La guerre en Ukraine a mis de l’avant le rôle de premier plan que joue le pays en tant que fournisseur de biens agricoles en Europe, mais aussi ailleurs dans le monde. La production céréalière du pays étant en péril, certains analystes n’hésitent pas à parler de la plus importante crise alimentaire mondiale possible depuis des générations. Le vide laissé par le pays oblige d’autres nations à faire face aux occasions qui se pointent dans le contexte, mais aussi aux obstacles auxquelles elles doivent faire face.
Le Canada ne fait pas exception. Étant un pays considéré comme puissance agricole moyenne, son rôle est réévalué ainsi que les possibilités qu’il offre à différents marchés, ne serait-ce que sur le plan des fertilisants. L’Est du pays est cependant fragilisé sur ce point et dépend des fertilisants venant de Russie.
L’Institut canadien des politiques agroalimentaires (ICPA) a publié un rapport dans la foulée d’un webinaire sur les conséquences du conflit armé entre l’Ukraine et la Russie. Plusieurs points sont soulevés:
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-Bien que le Canada ne possède pas de réserves de céréales ou de terres qui peuvent être mises en service immédiatement en réponse à l’invasion russe de l’Ukraine, il peut prendre des mesures à court et à long terme.
-Le Canada devrait élaborer une stratégie pour accroître son autosuffisance en engrais azotés et en sources de phosphate et devrait chercher à développer ses sources domestiques de phosphate, tout en faisant progresser la récupération des phosphates à partir des eaux usées. L’objectif de réduction des émissions associées aux engrais azotés devrait être axé sur une amélioration d’efficacité et une réduction de la dépendance aux importations.
-Un effort multinational coordonné sera nécessaire pour fournir un approvisionnement continu de blé et d’autres produits d’alimentation aux pays les plus sensibles à la perte de l’Ukraine en tant que fournisseur.
-Le Canada doit améliorer son infrastructure ferroviaire et portuaire ainsi que sa résilience de la chaîne d’approvisionnement afin d’être un fournisseur plus efficace et fiable de nourriture, d’aliments pour animaux et d’engrais. Les ennuis causés au port de Vancouver par les inondations en Colombie-Britannique montre la vulnérabilité du réseau.
-Les éleveurs de bétail en Europe qui dépendent des céréales fourragères importées de l’Ukraine sont en danger, ce qui pourrait créer des débouchés pour le Canada. Cependant, certains segments de la production de bétail au Canada connaissent actuellement des difficultés économiques importantes. Des stratégies devraient être mises en place pour soutenir ces industries pendant une éventuelle transition.
-Le Canada doit collaborer avec les pays où les aliments représentent une part relativement importante du revenu des ménages afin de réduire les retombées de l’invasion de l’Ukraine.
La situation demande donc à certaines régions du pays, comme l’Est de développer des stratégies pour faire face à la situation. Selon Al Mussell, chercheur en chef au ICPA, il ne faut pas croire que la fin de la guerre signifiera un retour à la situation qui prévalait alors mais plutôt à un nouvel ordre mondial. Il faudra entre autre que la région trouve d’autres marché où s’approvisionner en fertilisant.
Il faut que le secteur canadien des grains soit étabi sur des assises plus solides. «L’environnement commercial international auquel le Canada est confronté est devenu de plus en plus hostile depuis un certain nombre d’années», déclare M.Mussell, en citant entre autres exemple des accords commerciaux préférentiels, des pays promulguant un soutien interne ainsi que des représailles commerciales. «Une autre défense contre un environnement commercial hostile est que vous devez envisager de transformer le produit et d’y ajouter de la valeur au Canada… C’est la création de valeur et le remplacement des intrants.»
M.Mussell soulève également le problème de l’approvisionnement et des stocks de grains. Actuellement, les réserves mondiales sont peu élevées et il est difficile de dégager les marges nécessaires quand des pays comme la Chine sollicite environ 50% du blé et 70% du maïs pour sa consommation interne.
Il ne faut pas non oublier que la dernière crise alimentaire a mené à des soulèvements tels que le Printemps arabe et qu’une répétition d’événements de cette nature n’est pas à écarter. «Nous devons réaliser en tant que pays que nous avons la capacité qui aide à fournir des solutions à la sécurité alimentaire que très peu d’autres pays ont. Nous avons de la nourriture », dit M.Mussell. «C’est fou de penser que nous pourrions envisager un avenir où la nourriture est un élément de sécurité très recherché, et c’est certainement le cas dans l’immédiat, et cela pourrait également être le cas à long terme.»