C’est un fait, l’année 2020 a fait parler d’elle en raison des conditions qui ont prévalues dans les champs consacrés aux fourrages et toutes les régions y ont goûté sous une forme ou l’autre.
Avec la saison de foin qui tire à sa fin, le Conseil québécois des plantes fourragères (CQPF) a consacré sa deuxième journée de conférences virtuelles dans le cadre de son événement annuel de la Journée à foin à un bilan de saison. Deux conférenciers ont à tour de rôle donné un aperçu des rendements de foin à la grandeur du pays ainsi que des méthodes qui semblent le mieux fonctionner dans les conditions extrêmes de cultures, telles que connues cette année.
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Jean-François Lemay, agronome pour Sollio Agriculture a énoncé quelques-uns des défis vécus cette année dans les champs: déficit hydrique, canicule printanière, neige tardive en Abitibi, gelée nocturne, grêle, cicadelle, etc. La première coupe a donné des résultats décevants par conséquent dans plusieurs régions tandis que la 2e coupe a été normale mais surtout meilleure que prévu. Les 3e et 4e coupes ont pour leur part procuré des rendements encourageants avec une qualité exceptionnelle. Les rendements sont néanmoins en deçà des besoins, soit de l’ordre de 15 à 80% dans la province. Les transactions de foin sont élevées cette année et risque de le demeurer, d’où l’importance ce connaître son inventaire ainsi que les vendeurs. Le reste du pays a également connu des conditions de cultures difficile et mis à part l’Ontario, toutes les régions risquent d’avoir recours au commerce de foin pour palier à leurs besoins.
Gel, sécheresse et canicule
Les conditions des dernières années donnent peu de chances aux producteurs de se reprendre. C’est le cas par exemple dans le Bas-du-Fleuve où la sécheresse sévit depuis quatre ans. Dans ce contexte, France Bélanger, agronome pour le MAPAQ, s’est interrogé sur les espèces ainsi que les pratiques qui donnent de meilleurs résultats face à la canicule, la sécheresse ou encore le gel.
Parmi les espèces, le lotier semble s’en être mieux tiré. Il s’est très bien implanté puisqu’il a profité du temps sec qui nuisaient aux autres plantes pour prendre sa place. La fétuque avec ses feuilles cirées s’est montrée plus résistante à l’évaporation. Le mécanisme de défense de ses feuilles qui ont roulé face à la chaleur a aussi contré la perte d’humidité. Et si le mil a blanchi cette année, cela démontre selon Mme Bélanger le besoin de bien fertiliser la plante au printemps. « Même si c’est sec, le mil pousse mieux s’il a été bien fertilisé ».
Une attention particulière doit également être donnée à la profondeur des semis puisque les espèces dans un même mélange peuvent requérir différentes profondeur pour bien s’implanter.
L’agronome s’est également interrogée sur l’importance du taux de semis sur le succès de l’implantation et de la durée dans le temps des prairies. Munie d’une pelle, elle a sillonnée plusieurs champs pour étudier le taux de semis et le résultat durant la saison. Son constat est le suivant: les meilleurs plants bénéficiaient souvent de bonnes racines qui permettaient d’aller chercher l’eau dans le sol. Toutefois, les semis dans les prairies sont souvent trop denses et les plants se compétitionnent entre eux pour les ressources, ce qui donne de petites racines qui ont peu de défenses en cas de stress, que ce soit en cas de sécheresse ou de gel.
La qualité de semis est donc très importante. « Chaque plant doit avoir sa place » pour croître, explique Mme Bélanger qui compare aux carottes dont les meilleurs résultats sont recueillis quand la densité est moindre et que les racines sont grosses. Les semoirs d’aujourd’hui sont d’ailleurs assez performants pour implanter le bon taux dans le sol.
Ses observations sur le terrain lui ont aussi permis de constater les dégâts causés par l’épandage de fumier en cours de saison. La fertilisation après la coupe a souvent des conséquences néfastes. La luzerne est par exemple compactée, ce qui laisse place à des graminée annuelles. Les trous laissés l’année suivante seront comblés par des mauvaises herbes. L’agronome recommande donc de fertiliser en août puisque les pluies sont plus abondantes habituellement à cette période de l’année. Il faut également laisser tomber une fertilisation dans les nouvelles prairies ou de fertiliser à deux reprises un même champs dans la même année.
Mme Bélanger a également recommandé de ne pas faire de coupe en septembre puisque les plants de luzerne ont besoin de 50 jours de croissance entre la dernière coupe et le premier gel. Sinon, le gel aura plus d’emprise sur les cols de luzerne qui risquent alors de mourir et laisser la place aux pissenlits. Les plantes sont sensibles au froid ressenti, comme ce fut le cas en novembre dernier quand le mercure a chuté à -5 degrés Celsius mais avec des ressentis de -15 degrés. « C’est comme un vache Holstein qu’on aurait clippé. Elle va plus ressentir le froid que si on lui avait laissé plus d’épaisseur sur le dos », a t-elle illustré.
Le taux de semis semble donc être un élément important à retenir pour passer à travers les événements extrêmes et assurer de meilleurs résultats dans les prairies. « Il faut prendre soin des plantes fourragères autant que des autres grandes cultures ».