Les recherches de longue durée sur les pratiques culturales ne courent pas les rues au Québec. L’IRDA a cependant la chance de mener un essai longue-durée de plus de 40 ans ans à la ferme expérimentale de 42 hectares qu’elle exploite à Saint-Lambert-de-Lauzon, en Chaudière-Appalaches.
Une équipe dirigée par la chercheuse Christine Landry y mènera une recherche de quatre ans sur les valeurs des services écosystémiques des cultures pérennes et de couverture, ceci dans le cadre d’une gestion durable des systèmes agronomiques.
Dans les faits, le projet bénéficie de l’essai longue durée de la ferme expérimentales sur laquelle différents systèmes de rotation et de fertilisation sont pratiqués depuis plusieurs décennies. On y compare des rotations incluant ou non des prairies et du côtés fertilisation, certains champs reçoivent des engrais organiques. Un projet de quatre ans, débuté cette année, viendra donc s’implanter dans le
dispositif déjà en place afin de comparer un système avec plantes pérennes récurrentes à un autre utilisant la fertilisation minérale et les cultures de couverture dans un système de rotation comprenant le maïs. C’est là que l’apport des recherches de longue durée prennent tout leur sens, surtout qu’il n’en existe que quelques-uns au Canada, ajoute Christine Landry.
À lire aussi

Les grains trébuchent à Chicago
Les principales céréales ont connu une semaine en dents de scie, mais le maïs s’en tire mieux que les autres.
« Actuellement, dans le contexte actuel de l’agriculture du Québec, on trouvait intéressant de couvrir les cultures de couverture, puisque ce n’est pas tout le monde qui va faire des prairies. Il y en a de moins en moins, si on compare il y a 40 ans. On en a profité pour ajouter cet l’aspect culture de couverture ou engrais verts », mentionne la chercheuse.
Le projet va intégrer de manière annuelle des cultures de couverture en intercalaire ou
dérobé, dans des parcelles qui n’en n’ont jamais cultivées afin de vérifier leur apport au niveau rendement et santé des sols. « L’idée est qu’une année sur quatre soit cultivée en maïs pour comparer les rendements et le potentiel azoté du sol, puisque c’est une plante exigeante (…) Ce sera intéressant de suivre la fertilité intrinsèque du sol et son évolution et la dépendance à l’engrais », ajoute-t-elle.
L’équipe de quatre chercheurs et six professionnels pourra mesurer et analyser différents paramètres, dont la qualité de l’eau, les émissions de GES, le microbiome du sol, le stockage de carbone, la fertilité du sol et les rendements entre les différents systèmes. « C’est une chance de pouvoir mesurer toutes ces variables et d’avoir le financement pour le faire », note Christine Landry, qui mentionne que le projet a bénéficié d’une subvention de 300 000$ du gouvernement.
L’équipe comprend Philippe Constant, chercheur en microbiologie à l’Institut nationale de la recherche scientifique (INRS), Jérôme Dupras, chercheur en économie écologique à l’Université du Québec en Outaouais, Patrick Brassard, chercheur en génie agroenvironnemental de l’IRDA et le Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF).
La relation entre fertilité et rendement
Au terme des quatre années, la chercheure espère renouveler le projet pour une durée similaire, ce qui pourrait vraiment permettre de comparer les effets des cultures pérennes. La chercheuse de l’IRDA s’attend d’ailleurs à ce que les effets sur la fertilité et le rendement soient notables à partir de quatre ans et d’une manière plus significative à partir de six à huit ans. « Avec l’inclusion annuelle de culture de couverture, on s’attend à une amélioration à moyen terme de certains paramètres de qualité, dont au niveau carbone ».
Cela faisait quelques années que l’IRDA attendait l’occasion pour pouvoir faire un projet d’envergure. Les recherches en agriculture, comme dans n’importe quel secteur, connaissent des cycles, ce qui fait que les priorités changent, mentionne la chercheure. « À une certaine époque, ça pouvait sembler caduque de vouloir s’entêter à comparer des prairies ou non en rotation. La roue tourne et ça redevient visionnaire. Après des années d’agriculture intensive, on retrouve l’importance de la qualité des sols, de maintenir les sols couverts et réintroduire des engrais verts et des plantes pérennes. »
L’apport des prairies dans une rotation a sans doute été sous-estimé. « On s’anticipait pas à quel point ce serait drastique ». Les résultats indiquent un rendement quasi comparable entre les sols avec historique de prairie (2 années sur 4) sans aucun apport d’azote et le sol qui est en fertilisation minérale uniquement avec la pleine dose d’azote. Ces conditions sur une si longue-période ne sont pas courantes et les résultats sont à moduler mais ceux-ci font quand même ressortir à quel point un système minéral uniquement peut être pénalisé et inversement pour les sols avec prairies récurrentes, fait valoir Mme Labrie
Les résultats mettent en lumière à quel point le potentiel de rendement est affecté si l’azote est lessivé. « Il ne s’agit pas seulement de la dépendance à l’engrais, mais aussi le rendement qu’il est possible d’atteindre quand les besoins sont comblés, un rendement que tu n’atteindras pas même si tu mets tout l’azote que tu veux dans le sol. »
À lire aussi:
Une nouvelle application mobile pour connaître l’état des sols