Nos cousins français ont une longue tradition de fabrication de fromages. Des activités ancestrales d’élevage et de production sont encore pratiquées dans certaines régions. Julie Roy, collaboratrice au Bulletin des agriculteurs, s’est rendue en Auvergne, au centre de la France. Voici ce qu’elle a découvert.

Depuis 2001, à la montage d’Algour dans la région de l’Auvergne en France, Marie-Jo et Guy Chambon, deux producteurs agricoles, s’affairent à maintenir une activité agricole ancestrale typique de la région, la production de fromages Traditions Salers. Leur particularité? Ils pratiquent la transhumance, c’est-à-dire qu’ils partent avec leurs 50 vaches de la plaine pour s’établir à la montagne pendant l’été. Deux fois par jour à 6 h 30 et à 15 h 30, ils traient le troupeau. Ils amènent à quelques mètres du lieu de traite, le lait à leur buron. Ce bâtiment en pierre où ils résident, sert aussi à la fabrication et à la vente de la production.

Courte sur patte, docile, la vache salers endure bien les écarts de chaleur et est facile à déplacer. Elle est présente dans 28 pays à travers le monde. Pour obtenir du fromage Tradition Salers, plusieurs règles doivent être respectées. La plus importante est que les vaches doivent manger uniquement de l’herbe située dans les montagnes.

À toutes les traites, le même rituel se produit. Un corridor est constitué afin que les veaux puissent aller rejoindre leur mère. C’est la particularité de la vache salers, pour la traite la présence du veau est indispensable.

Une fois les veaux arrivés à l’enclos, Marie-Jo rassemble le troupeau. Chaque vache porte le même nom que son petit. La vachère va les nommer un à un et ces derniers vont sortir docilement de l’enclos lors de l’appellation de leur nom. «Ils reconnaissent leur nom au même titre qu’un chien», raconte la productrice.

Deux fois par jour, Guy Chambon amène son vieux tracteur près du troupeau. Celui-ci est équipé d’une trayeuse rudimentaire.

La vache salers ne donnera pas de lait tant que son veau n’aura pas tété. Après avoir bu les premières gouttes, il est attaché à une patte avant de sa mère. Le vacher peut ainsi entreprendre la traite de trois trayons, le quatrième est réservé au veau pour satisfaire ses besoins de croissance. En fin de traite, le veau est libéré.

Il faut au moins deux heures de travail deux fois par jour pour traire tout le troupeau. Un travail qu’accepte de bonne grâce le couple. «C’est un choix de vie que nous avons voulu. On est tranquille, nous faisons comme on veut. Aussi, on est un peu sauvage», raconte Marie-Jo. Sauvage, peut-être pas tant, car le couple reçoit régulièrement gratuitement des visiteurs qui désirent assister à l’opération.

Il a fallu un an de travaux pour restaurer le buron familial. La plupart des burons ont la particularité d’avoir un toit en lauze ou en ardoise comme dans ce cas-ci. Si les deux producteurs ont décidé de revenir aux sources, c’est parce qu’auparavant, ils vendaient leur lait à une coopérative laitière et ils considéraient que leur travail n’était pas suffisamment valorisé. «C’est un métier que je connaissais pour avoir passé tous mes étés, depuis l’âge de quatorze ans, en compagnie du vacher-fromager de mes parents qui assurait la fabrication du fromage dans ce même buron», se souvient le producteur.

Marie-Jo aussi sait tout de cette technique de production unique et propre à la race salers. «La façon dont le troupeau est nourri rend la composition du lait différente avec un excellent rapport matière grasse/matière protéique, avoisinant 1,2, ce qui se traduit par des qualités fromagères exceptionnelles. Le lait issu des troupeaux salers est utilisé pour la fabrication des Tradition Salers, Cantal et Saint-Nectaire. Ici, on ne fait que du Tradition.»

Tout près de l’exploitation du couple Chambon, se trouve le musée Les burons de Salers et de la gentiane. Il est possible d’en apprendre plus sur l’histoire de ces producteurs. D’ailleurs, la région en comptait 1200 en 1948. Aujourd’hui, deux burons sont en activité, un chiffre qui tombera à un l’an prochain, car l’un d’entre eux fermera ses portes cette année. Sur place, paysage à couper le souffle, dégustation de fromages et repas.