Cinq vaches pour sauver la race Canadienne

Des vaches sont étudiées au CRSAD par des chercheurs de l'Université Laval

Publié: il y a 32 minutes

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Des vaches de race Canadienne ont été accueillies au CRSAD et sont étudiées par une équipe de chercheurs de l'Université Laval.

Une équipe de l’Université Laval a collaboré avec le Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD) pour acheter cinq vaches de race Canadienne afin de les inclure dans des projets de recherche. L’objectif ultime est de mieux connaître ses spécificités dans le but de sauver la race.

La race Canadienne est la seule race bovine laitière développée au Québec. Elle tire ses origines du début de la colonisation française. Elle est classée race patrimoniale, tout comme la poule Chantecler et le cheval Canadien.

Selon les données de l’Association de valorisation de la race bovine canadienne, il ne reste que 400 femelles pur-sang de race Canadienne, logées dans 10 troupeaux, dont deux sont constitués uniquement de bovins de cette race. Le fameux fromage de la Fromagerie du Pied de Vent est notamment produit à partir du lait de cette race.

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Sauver la race

En entrevue, les chercheurs Rachel Gervais, spécialisée en alimentation des bovins laitiers, et Julien Chamberland, spécialiste de la transformation fromagère, de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation (FSAA) de l’Université Laval, expliquent que l’idée provient d’un collègue. Le chercheur en génétique Claude Robert leur disait qu’il faudrait sauver cette race. L’agent de coordination Mario Dufresne de l’Association de valorisation de la race bovine canadienne tenait les mêmes propos.

« On a une race patrimoniale qui a été développée ici au Québec et ce serait dommage de ne pas la préserver, explique Rachel Gervais. En Europe, il y en a plein des initiatives pour garder des races patrimoniales. »

C’est ainsi que cinq vaches de race Canadienne ont pris la route du CRSAD, dont trois étaient gestantes. Une a donné naissance à une génisse appelée Victorine. Une vache a donné naissance à un couple de jumeaux et la troisième vache doit mettre bas bientôt.

« Ce qui nous a motivé, ce n’est certainement pas sa rentabilité évidente ou sa productivité, ou le fait qu’elle puisse remplacer la Holstein dans les troupeaux laitiers canadiens, dit Rachel Gervais. Ce n’est vraiment pas ça l’objectif. Ce que l’on veut, c’est préserver ses caractères distincts. On pense qu’elle a quelque chose à donner au secteur laitier, mais il faut bien l’identifier, bien le cerner pour mieux le valoriser. »

Ils souhaitent donc aider la Canadienne à trouver son créneau à elle. Pour cela, ils vont identifier ses caractères uniques. Rachel Gervais ajoute que trop de données à propos de la Canadienne proviennent du folklore et non pas de données scientifiques. Ils sont peut-être réels, mais il faut les identifier avec rigueur.

« On montre aussi qu’on s’intéresse à toute la filière, pas juste à la très grande entreprise, explique Julien Chamberland. Avec la Canadienne, on peut proposer un projet qui s’adresse plus aux producteurs transformateurs. Travailler à plus petite échelle, trouver d’autres modèles de rentabilité au sein de l’industrie. »

Projet de recherche

Comme projet de recherche, avec seulement cinq animaux, ils étaient limités dans ce qu’ils pouvaient faire. En évaluant le potentiel de la Canadienne, ils se sont dit que son avenir était probablement dans les circuits courts.

Ils ont donc pensé faire un premier projet en alimentation qui permettrait à la fois de valoriser un déchet de la fabrication de fromage par les petites fromageries en aidant la rentabilité de l’élevage de vaches de race Canadienne.

Les grandes fromageries ont les équipements pour valoriser le lactosérum, mais pas les petites fromageries pour qui il s’agit d’un déchet. Or, le lactosérum a le potentiel de remplacer une partie du maïs et du tourteau de soya dans la ration des vaches laitières.

« Nous, on a fait d’autres projets qui nous ont montré que le lactose, ça peut être une bonne source d’énergie pour la vache laitière et dans ce contexte-là, on s’est dit, si on a un circuit court, on pourrait le récupérer et le réutiliser », raconte Rachel Gervais.

Étant donné le très petit troupeau laitier, les chercheurs ont décidé que chaque vache deviendrait son propre témoin. Quatre vaches ont été mis à l’essai. Il y a un groupe témoin et un groupe en test. Chaque vache reçoit soit une ration témoin sans lactosérum, soit une ration avec lactosérum. Puis, l’autre ration. Un groupe de quatre vaches Holstein suivent le même protocole.

Plusieurs paramètres sont étudiés, comme la fermentation ruminale, la prise alimentaire, la production laitière et l’effet sur les composantes du lait.

Julien Chamberland explique aussi que des fromages au lait cru sont fabriqués. « Déjà, à la fin de la fabrication, le lendemain matin, lorsqu’on les démoule [les fromages], il y a une différence entre la Canadienne et la Holstein, dit Julien Chamberland. On l’aime déjà plus. Il y a peut-être un gros biais dans ce que je vous dis, mais on aime déjà plus le fromage de Canadienne au premier jour d’entreposage. »

Il note une différence dans la texture et les arômes. Selon lui, le lait de vache Canadienne est plus propice à la fabrication de fromage.

« On dirait que les vaches ont été sélectionnées pour faire des bons fromages », dit le chercheur qui se dit aussi très enthousiaste de travailler avec cette race laitière.

Lors de l’entrevue avec ces deux chercheurs, on sent très bien leur enthousiasme envers cette vache patrimoniale.

« Notre réelle ambition, c’est d’inciter des producteurs et des transformateurs de s’intéresser davantage à la Canadienne, à en accueillir un peu plus dans les troupeaux, pour favoriser sa pérennité à plus long terme », explique Julien Chamberland.

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.