Nous voilà déjà arrivés à la période de prise de décision quant à la quantité d’azote qu’on devra appliquer en post-levée dans le maïs. L’idée de retarder au maximum la période d’application nous permet d’éviter des pertes qui peuvent être causées par les fortes pluies. Je me dis toujours, c’est comme si on laissait une pile de cinq gros billets de 100$ sur la table une semaine avant d’en avoir réellement besoin. Il y a de grandes chances qu’il en disparaissent quelques-uns au fil du temps.
C’est un peu la même chose avec l’azote. Plus on l’applique tôt, plus on a de chance d’en perdre ici et là après les fortes pluies. Attendre le plus tard possible, ça nous permet aussi de se donner la possibilité d’évaluer la quantité d’azote disponible dans notre sol. Le maïs avance et on fait notre premier test d’azote le 24 juin. Nos résultats sont très bas, voire décevants. Seulement 5 pmm sur un site et 8 ppm dans l’autre. Pourtant, c’était des précédents de couvert de trèfle de 3 à 4 tm/ha de matière sèche.
On décide donc d’attendre un peu et voilà que pendant le week-end on reçoit une belle pluie chaude… Lundi 27 juin, le maïs n’est plus le même. Il est littéralement sorti des blocs comme un sprinter au 100 m. À le voir, on pourrait penser qu’il vient d’entrer dans sa bande d’azote de post-levée. Euh, non. On n’a rien appliqué encore. En fait, c’est plutôt la chaleur et l’activité microbienne qui s’active et nous donne cette explosion d’énergie. Disons qu’on capote un peu. On voulait reprendre un autre test d’azote, mais ça nous oblige à attendre encore, alors que le maïs a le feu au derrière.
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Quand il y a plus de sièges disponibles que d’opérateurs
Dans certaines périodes intenses, comme celle-ci, on a l’impression qu’il y a plus de tâches que de ressources humaines. Tout devient une gestion des priorités.
Question de ne pas se faire prendre avec du maïs trop long, on décide de se fier sur nos propres statistiques de performance des dernières années et y aller avec une dose totale de 130 N sur notre premier 25 ha, le temps de recevoir les autres tests d’azote. Ça ne se peut pratiquement pas qu’il n’y ait pas d’azote de disponible. Faut seulement faire confiance à notre sol et se faire confiance un peu. On fait nos bandes d’évaluation comme d’habitude dans lesquels on se garde des bandes témoins avec carrément 0 azote et on bonifie jusqu’à se rendre aux doses recommandées. Ça va servir à bonifier notre expertise. On attend une journée supplémentaire et voilà que nos nouveaux tests de sols nous sortent 30 ppm exactement au même endroit où on avait 5 et 8 ppm.
À 25 ppm et plus, on peut se permettre de ne rien ajouter. Pour une question de sécurité, on décide d’y aller à 90 N total pour la balance. Et oui, je sais que je disais que je sautais directement dans la piscine cette année, mais ça grafigne encore l’idée de ne rien ajouter. C’est tout de même une très bonne réduction. En plus, selon nos observations, le 40-50 N additionnel corrige les irrégularités des couverts. Donc on considère qu’on travail de façon sécuritaire. Ce qu’on réalise, c’est que le fait d’attendre nos test ppm d’azote peut nous amener à devoir intervenir avant d’avoir la vraie donnée d’azote de notre sol. Donc on doit encore mettre de l’énergie à se concentrer à obtenir de beaux couverts le plus uniforme possible et apprendre à s’y fier.

Considérant qu’il n’y a pas un sol identique, ça devient un beau défi d’apprendre à connaître ses propres sols et pouvoir en tirer profit. 110 unités d’azote d’économies à 2,80$/unité, ça donne 308$/ha. Si je multiplie par 100 ha, ça fait 30 800$ Ça paye amplement notre expertise qu’on bâtit au fil des ans. Sans compter les gains au point de vue des émissions de GES. Jouer sur le fil, gérer les bons timings et réussir à en tirer profit! J’aime ça et ça me rend fier de ma profession : agriculteur.
NB : Notre timing était tellement serré que Pierre commençait à trouver que ça frottait pas mal sous le tracteur !