Recommandée pour un reportage par Agri-Marché pour ses bonnes pratiques de régie d’élevage, la productrice de porcs Josée Castonguay vient maintenant d’apprendre qu’elle devra fermer sa maternité de Leclerville en décembre prochain. Ainsi en a décidé l’intégrateur. Josée Castonguay comprend la situation, mais elle est déçue que d’autres avenues n’aient pas été envisagées, comme réduire la production de chacun au lieu de fermer des sites d’élevage.
Dans le numéro de mai 2023 du Bulletin des agriculteurs, Josée Castonguay est la productrice qui avait été mise en vedette dans l’article Les erreurs à éviter en alimentation des porcs. On y explique que la productrice a modifié l’alimentation de ses truies en gestation, ce qui a eu beaucoup de bienfaits sur les performances d’élevages. Josée Castonguay a entendu la triste nouvelle alors que le magazine était sous presse. Jusqu’à l’annonce officielle, elle espérait qu’il y aurait une autre issue.
Avec plus d’un million de porcs de moins abattus par Olymel dès l’an prochain, il fallait bien qu’il y ait des coupes et c’est notamment arrivé sur l’élevage de Josée. Elle reconnaît qu’Agri-Marché a pris une décision d’affaires. Puisqu’elle a 48 ans et qu’elle n’a pas de relève, Josée Castonguay avait décidé de ne pas rénover sa maternité de 575 truies pour se conformer aux nouvelles normes de bien-être animal qui viennent à échéance en 2029. Mais elle espérait bien se rendre à cette date. Elle aurait eu 55 ans et elle aurait pris sa retraite. À 48 ans, elle se sent trop jeune pour quitter le marché du travail et trop vieille pour investir dans une nouvelle production.
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« C’était un coup de dé de ne pas rénover », dit-elle aujourd’hui. Elle se dit toutefois en bonne position puisqu’elle n’a pas de dettes. Il lui reste sa pouponnière qu’Agri-Marché a décidé de conserver. Toutefois, ça ne représente que le quart d’une tâche d’une personne. Ce n’est pas assez pour subvenir à ses besoins. Il reste sa terre qui ne compte que 19,41 hectares en culture en plus d’un boisé. « Ma terre n’est pas assez grande pour en vivre, dit-elle. C’est ma maternité qui était mon gagne-pain. »

Futur incertain
Dès septembre, il n’y aura plus de saillies des truies. Puis, au fur et à mesure que les lots de porcelets seront sevrés, les truies partiront pour l’abattoir. Le dernier lot partira fin décembre ou mi-janvier, selon la décision d’Agri-Marché qui possède le cheptel. Elle se dit chanceuse d’avoir un employé qui veut rester avec elle jusqu’à la fin. Elle veut même le garder après la sortie de tous les animaux afin de laver les locaux. « Je veux laisser ça propre », dit-elle.
Elle veut attendre avant de prendre de décision pour la suite des choses. Elle veut d’abord se concentrer sur la fin de l’élevage, mais le peu d’options la consterne. Elle dit qu’il manque trop d’informations pour prendre une décision. Elle se questionne notamment sur l’enveloppe budgétaire pour quitter temporairement la production pendant un minimum de cinq ans. « Après trois ans sans élevage, un C.A. (certificat de localisation), ce n’est plus bon. Comment peuvent-ils dire qu’on peut revenir en production après cinq ans? » dit-elle avec étonnement. Elle sait aussi qu’en cinq ans sans élevage, la maternité va se dégrader et qu’elle ne sera toujours pas aux normes de bien-être animal.
Josée Castonguay attend beaucoup de l’assemblée générale annuelle des Éleveurs de porcs qui aura lieu les 8 et 9 juin pour répondre aux nombreuses interrogations, mais elle regrette de ne pas pouvoir y assister en entier. « Ça commence à 8 heures et demie. Je fais mon train à cette heure-là », dit-elle avec désolation.
Malgré tout, Josée Castonguay comprend la décision d’Agri-Marché. Elle aurait toutefois préféré que la compagnie choisisse une autre solution. Elle a notamment entendu parlé que les «coops» offraient de réduire la production porcine chez tout le monde. « J’aurais aimé ça qu’on m’offre de réduire de 100 truies, dit-elle. J’aurais pu continuer d’autant plus que je n’ai pas de dette. » Elle reconnaît toutefois que pour une entreprise qui vient d’investir un gros montant pour rénover ses bâtiments, ça aurait été une lourde perte. Après vérification avec Olymel, la division porc de Sollio Groupe coopératif, la stratégie n’est pas aussi clairement définie que l’a entendu dire Josée Castonguay.
Agri-Marché n’a pas voulu commenter la situation. Selon ce que Josée Castonguay a entendu dire par d’autres éleveurs, il y aurait quatre maternités qui arrêteraient leur production chez l’intégrateur dans les prochains mois. Cette information n’a pas pu être vérifiée.
Josée Castonguay sait qu’elle n’est pas seule dans cette situation et que d’autres éleveurs sont dans des situations encore plus précaires que la sienne. Elle a la chance de ne pas avoir de dettes. Heureusement, puisque sa maternité construite en 1997 ne vaut plus rien, selon elle. « Hier soir, j’ai parlé deux heures et quart avec un producteur qui a juste une pouponnière, raconte-t-elle. Agri-Marché a décidé de la fermer. Elle n’est pas finie de payée. Il a tout perdu. Il va falloir que les travailleurs de rangs soient très attentifs dans les prochains mois. »
Elle déplore que les médias aient fait grand bruit des pertes d’emplois avec la fermeture prochaine de l’usine de Vallée-Jonction, mais peu des producteurs de porcs qui perdront leur élevage. « Avoir une ferme, ce n’est pas comme quitter un emploi, dit-elle. Tu l’as à cœur ta ferme. Moi, j’ai toujours géré ça comme si c’était mon élevage même si j’étais sous intégration. »