Imaginez pouvoir transformer vos déchets de ferme en or noir pour vos sols. C’est exactement ce qui se prépare dans les prairies de l’Ouest, où une innovation pourrait bien changer la donne pour les agriculteurs.
Une machine qui change tout
Tim Dufour n’est pas un agriculteur ordinaire. Cet entrepreneur de Kelowna en Colombie-Britannique, qui a déjà créé et vendu une douzaine d’entreprises, s’apprête à installer quelque chose d’unique sur la ferme venant de sa belle-familiale : un système de pyrolyse. Derrière ce nom compliqué se cache une technologie simple et ingénieuse.
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Sa femme étant issue d’une famille ayant longtemps exploité une ferme près de Regina, il voulait joindre innovation et impact local.
Le principe ? Au lieu de brûler les résidus de récolte, de laisser pourrir le fumier ou de payer pour l’élimination des déchets, cette machine les cuit sans oxygène. Comme un four, elle transforme paille, déjections animales et même déchets municipaux en biochar, un charbon végétal aux propriétés exceptionnelles.
Le biochar : l’allié insoupçonné des sols
« C’est comme une éponge microscopique », explique Alistair Haughton, expert en pyrolyse d’Assured Renewables Canada. Ce charbon spécial est truffé de millions de minuscules cavités où les microorganismes adorent s’installer pour régénérer les sols.
Les avantages sont impressionnants :
– Amélioration durable de la structure du sol.
– Réduction de la consommation d’eau jusqu’à 40 %.
– Capture du carbone pour des décennies.
– Capacité à piéger les métaux lourds.
Le produit sera commercialisé sous le nom Awasis, un mot qui signifie petit enfant, symbolisant l’héritage qu’on laisse aux générations futures.
Une technologie éprouvée
Cette innovation n’est pas sortie de nulle part. Alistair Haughton et son équipe développent ces systèmes depuis les années 1980, notamment pour l’armée américaine sur des bases isolées du Pacifique. « Sur l’île de Kwajalein, ils ne pouvaient pas évacuer leurs déchets. Il fallait trouver une solution sur place, sans impact environnemental », raconte-t-il. Aujourd’hui, cette technologie militaire devient accessible aux agriculteurs d’ici.
Sur la ferme de Regina, une structure recouverte de toile mesurant 50 par 100 pieds est déjà construit. L’équipement sera installé sous peu et le système devrait s’atteler à la tâche début 2026.
« Mon rôle, c’est de m’assurer que l’équipement d’Alistair soit ultra-robuste, fiable et automatisé », précise Tim Dufour, qui met à profit son expertise en technologies et infrastructures critiques. Le site servira de vitrine pour démontrer comment traiter efficacement des résidus comme la paille de lin. Les agriculteurs voisins pourront apporter leurs propres déchets ou bénéficier d’un service de ramassage.
Plus qu’un simple système de recyclage
Ce qui rend ce projet unique, c’est son approche globale. La pyrolyse produit trois éléments utiles :
– Le biochar (le charbon solide) pour amender les sols.
– Un gaz de synthèse qui alimente le système lui-même.
– Un liquide pouvant servir de combustible ou de matière première.
Rien ne se perd, tout se transforme ! Le biochar est utilisé depuis des siècles pour créer des sols noirs et fertiles. Il peut provenir de litières avicoles, de fumiers, de résidus de récoltes ou de déchets urbains. Les trois partenaires négocient avec la Ville de Regina pour traiter une partie de ses déchets verts.
Une vision d’avenir
Tim Dufour voit grand. « Nous visons à détourner 60 % des déchets en traitant tous les résidus organiques qui arrivent sur notre site. Et nous n’avons besoin que de quelques acres pour ça ! »
Son objectif ? Déployer dix systèmes similaires à travers la province. Les agriculteurs pourraient même se regrouper pour partager les bénéfices de la production de biochar.
Le partenariat avec Cowessess Ventures Ltd. permettra d’implanter le projet sur des terres de réserve, favorisant le développement économique local.
En résumé : Cette initiative transforme un casse-tête environnemental en opportunité économique. Pour les agriculteurs qui cherchent depuis longtemps une solution durable pour leurs déchets, l’attente pourrait bientôt prendre fin. Comme le dit Tim Dufour : « Nous sommes vraiment axés sur l’économie circulaire. »
Une belle façon de dire qu’on peut faire du neuf avec du vieux, et du très bon neuf !
Cet article de Karen Briere publié dans The Western Producer a été traduit et adapté par Le Bulletin des agriculteurs.