Tarifs américains : soulagement et contre-attaque à l’UPA

La gestion de l'offre pourrait de nouveau être malmenée dans le cadre de négociations de l’ACEUM

Publié: 4 février 2025

Le président de l'UPA, Martin Caron, lors de la présentation des chiffres sur la situation financière des agriculteurs.

À quelques heures de l’échéance prévue pour l’entrée en vigueur de tarifs d’importation de 25% sur tous les produits canadiens, Ottawa a obtenu un sursis de 30 jours, soit jusqu’au 4 mars, afin de plaider sa cause auprès des États-Unis. Le Mexique a obtenu le même délai, en promettant également une surveillance renforcée à la frontière.

Interrogé sur sa première réaction face aux récents développements, le président de l’UPA, Martin Caron, indique qu’il est soulagé. « On voyait comment ça allait se passer pour nos producteurs maraîchers et horticoles, entre autres. Leurs clients leur demandaient d’assumer eux-mêmes les tarifs de 25%, plutôt que les Américains (…) On a un répit de 30 jours avec la décision annoncée lundi et on continue de se préparer. Mais ça reste que l’incertitude est encore là. »

Martin Caron ajoute que le secteur agricole travaille en amont depuis plusieurs semaines afin que les agriculteurs québécois soient le moins pénalisés possible, une tâche compliquée puisque les économies du Canada et des États-Unis sont étroitement interreliées. Des entreprises en agroalimentaires utilisent des produits qui traversent de part et d’autre la frontière, sans oublier le Mexique. Les préparations comprennent la révision de l’Accord-Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), prévu l’an prochain, mais qui pourrait être négocié plus tôt. Le premier ministre québécois, François Legault, privilégie d’’ailleurs cette approche.

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Le Conseil sur les relations américaines, un comité consultatif d’experts réunissant d’anciens négociateurs, politiciens et dont fait partie Martin Caron, est à l’œuvre et a été consulté en regard des tarifs proposés par le Canada en représailles aux États-Unis. La difficulté principale repose ici sur l’imprévisibilité du contexte actuel, précise Martin Caron, exacerbée par l’imminence d’élections au fédéral. Malgré tout, « on doit se préparer », insiste le président de l’UPA.

Le président de l’UPA souhaiterait également voir se développer les marchés pour les produits québécois, malgré la difficulté de faire des gains de ce côté. « Il faudrait être moins dépendant au niveau des États-Unis. Oui, c’est difficile, mais il faut se diversifier. On peut compter sur la hausse de la population mondiale qui va augmenter la demande pour les denrées alimentaires. Il faut trouver les bons marchés, mais aussi nouer d’autres alliances et partenariats », croit-il.

La gestion de l’offre encore sur la brèche

La gestion de l’offre pourrait de nouveau être malmenée dans le cadre de négociations de l’ACEUM, le président américain ayant plusieurs fois critiqué l’accès des produits laitiers américains au marché canadien. Plusieurs experts évoquent comme étant inévitable ce scénario dans la prochaine ronde de négociation pour satisfaire les États-Unis. De plus, la loi C-282 devant protéger la gestion de l’offre n’a pas pu être adoptée avant que le parlement ne soit prorogé.

Martin Caron se montre néanmoins optimiste. Il fait valoir que 80% des députés ont voté en faveur de la loi, tout comme les cinq chefs des partis politiques. « Ce qu’on veut, c’est que la gestion de l’offre soit protégée intégralement (…) On le voit actuellement aux États-Unis, le prix des œufs est incontrôlable, alors qu’on dispose ici d’une prévisibilité pour les produits comme les œufs, le lait et la volaille », souligne-t-il.

Martin Caron voit d’un bon œil l’engouement pour l’achat local suscité en réaction aux tarifs américains. Il est d’accord pour dire qu’il faudra profiter de ce sentiment qui partage les mêmes fondements que la gestion de l’offre. « Il faut profiter du momentum. C’est un aspect sur lequel on a insisté au sein du comité d’experts, pour faire prendre conscience de l’impact sur l’accès aux produits et sur l’emploi, en particulier au niveau rural, dit-il. On a longtemps dit à l’UPA que la gestion de l’offre était également un projet de société, mais que malheureusement, on prend pour acquis. »

Boycott et investissement

L’autre face de l’achat local est le boycottage des produits américains. Afin de protester contre les tarifs, des consommateurs québécois et canadiens choisissent de délaisser les produits faits aux États-Unis. Certaines listes circulent sur les réseaux sociaux en proposant des alternatives d’ici. Le président de l’UPA encourage-t-il les producteurs à participer à ce mouvement ? « Je préfère un discours moins négatif. Les producteurs font déjà leur part, mais d’un point de vue négociation, il faut voir comment on peut encourager ici nos producteurs. C’est le message que je lance. D’ailleurs, la notion d’achat local, les producteurs l’ont déjà et sont sensibilisés. »

En réaction aux politiques américaines, François Legault a indiqué qu’il prévoit augmenter les investissements pour aider les entreprises à améliorer leur productivité, ajouter de nouveaux produits, mais aussi, substituer des produits importés des États-Unis. Martin Caron soutien totalement cette nouvelle qui devrait inclure le secteur agricole. Il rencontre d’ailleurs la ministre de l’Économie, Christiane Fréchette, le 5 février. En investissant dans le monde agricole, dit-il, c’est de l’argent qui reste sur le territoire. « Il n’y a rien de mieux que d’investir dans les PME, et c’est ce que sont les entreprises agricoles. » L’autre cheval de bataille qu’il souhaite mettre de l’avant à Québec est au sujet de la lourdeur administrative « qui met des bâtons dans les roues  et qui nuit à la productivité des agriculteurs ».

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À PROPOS DE L'AUTEUR

Céline Normandin

Céline Normandin

Journaliste

Céline Normandin est journaliste spécialisée en agriculture et économie. Elle collabore également au Bulletin des agriculteurs.