Après une année 2023 décevante, l’année 2024 sera ordinaire. Donc, pas d’embellie en vue. Voici les explications dans notre entrevue annuelle avec Simon Brière, stratège principal des marchés chez R.J. O’Brien.
2023 : décevante
« 2023, on pourrait résumer ça par “ça va prendre deux Advil pour en parler”, dit-il d’entrée de jeu. Ça a été une année catastrophique. » Il explique que les marchés de la viande de porc ont baissé à l’hiver et au printemps 2023 et ils ne se sont jamais redressés par la suite.
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Ce n’est pas ce que les marchés prédisaient il y a un an. Dans l’entrevue de l’an dernier, Simon Brière nous expliquait que l’année 2023 devait se dérouler en deux temps. Un début d’année difficile, suivi d’une fin d’année plus intéressante. Or, ce n’est pas ce qu’on a vu. Toute l’année 2023 a été difficile.
« Au moins, la rentabilité s’est maintenue », explique Simon Brière. Le coût de production a diminué en raison des prix des grains qui ont diminué en cours d’année, mais le prix payé pour le porc a diminué. « Moins de coûts, mais moins de revenus aussi », résume-t-il. Donc, l’industrie porcine a fait du surplace durant toute l’année.
Depuis quelques années, il y a un recul du cheptel, mais ça ne s’est pas manifesté de façon marquante, surtout en raison de la hausse de productivité des élevages porcins. « La productivité en 2023 a été record, explique Simon Brière. Jamais le nombre de porcelets par portée n’a été aussi élevé. » Cela a contrecarré les efforts des producteurs de créer de la rareté dans le but de faire monter les prix.
Cela, c’était pour le marché nord-américain. Selon Simon Brière, il faut départager le marché américain du marché québécois en raison des annonces de diminution d’abattage d’Olymel et des politiques de retrait de la production. « Le marché québécois a été encore plus difficile que le marché américain parce qu’on a des défis qui nous sont propres », dit-il.
Cependant, les problèmes de prix ne sont pas uniques au Québec. Tous les abattoirs de porcs ont connu des difficultés, même aux États-Unis. « L’industrie du porc en général n’a pas connu une bonne année 2023 », résume-t-il. Donc, la situation a été difficile aux États-Unis comme au Québec, mais la problématique locale a fait que la situation était pire au Québec qu’aux États-Unis. « Donc, la situation actuelle, je la qualifierais de précaire, ajoute-t-il. Une chance que le prix du grain a baissé. Sinon, ça aurait été une catastrophe. »
2024 : ordinaire
« Je pense que la macroéconomie va nous aider, dit-il. 2024, au niveau macroéconomique, c’est une année d’élections aux États-Unis. C’est une année aussi au cours de laquelle on va passer à travers tout le cycle d’inflation, de hausse de taux, de ralentissement économique, de récession… Donc, l’univers macroéconomique peut lui aussi être un peu précaire. »
Simon Brière ajoute que le modèle agricole est basé sur l’endettement. « Le renouvellement des prêts va être un enjeu cette année », explique-t-il. En ayant plus de paiements à faire, les producteurs de porcs devraient se retrouver dans une situation de produire plus pour dégager plus de revenus. « Donc, on va se retrouver dans un cercle vicieux dans lequel on a besoin de diminuer la production pour faire augmenter les prix, mais on a tellement besoin de faire des paiements qu’on va difficilement réduire la production à un niveau qui pourrait faire remonter les prix », dit-il. La situation sera similaire dans les grains. « De telle sorte que tout le monde sera dans une situation de “surproduction forcée” pour faire ses paiements », ajoute-t-il.
Des inconnues peuvent apporter des bonnes surprises ou non. C’est le cas de la météo. Si la saison est belle, la récolte de céréales sera abondante, ce qui pourrait aider les producteurs de porcs en abaissant les coûts de production. Des tensions politiques pourraient aussi jouer sur les prix.
« Je pense qu’actuellement, les marchés sont un peu plus vulnérables à un ralentissement économique, dit Simon Brière. Ils vont avoir plus de difficulté à avoir une hausse marquée sans avoir un coup de pouce de dame Nature. »
Il anticipe que les prix des grains seront très stables. Il sera donc plus facile de prévoir la production en fonction de la rentabilité.
« Pour 2024, mes attentes sont plutôt prudentes », dit-il. Il n’exclut pas qu’il puisse survenir des nouvelles positives, mais de façon générale, ça risque d’être une année correcte, mais sans plus.
Et le Québec?
Pour le Québec, Simon Brière se demande quelle sera l’ampleur du cheptel québécois en lien avec la nouvelle formule des éleveurs, avec la pénurie de main-d’œuvre, la manque de relève, la consolidation, les fermetures d’abattoirs… « Le marché québécois est encore plein de questions à ce niveau-là et je pense qu’il y a juste le temps qui va nous la donner [la réponse] », dit-il. Une chose est certaine : la production porcine va diminuer, mais on ne sait pas jusqu’où.