L’automne, c’est normalement la période de la déprime pour les prix des grains. Les récoltes battent leur plein aux États-Unis comme au Québec, le grain coule à flots et les prix grattent le fond du baril. Mais, et ce n’est pas la première fois, le marché du soya a cette capacité de surprendre à l’automne. C’est le cas cette année.
À Chicago, le rebond des dernières semaines remet maintenant en question la tendance baissière de fond qui a pris forme depuis 2022. Historiquement, contrairement au maïs, on constate également que le prix du soya demeure élevé et reste assez bien supporté.
Son de cloche similaire au Québec où le prix du soya est de retour à plus de 650 $CAN/tonne après avoir flirté avec des creux autour de 610-615 $CAN/tonne (à la ferme) plus tôt cet automne, en octobre. Bien sûr, ce n’est pas les 750 $CAN/tonne et même plus de 800 $CAN/tonne qu’on a observé dans les deux dernières années. Mais, historiquement, avoir du soya « pendant » la récolte à plus de 650 $CAN/tonne, ça reste nettement au-dessus des normales. On se rappelle qu’il n’y a pas encore si longtemps, 3-4 ans, on était plutôt dans les 400 à 450 $CAN/tonne. Quand même…
Alors, que se passe-t-il?
À lire aussi
Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Lorsque le marché du soya s’emballe à l’automne, c’est un peu toujours la même histoire. Les conditions météo pour débuter la saison sont mauvaises du côté de l’Amérique du Sud, spécialement au Brésil présentement.
Les ensemencements au Brésil débutent généralement à la fin septembre, et s’accélèrent ensuite progressivement. Cette année, comme l’image ci-joint l’illustre (% de précipitations par rapport à la normale depuis la mi-octobre), les précipitations ont été beaucoup moins importantes qu’à la normale à l’exception des régions dans le sud du pays où elles sont plutôt excessives.
On parle donc maintenant d’ensemencements retardés par les conditions trop sèches, ou encore de resemis. Assez en fait pour que les premières projections de récoltes à l’hiver prochain commencent à être révisées à la baisse. On parlait il n’y a pas si longtemps d’une récolte record de soya brésilien de plus de 162 millions de tonnes. Présentement le Dr Cordonnier, l’une des références des marchés pour suivre la situation en Amérique du Sud, a réduit coup sur coup à 160, puis maintenant 158 millions de tonnes sa projection de récolte de soya brésilien dans les dernières semaines.
Du côté de l’Argentine, le début de saison se veut plus favorable. Par contre, la mauvaise récolte de soya argentin de l’an dernier n’est pas sans conséquences. Présentement, les triturateurs en Argentine cherchent activement du soya pour faire du tourteau et commencent à en manquer. Le pays étant de loin le 1er exportateur de tourteau de soya, on comprend que la situation se corse donc pour l’offre de tourteau dans le marché. Ceci n’est pas sans affecter son prix qui, avec les inquiétudes météo du côté du Brésil, a connu une forte progression dernièrement. Par ricochet, le prix de la fève soya n’a pas manqué de suivre non plus.
Enfin, pour ajouter de l’huile sur le feu, les médias parlent abondamment du phénomène El Niño à l’œuvre présentement. Ce dernier devrait continuer d’affecter les conditions météo pour encore un bon moment. Du côté de l’Amérique du Sud, en principe, ceci suggère que la météo pourrait encore faire des siennes et affecter les cultures d’ici et les récoltes à l’hiver prochain.
Bref, plusieurs éléments sont réunis pour enflammer de nouveau cet automne le marché du soya qui le rend bien, à Chicago comme ici.
Comme tout rallye météo qui catapulte les prix à la hausse, il reste à savoir maintenant si vraiment, les conditions se détérioreront davantage ou non dans les semaines à venir. Mais, a priori, les dernières prévisions laissent entendre que les producteurs brésiliens ne sont pas encore sortis du bois…
