La lutte a été serrée pour cette 121e édition de l’Ordre national du mérite agricole. Cela démontre à quel point les entreprises de la Montérégie se démarquent par leur excellence.
par Marie-Josée Parent, agronome et André Dumont
Trois mots résument les gagnants de cette année : innovation, qualité et pérennité. En fait, ce sont des qualités que tout bon gestionnaire d’avenir doit posséder. Sans innovation et sans qualité, impossible de se démarquer. Et c’est grâce à ces aptitudes que des gestionnaires peuvent assurer la pérennité de leur entreprise.
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Longue tradition québécoise, l’Ordre national du mérite agricole a su se transformer au rythme de l’évolution de l’agriculture d’ici. Loin d’être un concours de beauté, il évalue les qualités de gestionnaire. L’ensemble des activités de l’entreprise est pris en compte : appareil de production, agroenvironnement, ressources financières, ressources humaines et rayonnement social. C’est le seul concours national qui mesure entre elles, avec autant de profondeur, des entreprises agricoles de différentes productions.
Cette année, le concours se déroulait en Montérégie, une région qui dénombre 7200 entreprises agricoles. Un total de 93 entreprises ont participé, dont 15 pour la médaille d’or. L’entreprise gagnante, Ferme St-Ours, ne l’a emporté que par deux points d’écart sur la deuxième, Les Vergers Denis Charbonneau.
L’Ordre national du mérite agricole récompense les propriétaires des entreprises qui ont reçu le nombre de points réglementaires dans leur catégorie. Ils se voient attribuer un titre :
Or : Commandeur Argent : Officier Bronze : Chevalier
Le concours change de région chaque année pour revenir dans la même région cinq ans plus tard. Pour se présenter à l’argent, le propriétaire d’entreprise doit avoir obtenu une médaille de bronze et pour se présenter à l’or, il doit avoir obtenu une médaille d’argent. C’est donc un concours sur 15 ans.
L’Or récompense l’innovation
Un mot résume bien les activités des lauréats de la médaille d’or : innovation. Depuis 1993, deux soeurs, Chantal et Martine Bourgeois, ainsi que le conjoint de cette dernière, Serge Lefebvre, ont mis sur pied quatre entreprises avant-gardistes. Les fermes St-Ours, des Patriotes, Avistar et Avitech regroupent des productions avicoles et acéricoles qui se démarquent par le développement des produits de niche et par l’hébergement des poules.
À la ferme Avistar, les poules de reproduction logent dans de grandes vérandas. À la ferme des Patriotes, deux poulaillers de production d’oeufs biologiques sont reliés par une cour intérieure aménagée à la suite de la crise de la grippe aviaire de 2004. Ils ont poussé l’innovation jusqu’à loger des poules en liberté afin de produire des oeufs désirés par une catégorie de consommateurs.
La gamme de produits regroupe des oeufs biologiques, des oeufs bruns, des oeufs de poules en liberté, des oeufs blancs ou bruns oméga-3, de l’huile de tournesol biologique, du savon fabriqué avec cette huile et toute une gamme de produits de l’érable biologiques. Avec une telle variété de produits du terroir, les gestionnaires ont ouvert une boutique à la Ferme de St-Ours l’an dernier. « On croit beaucoup à la mise en marché », résume Serge Lefebvre qui est aussi président de la Fédération des producteurs d’oeufs de consommation. Les gestionnaires ont également misé sur un site Internet afin de mieux faire connaître leur entreprise et leurs produits : www.fermestours.ca.
Encadré : À quoi attribuez-vous le succès de votre entreprise ?
— La qualité des gens qui nous entourent et la volonté de réussir.
Quel est le plus grand défi que vous avez dû surmonter ?
— Notre plus grand défi a été de nous orienter vers la croissance et la gestion.
Quelle est la plus grande qualité d’un bon gestionnaire agricole ?
Le pire défaut ?
— Rester chez soi.
L’argent récompense la qualité Aux Serres Lefort, la croissance se fait sans compromis sur la perfection du produit. par André Dumont
Les Serres Lefort produisent plus de 60 % des transplants de légumes utilisés au Québec. Les producteurs fournissent la semence, Sylvain Lefort démarre les plants et les livre au champ à la date voulue. Les Serres Lefort, de Sainte-Clotilde-de-Châteauguay, sont une véritable pouponnière pour tomates, piments, laitues, choux et autres légumes. Produire de jeunes plants est une opération délicate, d’autant plus que les clients s’attendent à la même qualité, peu importe les conditions adverses qui peuvent survenir en cours de croissance.
Il y a 25 ans, l’entreprise démarrait avec deux serres. Elle en compte aujourd’hui l’équivalent de 140, certaines servant à l’acclimatation des plants aux conditions qu’ils retrouveront au champ. Au cours des dix dernières années, l’entreprise a plus que quintuplé sa production. « Il faut bien gérer nos investissements, dit Marie-Josée Lebire, conjointe et copropriétaire. On ne sait pas où nous mènera notre métier dans cinq ans. Les gens continueront à manger, mais mangeront-ils des légumes importés ? »
Pour se protéger des aléas du marché, Les Serres Lefort innovent et se diversifient. Avec l’aide de la relève, Julie Lefort (la fille de Sylvain), ils mènent plusieurs projets de recherche et développement. On produit aujourd’hui des plants biologiques, des plants greffés pour le champ, des plants livrés en mottes cubiques et des plants de légumes pour les serres, livrés en plein hiver. Il y a de l’action toute l’année, d’autant plus que vient de s’ajouter la production de laitue hydroponique.
Encadré : À quoi attribuez-vous le succès de votre entreprise ?
— À notre équipe de travail.
Nos employés travaillent avec passion, comme si c’était leur propre entreprise.
Quel est le plus grand défi que vous devez surmonter ?
Quelle est la plus grande qualité d’un bon gestionnaire agricole ?
— Savoir être à l’écoute des employés, des clients… et des plantes !
Le pire défaut ?
— Perdre de vue ses coûts de production, ses objectifs et le bien-être du personnel pendant qu’on gère une croissance rapide.
Le bronze récompense la pérennité Chez Excel-Serres, chaque geste sert à s’assurer que l’entreprise durera un autre 40 ans. par André Dumont
Il y a bientôt 40 ans, la production démarrait chez Excel- Serres. La fougue des débuts s’est à peine atténuée. « N ous sommes tous dans une course de Formule 1. Ceux qui ne le réalisent pas vont se faire écarter, ça ne sera pas long ! », dit Gabriel Beauregard, faisant allusion à la forte concurrence qui règne entre producteurs serricoles d’ici et d’ailleurs.
Dans ce contexte, Gabriel Beauregard, Nicole Guilmain et leur fils Louis-David n’ont pas le choix d’innover, de surveiller de près leurs coûts de production et d’être toujours à l’affût des moyens pour améliorer la compétitivité de l’entreprise de Saint-Damase.
Au début des années 90, Excel-Serres se spécialise dans la tomate rose, au moment où les producteurs ontariens délaissent cette culture. L’entreprise a trouvé sa niche et le virage permettra quelques années plus tard de tripler la superficie des serres. Elle atteint aujourd’hui 3400 m2.
La tomate rose a longtemps été la tomate de table des Québécois, ceux-ci utilisant la rouge pour la cuisson, explique Gabriel Beauregard. « La tomate rose fait partie de notre culture. Elle se mange très peu ailleurs qu’au Québec. » Aux roses s’ajoutent les rouges, les cerises et celles en grappe. Elles portent pratiquement toutes l’étiquette « Excel » ou « Dame-As ». Le marketing se fait en misant sur la force de ces marques et de la relation avec les acheteurs. Les fruits sont livrés directement aux épiceries avec les véhicules de l’entreprise.
Encadré : À quoi attribuez-vous le succès de votre entreprise ?
— À la rigueur des suivis que nous faisons sur nos cultures, nos dépenses énergétiques, nos ventes et nos états financiers.
Quel est le plus grand défi que vous devez surmonter ?
— S’assurer de poser tous les gestes pour que l’entreprise survive et demeure compétitive.
Quelle est la plus grande qualité d’un bon gestionnaire agricole ?
— Miser sur la concertation avec les fournisseurs et les acheteurs, de même qu’entre producteurs.
Le pire défaut ?
— Croire qu’on n’a pas le pouvoir de changer les choses quand ça va mal.