Au dernier Symposium sur les bovins laitiers, une vidéo de producteurs laissant leurs veaux dans l’étable des vaches en lactation pour qu’ils puissent téter leur mère quand bon leur semble jusqu’au sevrage a fait sensation.
Depuis des décennies, les veaux laitiers sont séparés de leur mère dans les heures suivant leur naissance. Le veau est placé dans une loge individuelle pendant quelques jours pour s’assurer que tout va bien. Par la suite, les veaux sont placés en paire ou en groupe jusqu’au sevrage. Parfois, ils restent en loge individuelle.
À la Ferme A.S. DuLait, de Saint-Lazare-de-Bellechasse, que l’on voit dans la vidéo en fin d’article, les propriétaires Marianne Amar et Mathieu Savoie laissent des veaux sous la mère depuis l’été 2022.
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Claudia Parent, de la Ferme Jersbi de Saint-Sylvestre, fait de même. Cette productrice laitière en régie biologique garde les veaux avec des nourrices ou leur mère depuis 2017.
Une régie conventionnelle
À la Ferme A.S. DuLait, une vache fragilisée avait été placée dans le parc de vêlage pendant quelques jours. Lorsqu’ils ont constaté qu’elle avait adopté un veau nouvellement orphelin, ils ont décidé de les laisser ensemble. « Cette situation était facilitante pour nous, car elle nous évitait de déplacer la vache pour la faire traire et le veau était nourri », raconte Mathieu Savoie. Ayant eu du succès, ils ont graduellement augmenté le nombre de veaux pouvant rester avec leur mère jusqu’au sevrage. Aujourd’hui, presque les deux tiers des veaux sont ainsi élevés.
La ferme a un grand parc de vêlage pouvant accueillir entre trois et cinq vaches à la fois. Les vaches sont gardées quelques jours avec leur veau dans ce parc le temps de créer un lien entre eux. Le troupeau d’environ 80 vaches en lactation de la Ferme A.S. DuLait est en stabulation libre avec robots de traite.
Une régie en mode bio
Claudia Parent a grandi sur la ferme de bovins de boucherie de son père. Elle était habituée de voir des veaux avec leur mère. Quand elle a débuté son troupeau laitier biologique en 2008, elle s’est dit que de mettre les veaux avec des vaches nourrices lui sauverait du temps, puisqu’elle devait donner du lait cru à ses veaux.
Aujourd’hui, environ 60 % de ses veaux sont allaités par des nourrices et 40 % par leur propre mère. Son troupeau de 45 à 48 vaches est en stabulation libre avec salle de traite.
Claudia Parent garde les veaux cinq jours avec leur mère dans un parc individuel situé dans l’ancienne étable. Elle veut ainsi s’assurer que le veau reçoit son colostrum et que la vache est bien remise de son vêlage. Ensuite, les veaux sont placés avec des vaches nourrices ou gardés quelques jours supplémentaires seuls avec leur mère pour créer un lien solide entre eux. « Après, ils restent avec leur mère tout le temps », explique-t-elle.

Plus les veaux vieillissent, plus ils suivent et imitent leur mère. Les vaches qui vêlent pour la première fois connaissent déjà l’endroit et l’apprentissage de la traite est très rapide « Il y a une grande transmission de connaissances », dit-elle.
Toutefois, c’est au niveau de la croissance plus rapide des veaux qu’il y a le plus grand bénéfice, selon Claudia Parent, suivi par la santé des veaux et des vaches. « Les veaux ne sont jamais malades », dit-elle.
Recherche
Selon leur vétérinaire, Frédéric Tremblay, il n’y a aucune recherche qui supporte le retrait du veau de la mère après la naissance.
Le chercheur Daniel Weary et son équipe en Colombie-Britannique ont épluché la littérature scientifique sur le sujet et rien n’indique que c’est mieux de séparer les veaux de la mère pour une question de santé. Les preuves vont plutôt dans l’autre sens, surtout pour la santé de la vache.
Comme effet négatif, les vaches qui nourrissent leur veau permettent de vendre moins de lait parce que le veau en a bu une partie. Daniel Weary explique aussi que le veau et la mère démontrent de la détresse lorsqu’ils sont séparés après quelques jours.
Sevrage
La plus grande difficulté dans le fait de garder le veau avec sa mère est le sevrage. Les ferme A.S. DuLait et Jersbi établissent le sevrage vers les 100 jours après la naissance, quand les veaux sont capables de bien se nourrir.
Dans les deux cas, les propriétaires ont modifié leurs installations pour faciliter cette période en maintenant un certain contact entre la mère et le veau, tout en augmentant l’autonomie du veau.

Aucun des intervenants pour cet article n’affirme que l’industrie laitière devrait aller dans cette direction. Il existe aussi des solutions mitoyennes, comme installer une boîte près de la mère pour qu’elle puisse lécher son veau.
Selon Mathieu Savoie, peu importe le système utilisé, la clé de la réussite, c’est l’observation. Il faut y aller à son rythme et apporter les solutions au fur et à mesure. C’est aussi l’opinion de Daniel Weary, dont l’équipe a un projet de recherche en cours sur les veaux gardés sous les mères.
*Cet article de Marie-Josée Parent est une version tirée et adaptée du magazine Le Bulletin des agriculteurs, édition septembre 2025.
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