porcin canadien.

Et le Québec?

L’Écho-Porc du CDPQ en date du 6 janvier disait que le prix du porc au Québec atteint un record historique pour un pareil moment de l’année à 220,34$/100 kg. Sans parler de record, Simon Brière dit que le prix très haut en ce début d’année s’explique par le fait qu’après une profitabilité qui n’était pas au rendez-vous la production porcine a légèrement fléchi. Cela a fait reculer la demande de grains, augmenté les stocks et éventuellement fait diminuer le coût des grains. La demande de porcs a fait remonter le prix des porcs, mais le prix de grains n’a pas encore réagi. D’où la situation actuelle.

La devise dévaluée aide les producteurs de porcs québécois puisque nous sommes des exportateurs, même si certaines dépenses, comme le carburant et les fertilisants augmentent. « Avoir un taux de change faible est un élément positif pour le secteur agricole canadien ou québécois », dit-il.

Autres viandes

La tendance vers une substitution de la consommation de bœuf pour les protéines animales de substitution amorcée il y a plusieurs années est là pour rester, car la baisse du cheptel bovin américain continue. Simon Brière parle de « pénurie générationnelle ».

« Le bœuf n’a jamais été aussi cher sur la bourse américaine et donc, sur les tablettes des consommateurs, dit Simon Brière. Ce que ça veut dire, c’est qu’on a un substitut meilleur marché au niveau du poulet et au niveau du porc. »

Toutefois, la grippe aviaire sévissant actuellement aux États-Unis pourrait chambouler la situation dans l’offre de poulet, ce qui pourrait favoriser le porc.

Marché des grains

Pour le marché de grains, Simon Brière parle de « stabilité ». « En 2025, les perspectives pour le marché des grains, c’est plus une question de stabilité, dit-il. Je ne pense pas que le prix va baisser comme on a connu dans les deux dernières années. On commence à atteindre un certain plateau au niveau de la production. »

Il faudrait un évènement météorologique pour faire changer les prix rapidement. L’augmentation graduel de la demande aura un effet plus lent sur le prix des grains. Il ne faudrait donc pas que les producteurs de porcs misent sur une baisse du coût des grains.

Taux d’intérêt

Au-delà des marchés boursiers, la situation financière des producteurs de porcs s’améliore simplement par la baisse des taux d’intérêt. En 2025, de nouvelles baisses du taux directeur de la Banque du Canada devraient encore une fois relâcher la pression financière sur les producteurs de porcs comme elles l’ont fait en 2024. Toutefois, il faut s’attendre à des diminutions moins importantes qu’en 2024.

« Ces charges d’intérêt, ça ne va pas dans l’amélioration d’un bâtiment, dit-il. Ça ne va pas dans l’amélioration du fonds d’investissement. Ça disparaît à la banque dans le vortex des produits financiers. »

Débuté à 5% en début 2024 pour passer à 3,25% à la fin 2024, le taux d’intérêt pourrait baisser à 2,5%, possiblement 2% à la fin de 2025.

Assurer sa profitabilité

Ainsi, les perspectives pour 2025 sont bonnes, mais Simon Brière recommande de passer par le système de gestion de risque pour sécuriser sa situation financière. « Les perspectives sont bonnes, mais on ne sait jamais ce qui pourrait arriver dans trois ou six mois », dit-il. Il ajoute qu’en date d’aujourd’hui, un gestionnaire porcin peut s’assurer de sa profitabilité pour l’année 2025.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.