La semaine dernière, j’ai discuté sur mon blogue du marché du maïs au Québec (Marché du maïs au Québec : peut-on espérer plus de 400$/tonne?). Mais bien sûr, il n’y a pas que le maïs qui intéresse. Le soya et le blé sont aussi des cultures importantes ici. Je vous reviendrai sous peu avec le blé, mais pour aujourd’hui, qu’en est-il pour le soya?
Un peu comme le maïs, le marché du soya suit un certain comportement typique chaque année au Québec (voir graphique) :
1 – Creux à la récolte
À lire aussi

Les cultures nous parlent, est-ce que vous les écoutez?
Pour chaque culture, il existe un moment où une simple marche dans la parcelle permet de détecter les anomalies susceptibles d’affecter le rendement et dont les symptômes peuvent s’estomper avant la récolte.
2 – Progression/consolidation
3 – Sommets du printemps
4 – Recul estival/prérécolte*

J’ai mis un * pour la dernière phase, car contrairement au prix du maïs qui demeure généralement assez stable et élevé à partir de l’été, celui du soya affiche plutôt un recul distinct au cours de cette période de l’ordre de 7-10%.
Maintenant, quelques constats de la dernière année :
- Comme le maïs, le soya a profité d’un contexte qui lui a été très favorable, assez pour qu’il atteigne lui aussi un nouveau prix record, dans son cas autour de 850$/tonne en juin dernier.
- Contrairement au maïs cependant, le prix du soya n’a pas connu une hausse aussi marquée, progressant de +39% de son creux récolte à son niveau record en juin. Le maïs, lui, a bondi de +55%!!
- Le soya n’a toutefois pas brusquement chuté non plus en début d’été. Le maïs a plongé pratiquement d’un coup d’environ -30%, alors que le soya a connu un recul progressif de -14%.
- Dernier fait intéressant, si on compare sur un an, le maïs a progressé dans l’ensemble de +23%, alors que le soya a gagné +27%.
Si on fait une analogie avec la fable de la Fontaine du lièvre et de la tortue, en bout de course, le maïs aura donc été notre lièvre, et la tortue notre soya.
Et c’est ce côté « tortue » du prix du soya qui m’intéresse. Son comportement de la dernière année démontre une certaine fermeté qu’on ne retrouve pas dans le maïs. Je m’explique.
Ce qui a amené le marché du soya au Québec à se comporter de la sorte dans la dernière année sont les éléments suivants :

Un peu comme le maïs, il n’y avait en fait pas beaucoup d’éléments pour faire pression à la baisse sur le prix du soya. Il y avait bien à l’automne dernier l’idée d’une récolte record de soya au Brésil. Mais, elle fut rapidement mise aux oubliettes avec la sécheresse qui a finalement fait plonger la production brésilienne à l’hiver dernier.
Certains remarqueront aussi que je ne tiens pas compte de la guerre en Ukraine pour le soya. C’est vrai que d’une certaine manière, cette guerre a eu un impact sur l’ensemble des commodités agricoles, ce qui n’exclut pas le soya. Mais, ce sont surtout les prix du maïs et du blé qui en sont les grands bénéficiaires. Le soya suit plus par défaut, bien qu’on puisse établir certains liens entre l’huile de tournesol, le comportement du marché des huiles végétales et celui de l’huile de soya.
Maintenant, qu’en est-il au moment d’écrire ces lignes? Qu’avons-nous sous la main pour se faire une idée de la prochaine direction du marché du soya?

Ainsi, contrairement au maïs, nous avons actuellement sous la main encore plusieurs éléments intéressants pour soutenir le marché du soya. S’il y a une chose de négative, c’est davantage à la Bourse de Chicago où on sent un certain essoufflement pour l’instant. Il manque un petit quelque chose pour faire de nouveau grimper les prix finalement.
En ce sens, la clé sera d’ailleurs sans aucun doute la situation en Amérique du Sud. Au moment d’écrire ces lignes, les conditions restent excessivement sèches du côté de l’Argentine (encerclé en mauve), bien qu’elles se stabilisent un peu.

Par contre, après un bon début de saison, les conditions commencent à s’assécher au Brésil dans certaines régions, notamment dans le 1er État producteur de soya, le Mato Grosso (encerclé en bleu).
Est-ce que la récolte brésilienne de soya atteindra vraiment le record prévu à plus de 150 millions de tonnes cette année? Un doute commence à prendre forme…
Tout ceci n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’an dernier où, à l’automne, on prévoyait une récolte record du côté du Brésil autour de 140-142 millions de tonnes. Sauf qu’avec la bonne sécheresse qui a frappé ensuite au début 2022, la production brésilienne de soya aura plutôt échoué à seulement 127 millions de tonnes (contre 139,5 millions de tonnes l’année précédente).
Alors, pourquoi j’aime le soya?
C’est simple… les stocks américains sont bas, la demande reste au rendez-vous, les exportations américaines cherchent à se raffermir et nous avons un inconnu de taille pour faire encore bondir les prix : les prochaines récoltes sud-américaines.
Enfin, au Québec, la « base locale » se comporte toujours assez bien aussi. Un peu moins vigoureuse que l’an dernier, mais mieux que dans les dernières années.
Par conséquent, plusieurs éléments restent réunis pour l’instant pour faire grimper les prix. Difficile de dire que nous atteindrons nécessairement notre record autour de 850$ la tonne de l’an dernier. Mais, on peut encore envisager un retour éventuel autour de 775 à 800 $/tonne, si ce n’est pas davantage, spécialement si une autre sécheresse accable de nouveau l’Amérique du Sud.