Une nouvelle stratégie de contrôle de ventilation, basée sur un indice de confort thermique, donne des résultats préliminaires encourageants. Cela pourrait changer la façon de rafraîchir les porcs durant les épisodes de canicule en été.
De plus en plus, les changements climatiques font en sorte qu’il fait plus chaud, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur des porcheries. Et cela entraîne un grand stress et des baisses de rendement chez les animaux.
C’est pourquoi des chercheurs et des professionnels de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), du Centre de développement du porc du Québec, de l’Université Laval, de l’Institut national de recherche scientifique et de Maximus ont voulu développer une nouvelle stratégie pour améliorer le confort des porcs et conséquemment maintenir leurs performances.
À lire aussi

Problème criant de financement dans le bœuf
Avec les prix des veaux qui ont explosé depuis 2022, les producteurs de veaux et de bouvillons ont de la difficulté à financer l’achat d’animaux. Il en résulte des places vides dans les bâtiments.
« L’idée – et c’est la tendance mondiale – est de s’occuper davantage de ce que l’animal ressent », explique Stéphane Godbout de l’IRDA, chercheur principal sur ce projet qui est géré par la professionnelle de recherche Dalila Larios.
C’est un peu comme le facteur Humidex ou le facteur vent quand nous sortons à l’extérieur. Il peut faire 30 degrés, mais nous avons la sensation d’une température plus élevée parce que c’est humide. Ou encore, on a l’impression qu’il fait plus froid parce qu’il vente.
« C’est un peu la même chose pour le porc, explique Stéphane Godbout. Ce n’est pas parce qu’il fait 20 degrés dans la porcherie que l’animal est bien. Il peut avoir plus chaud ou plus froid qu’on le pense. » L’idée est donc de trouver une nouvelle façon de contrôler l’ambiance en se basant sur ce que l’animal ressent.
Pour cela, ils ont décidé d’utiliser un récent indice développé par le chercheur Ramirez en 2017, le Housed Swine Heat Stress Index (HS2I), soit « l’indice de stress de chaleur des porcs à l’intérieur ». Cet indice jumelle la température, l’humidité et la vitesse de l’air pour évaluer ce que l’animal perçoit.
Ils espèrent ainsi intégrer le fonctionnement d’un gicleur et du ventilateur de recirculation, en modulant la vitesse de recirculation lorsque les porcs sont mouillés. Ce concept étant intégré dans l’algorithme d’un contrôleur d’ambiance, ils espèrent améliorer le confort des animaux. Un tel algorithme doit tenir compte de la croissance de l’animal puisque le ressenti de l’animal change selon l’âge. Pour simuler la canicule, l’équipe a fait passer la température de 22 à 30 degrés.

Normalement dans une stratégie conventionnelle, pour abaisser la température ambiante, le contrôleur envoie simplement la consigne aux ventilateurs d’extraction d’augmenter la vitesse de l’air. « Mais quand on parle de canicule, la température devient vraiment haute, explique Dalila Larios. Donc, on a besoin de d’autres moyens pour refroidir les animaux. C’est à ce moment-là qu’on doit mettre en place les ventilateurs de recirculation et le système d’aspersion. »
Donc, en premier, les ventilateurs d’extraction fonctionnent. Puis, ce sont les ventilateurs de recirculation et finalement, le système d’aspersion.
Avec le nouvel algorithme, c’est lui qui décide ce qui est fait, selon les données calculées du confort de l’animal selon les données qu’il a. « Il va faire plusieurs combinaisons pour respecter l’indice de confort qu’on appelle le HS2I », explique Dalila Larios.
La valeur de confort varie de 0 à 10, entre le confort complet (0) et un stress thermique très grand (10). Elle ajoute que la valeur recherchée est entre 2,5 et 5, selon l’inventeur de l’indice. Donc, la ventilation et le système d’aspersion doivent fonctionner pour atteindre ces valeurs de confort. C’est l’algorithme qui va le permettre.
Avec la nouvelle stratégie, ils se sont rendu compte que les ventilateurs de recirculation ne fonctionnaient pas autant qu’en méthode conventionnelle en raison de l’humidité de l’air. Par exemple, si l’air entrant est chaud et humide, l’algorithme peut choisir de ne pas faire augmenter la vitesse des ventilateurs d’extraction, mais plutôt d’augmenter la vitesse du ventilateur de recirculation.
Un premier projet prometteur
Dans le projet de recherche, des porcs ont été placés dans deux salles d’une porcherie de l’IRDA au Centre de recherche en sciences animales de Deschambault. Chacune renfermait 14 porcs, mais 12 à la fin du lot alors que les porcs étaient plus gros.
Les deux salles avaient les mêmes équipements, mais l’une avait des consignes d’ambiance conventionnelle et l’autre utilisait la nouvelle stratégie qui maintenait l’indice de confort à une valeur cible.
Des capteurs de température et d’humidité relative ont été installés à l’entrée et au ventilateur d’extraction. Des capteurs de température additionnels ont été installés au fond du parc d’élevage et au plafond. Le débit d’air était réduit comparativement à un élevage conventionnel, soit à 23,5 litres/seconde/porc, contre 38 en conventionnel.
La vitesse de l’air au niveau des porcs variait selon le fonctionnement des gicleurs. L’expérience a été refaite dans un deuxième lot. Dans le premier lot, les porcs ont eu un gain de 60 grammes par jour comparativement au témoin et, dans le second lot, ils ont eu un gain de 20 grammes par jour. Selon Stéphane Godbout, sur la durée d’un lot complet, quelques grammes par jour peuvent représenter une différence importante.
Vers le commercial
Après ce premier projet complété, l’équipe travaillera avec le professeur Sébastien Fournel de l’Université Laval pour optimiser la stratégie de l’utilisation de l’indice HS2I. Finalement, un essai sera fait au niveau commercial pour valider le tout.
Puis, Maximus qui prend part au projet, l’intégrera à son système. Selon Stéphane Godbout et Dalila Larios, cette façon de contrôler l’environnement des porcs pourrait être commercialisée d’ici deux à trois ans. Il est à noter que même si c’est la compagnie Maximus qui a participé au projet, les données seront accessibles pour toute compagnie intéressée par le concept.

Cet article a d’abord été publié dans le magazine Le Bulletin des agriculteurs de juin 2023 sous le titre Vers une stratégie intelligente d’ambiance. Pour vous abonner, cliquez ce lien.