Les 10 dernières années, et en particulier la dernière, ont mis la table pour un changement dans nos relations avec notre principal partenaire commercial, les États-Unis. Ceci a lieu dans un contexte de renégociation de l’accord de libre-échange.
L’avocat Jean Charest, ancien premier ministre du Québec et aujourd’hui conseiller stratégique chez Therrien Couture Joli-Cœur, était invité à présenter la situation politico-économique actuelle lors du Rendez-vous avicole 2025 organisé par l’Association québécoise des industries de nutrition animale et céréalière (AQINAC). Il a fait sa présentation en webdiffusion en direct des Émirats Arabes Unis dans le cadre d’une visite du premier ministre Mark Carney.
Remercier Trump
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Selon Jean Charest, l’économie canadienne ne sera plus jamais la même. « Je suis de ceux qui pensent qu’on va remercier Donald Trump dans 20 ans d’ici de nous avoir secoué et de nous avoir mis les yeux devant les trous parce qu’au Canada, on est devenus complaisants », dit-il.
Jean Charest a commencé sa présentation en expliquant la raison de l’élection de Donald Trump en 2016. Celui-ci a suivi son instinct en mettant le doigt sur le ras-le-bol de la population américaine. Depuis son retour au pouvoir l’hiver dernier, il est plus audacieux.
« Trump 2.0, c’est un président complètement désinhibé qui répond seulement à ceux qui le soutiennent », dit-il. Alors que dans son premier mandat, certaines personnes réussissaient à le freiner, ce n’est plus le cas. « Il n’a personne autour de lui pour le retenir », dit-il.
Son plan économique tourne autour de trois axes : la réduction des impôts, la dérèglementation de l’économie et la réduction de la taille de l’état.
Les tarifs sont devenus un levier économique pour tout et il utilise l’urgence nationale pour les mettre en place, car c’est la seule façon de les faire adopter rapidement sans passer par le Congrès.
Défis et avantages pour le Canada
La réduction de la taxation des entreprises chez nos voisins du Sud est un véritable défi pour le Canada. Selon Jean Charest, des écarts trop grands entre les entreprises canadiennes et américaines inciteront les entreprises à déménager aux États-Unis.
L’Accord actuel de libre-échange, l’ACÉUM, protège de 85 à 90% de nos exportations, mais pour les autres produits, c’est très difficile, notamment l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre qui doivent conjuguer avec des tarifs très élevés.
Mais le Canada ne fait pas face qu’à des inconvénients. « On a des cartes à jouer au Canada, mais il va falloir les jouer de façon stratégique », dit-il. Une des options, selon Jean Charest est de diversifier l’économie, comme en témoigne le voyage de Mark Carney aux Émirats Arabes Unis, la première visite d’un premier ministre canadien depuis 1983.
Il avance aussi que le Canada doit travailler sa relation avec la Chine qui a été malmenée par l’adoption de tarifs sur les voitures électriques chinoises dans le but de faire plaisir aux Américains. La Chine est notre deuxième partenaire commercial.
Et puis, l’année 2026 marquera la renégociation de l’ACÉUM. « Dans l’équipe de Trump, ils veulent préserver l’Accord de libre-échange. C’est leur volonté de départ. Ça ne veut pas dire qu’ils vont le faire, mais à l’heure actuelle, ils veulent préserver l’Accord de libre-échange », dit Jean Charest.
« Tant que nous serons dans cette posture-là, ce sera pour nous un avantage, ajoute-t-il. Le principal objectif actuellement de Mark Carney, c’est de protéger cet accord de libre-échange. »
Qu’en est-il de l’agroalimentaire?
L’industrie agroalimentaire est actuellement malmenée par nos deux principaux partenaires commerciaux : les États-Unis et la Chine. Les Chinois ont en effet ciblé les produits alimentaires canadiens en représailles avec les tarifs canadiens sur les voitures électriques. Jean Charest croit que le Canada devra se réengager dans une relation avec la Chine parce que c’est un marché dont on ne peut pas se passer.
Avec le retour des négociations sur le libre-échange, la question de la gestion de l’offre reviendra. Dans ce processus, le gouvernement américain doit faire une consultation et la gestion de l’offre aura une place importante dans les préoccupations soulevées. Ce n’est toutefois pas le principal souci des secteurs concernés.
« Prenons le secteur laitier, par exemple. Le principal problème des producteurs laitiers aux États-Unis, ce n’est pas la gestion de l’offre au Canada, c’est l’accès à la main-d’œuvre qui est un problème grave pour eux. Et l’accès à l’eau potable. […] Ce n’est pas un secret : l’économie américaine est totalement dépendante de l’immigration et des immigrants illégaux pour faire fonctionner le secteur agricole, la construction et le secteur des services. »
Alors oui, la question de la gestion de l’offre reviendra, mais ce n’est pas la priorité numéro un des secteurs concernés. De plus, il y a un fort consensus chez les politiciens canadiens pour la défendre.
« Je m’attends à ce qu’il y ait une défense très ferme de la gestion de l’offre du côté canadien, parce que c’est un choix de société qu’on fait, ajoute-t-il. Et parce qu’on n’a pas à être défensif là-dessus, car tous les pays au monde ont des secteurs qu’ils choisissent de protéger. »
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