Tarifs douaniers : les gouvernements ratent la cible selon les Producteurs de grains

Les fermes auront accès à un montant de 34,1 M$ sur trois ans pour réduire l’utilisation des engrais azotés

Publié: 6 avril 2023

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Tarifs douaniers : les gouvernements ratent la cible selon les Producteurs de grains

Les espoirs étaient grands chez les Producteurs de grains du Québec (PGQ) à la veille du budget fédéral. Après plusieurs mois à manifester leur désaccord face aux tarifs douaniers de 35% sur les engrais russes, il semble que le gouvernement fédéral ait préféré adopter une autre voie que celles réclamée par le PGQ.

Au lieu de rembourser intégralement les 35 M$ récoltés à la suite de ces mesures, les entreprises agricoles auront accès à un montant de 34,1 M$ sur trois ans pour réduire l’utilisation des engrais azotés et améliorer leurs pratiques de gestion de l’azote. Les fonds seront disponibles via le Fonds d’action à la ferme pour le climat, administré par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Christian Overbeek, président des PGQ, déplore l’application des tarifs qui nuisent aux entreprises agricoles, alors que leur travail est plus déterminant que jamais dans le contexte mondial actuel. « Le Canada a été le seul pays du G7 à demander à ses producteurs agricoles de l’Est du pays de payer un tarif douanier sur les engrais importés. C’est une situation qui perdure et qui nuit à la compétitivité du secteur de la production des grains qui ont sorti des liquidités pour payer les tarifs engrais. On comprend la situation et on appuie le peuple ukrainien mais le Canada doit prendre ses responsabilités et rembourser les tarifs douaniers », indique-t-il.

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Interrogé à savoir si les hausses de prix avaient causé des problèmes d’approvisionnement, Christian Overbeek a répondu que personne à sa connaissance n’avait manqué d’engrais l’an dernier. Même chose cette année où la situation s’est normalisée sans que les prix ne reprennent leurs niveaux d’avant la guerre. Il semble que des producteurs aient suivi les conseils des PGQ qui recommandaient d’entretenir des relations à long terme avec leurs fournisseurs, « au lieu de deux semaines par année ». Les impacts financiers de la hausse des prix des intrants sont pour l’instant circonscrits. « Heureusement, les prix des grains sont élevés en ce moment, ça limite les pertes, mais ce ne sera pas toujours le cas. »

Le type d’intervention choisi par le gouvernement traduit un certain manque de vision générale quant à la réduction des gaz à effet de serre (GES), ajoute le président des PGQ. Un récent rapport révélait des inquiétudes des agriculteurs quant aux cibles du fédéral. « Au début, Agriculture Canada souhaitait réduire de 30% l’utilisation des engrais azotés et maintenant, ce serait les GES liés aux engrais. (…) Des programmes comme Agri-solution, on les paie deux et trois fois, on n’est jamais remboursé à 100% ».

Christian Overbeek souhaiterait plus de soutien dans la lutte aux changements climatiques. Il affirme que les producteurs posent déjà des gestes dans ce sens, comme par exemple l’adoption des plantes de couverture.

Le projet de loi C-234 au fédéral portant sur la taxe carbone a inclus des modifications avant de se rendre en lecture au Sénat. Une initiative d’un député conservateur a fait en sorte d’exclure le diesel et le gaz naturel utilisé sur les fermes des hydrocarbures ciblés. Le changement n’affecte pas le Québec déjà soumis à des règles en raison à son adhésion à la Bourse du carbone.

Christian Overbeek souhaiterait d’ailleurs que les milliers de dollars que chaque ferme verse annuellement à Québec soient alloués à des projets structurants, comme l’accès à des technologies pour améliorer le conditionnement des grains ou encore les conditions de séchage. « Cela fait des années qu’on fait des demandes pour qu’on ait accès à ces argents, comme le secteur industriel. Ce sont des milliers de dollars en ce moment, mais le prix risque de tripler dans les prochaines années selon les projections du prix du carbone et l’effet va augmenter. »

Le président plaide également pour des programmes accessibles à tous. Les mesures actuelles bénéficient trop souvent aux très grosses fermes. « On souhaiterait le même retour à la ferme, quelle que soit la grosseur de l’entreprise. On aurait accès aux mêmes gains environnementaux. »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.