Comprendre l’influenza aviaire chez les bovins laitiers

Des chercheurs ont voulu comprendre

Publié: 18 mars 2025

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Le secteur laitier américain cherche à combattre l'influenza aviaire qui affecte plusieurs élevages.

Les résultats d’une étude du Centre de recherche de l’Hôpital St. Jude pour enfants de Memphis au Tennessee a démontré la vulnérabilité des cellules mammaires des bovins laitiers au virus de l’influenza aviaire.

Cette étude a aussi permis de démontrer que les porcs présentent des risques différents. De plus, bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour le confirmer, le virus pourrait avoir beaucoup plus de difficulté à devenir une menace réelle pour les bovins de boucherie.

Durant les dernières années, de nombreux cas d’influenza aviaire ont été présents en Amérique du Nord. Selon les données du ministère de l’Agriculture des États-Unis et de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, l’influenza aviaire hautement pathogène a coûté la vie à 159 millions de volailles sur les fermes aux États-Unis et près de 14,5 millions au Canada.

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L’année dernière, en 2024, cette maladie a pris une nouvelle orientation lorsque des exploitations laitières dans plusieurs États américains ont été confirmées atteintes par le virus de l’influenza aviaire. Depuis, les autorités américaines l’ont détecté dans 968 fermes réparties dans 16 États. À l’exception d’un troupeau de porcs de basse-cour en Oregon et d’un cas d’alpaga en Idaho, tous les mammifères d’élevage infectés étaient des vaches laitières. Des chats ont également été touchés.

Cas humains

Des personnes ont également commencé à tomber malades et le nombre de cas aux États-Unis s’élevait à 68 au 13 février dernier, principalement des employés d’exploitations laitières et avicoles présentant des symptômes légers. Une personne est décédée en Louisiane.

Au Canada, aucun cas de contamination laitière n’a été détecté, mais un cas humain a été signalé. Une infection à IAHP (influenza aviaire hautement pathogène) a conduit un adolescent de la Colombie-Britannique à l’hôpital.

Plus récemment, le Nevada a découvert le premier cas de la souche D1.1 du virus chez des vaches laitières. Cette souche, qui avait déjà circulé chez les volailles, était responsable de l’infection humaine en Colombie-Britannique et du décès en Louisiane. Les cas bovins précédents avaient été identifiés comme étant du génotype B3.13.

Le clade spécifique de l’IAHP à l’origine de ces problèmes multi-espèces (clade 2.3.4.4b, qui comprend à la fois D1.1 et B3.13) passe d’une espèce à l’autre dans le monde entier depuis 2020, selon Shayan Sharif, professeur au Collège vétérinaire de l’Ontario de l’Université de Guelph.

Commentaires d’une chercheuse

L’infection des vaches laitières par le virus a également piqué la curiosité de Stacey Schultz-Cherry, l’une des chercheuses impliquées dans l’étude du Tennessee.

« L’étude visait en réalité à déterminer : “quelle est cette espèce, quelle est la capacité de cette famille particulière de virus, dans quelle mesure sont-ils capables d’infecter au moins les cellules de différents animaux qui nous préoccupent ?” », a-t-elle dit.

L’équipe s’est fixé comme objectif initial de « penser au-delà » des voies respiratoires, où la plupart des grippes ont tendance à se répliquer, pour déterminer à quel endroit cet influenza attaque différents animaux.

« Quand on pense au virus de la grippe, on pense à une maladie respiratoire, qu’il s’agisse d’un léger rhume ou de quelque chose de plus grave comme une pneumonie – c’est toujours ce à quoi nous pensons chez les mammifères », a-t-elle dit.

Cependant, cela n’a pas été le cas dans l’industrie laitière, où les symptômes comprenaient une mammite grave et des problèmes de lait ainsi qu’une infection plus typique des voies digestives et respiratoires.

La nouvelle étude, qui a utilisé des échantillons du génotype B3.13 qui a dominé les infections laitières aux États-Unis, a permis de découvrir que la grippe ne se réplique pas bien dans les cellules respiratoires des vaches laitières ou d’autres mammifères si ce mammifère a attrapé l’IAHP d’un oiseau sauvage, qui est souvent considéré comme le vecteur typique de l’infection par la grippe aviaire.

Cependant, il pouvait se répliquer efficacement dans les tissus mammaires des vaches laitières, que l’infection ait été introduite par un oiseau sauvage ou un autre mammifère infecté. De même, le virus provenant d’un mammifère infecté avait davantage tendance à se répliquer dans les cellules respiratoires d’un autre mammifère.

« Les virus d’oiseaux sauvages qui ont été isolés à partir de mammifères ont des propriétés différentes , a expliqué Stacey Schultz-Cherry. Ils se répliquent différemment dans ces cellules respiratoires de mammifères… Si vous prenez ces virus qui ont été isolés d’un chat ou d’une vache, ils se développent très bien dans ces cellules, à quelques exceptions près. »

Les porcs

Les porcs semblent être l’exception à la règle, et pas dans le bon sens du terme. L’étude suggère que si un porc est infecté, le virus se réplique dans son système respiratoire, quelle que soit son origine, aviaire ou mammifère.

« C’est toujours une préoccupation avec la grippe, car nous considérons les porcs comme des « récipients de mélange », car ils peuvent être infectés par des souches humaines de grippe et par des souches aviaires de grippe, a déclaré Stacey Schultz-Cherry. Et c’est là que nous nous inquiétons du partage d’informations génétiques entre les virus et de l’apparition de nouvelles souches capables d’infecter les mammifères. »

L’idée que la grippe se réplique dans le tissu mammaire a quelque peu déconcerté les chercheurs. En général, les virus grippaux ne ciblent pas ces cellules.

Ce comportement déroutant pourrait inspirer des recherches plus approfondies sur les raisons pour lesquelles, alors que les producteurs de bœuf attendaient avec appréhension l’année dernière que leur secteur chute à nouveau, cela ne s’est jamais produit.

Bovins de boucherie

L’étude a comparé la sensibilité des vaches laitières pures à celle des croisements de boucherie-laitières. Les cellules issues de ces croisements se sont révélées résistantes au virus.

« Y a-t-il donc quelque chose d’unique chez les bovins de boucherie et pourquoi ne constatons-nous pas d’infection ? » a dit Stacey Schultz-Cherry.

Son équipe sollicite désormais des éleveurs de bovins de boucherie pour des dons de cellules de différentes races afin de procéder à des comparaisons plus approfondies.

L’étude est disponible dans une version pré-imprimée qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, bien que la chercheuse Schultz-Cherry ait déclaré que l’objectif est de poursuivre l’évaluation par des pairs.

Parallèlement, les scientifiques examinent de plus près les cas humains d’IAHP. Ils étendent également leur étude sur la vulnérabilité des tissus mammaires aux porcs et aux humains et testent actuellement la souche D1.1 d’IAHP.

« Et lorsque toutes ces études seront terminées, nous publierons ce document et il sera soumis à un processus d’évaluation par les pairs », a-t-elle expliqué.

Article de Jeff Melchior publié dans le Western Producer, traduit et adapté par Marie-Josée Parent

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.