La coopérative québécoise Exceldor, spécialisée dans la première transformation de volaille, annonce son acquisition par une entreprise de l’Ontario, Sofina. Cette dernière produit et vend les produits de marque Janes.
L’entente reste assujettie à l’accord des deux-tiers des membres et des détenteurs de parts de placement de la coopérative. Leur avis sera sollicité lors d’un vote dans le cadre l’assemblée annuelle de la coopérative devant avoir lieu le 5 juin prochain.
Il s’agit d’une surprise puisque Exceldor n’avait pas fait part de son intérêt à se trouver un acquéreur pour ses activités qui comptent des installations dans six municipalités au Québec, ainsi qu’au Manitoba.
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En entrevue dans les médias, la porte-parole d’Exceldor, Gabrielle Fallu, a déclaré que la coopérative cherchait à vendre une partie de ses actifs, dont le centre de distribution de Beloeil. Mais lorsqu’approché en tant qu’acheteur potentiel, Sofina a plutôt proposé de faire l’acquisition de tous ses actifs. La coopérative disait éprouver des difficultés financières avec la diminution des marges bénéficiaires depuis quatre ans.
Pascal Thériault, agroéconomiste et professeur de l’Université McGill, a dit partager la surprise créée par la nouvelle, surtout que la vente de coopératives à des intérêts privés est rare. « Habituellement, le modèle coopératif au Québec est très en santé et valorisé. On voit plutôt des coopératives acheter des entreprises privées pour assurer leur croissance et leur place sur le marché », dit-il. Des coops en ont aussi acheté d’autres dans le passé. Il cite en exemple l’achat d’Olymel par Sollio, à l’époque la Coopérative fédérée.
Il semble clair maintenant « que Exceldor avait des problèmes de liquidités, alors que leur potentiel d’expansion était limité en tant que transformateur primaire dans un secteur sous gestion de l’offre », explique Pascal Thériault. Leur capacité d’emprunt était également restreinte. « Dans ce contexte, c’était probablement leur seule voie de sortie. »
Les autres options qui auraient été de réduire leurs activités, ou à l’inverse, de passer à l’offensive en investissant, n’étaient pas non plus envisageables, pense l’agroéconomiste. La première n’aurait pas offert le volume suffisant pour concurrencer les compétiteurs du secteur, alors que les investissements dans la deuxième option auraient été trop importants pour que les membres puissent la soutenir.
Exceldor a affirmé dans le communiqué de presse que la transaction permettrait une complémentarité d’offres entre leurs produits de première transformation avec ceux de Sofina, en plus d’offrir un accès plus grand à ses produits au marché canadien. Ses marques comprennent Exceldor, Lacroix, Granny’s, Butterball et Saha Halal.
Pascal Thériault voit d’un bon œil l’achat d’Exceldor par une entreprise située au Canada, ce qui permet de consolider le marché canadien et d’assurer un accès à des produits d’ici au consommateur. Reste à voir toutefois si Sofina ne décidera pas de rapatrier ou délocaliser les activités d’Exceldor lorsque ses installations en seront à la fin de leur vie utile. « Faut-il aussi se réjouir de voir une coopérative vendue à un milliardaire? » soulève Pascal Thériault. Le propriétaire de Sofina a fondé l’entreprise il y a 30 ans. Cette dernière affiche un chiffre d’affaires de plus de 6,5 G$. Elle exploite 40 sites et compte 13 000 employés au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne et en France.
Exceldor compte pour sa part 330 membres producteurs du Québec, de l’Ontario et du Manitoba et emploie plus de 3700 personnes, avec un chiffre d’affaires de plus de 1,4 G$. Elle possède aussi un siège social à Lévis. La coopérative a été fondée il y a 80 ans.
Devant ce que certains ont déclaré être la perte d’un fleuron québécois, la seule alternative serait de voir un acheteur se présenter en faisant une contre-offre. Le ministre de l’Agriculture du Québec, André Lamontagne, a déjà signalé que le gouvernement québécois ne pensait pas intervenir. Pascal Thériault indique qu’un fonds d’investissement pourrait se présenter en tant qu’investisseur patient, ce qui signifie devenir un partenaire financier en allongeant des sommes à faible taux.
Reste que les conséquences risquent d’être minimes pour les producteurs québécois, en raison de la production soumise à la gestion de l’offre. D’éventuelles brèches dans le système avec la renégociation de l’ACEUM ne sont pas toutefois à écarter, tout comme une orientation d’affaires de Sofina qui la verrait se tourner vers d’autres marchés d’approvisionnement ou de transformation que ceux du Québec.
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