Charolles (France), 19 janvier 2004 – Les éleveurs de bovins à viande du Charolais se battent pour arracher une appellation d’origine contrôlée (AOC), qui les mettrait à l’abri des crises à répétition frappant le secteur tout en venant récompenser un savoir-faire ancestral aux antipodes de l’élevage industriel.
Installés dans le berceau historique de la race charolaise, ils ont obtenu en décembre, après dix ans de lutte, la création d’une commission d’enquête, première étape obligée vers la reconnaissance d’une AOC, de la part de l’Institut national des appellations d’origine (INAO).
Cette commission d’enquête constitue « un signe fort que notre produit peut entrer dans le cercle très restreint des AOC », souligne le président du Syndicat de défense et de promotion de la viande de Boeuf de Charolles, Jean-François Ravault.
« Après des années pendant lesquelles on nous considérait comme de doux rêveurs, je suis enfin optimiste et je pense que, d’ici quatre ou cinq ans, nous pourrons obtenir une AOC », explique M. Ravault, lui-même éleveur près du Creusot.
Une AOC en matière de viande bovine est un « privilège » très rare puisque seul le taureau de Camargue en bénéficie.
L’AOC Boeuf de Charolles couvrirait la zone où est née, au début du XVIIe siècle, la célèbre race de bovins blancs, présente aujourd’hui un peu partout en France et dans 70 pays : la moitié ouest de la Saône-et-Loire et le nord du département de la Loire, soit 3500 éleveurs.
Pour convaincre l’INAO, le syndicat de défense, qui regroupe plus de 200 éleveurs, s’est attelé à démontrer que la viande produite dans cette région vallonnée et de bocage était différente du charolais élevé ailleurs.
Des tests de dégustation à l’aveugle, réalisés par le laboratoire d’analyse sensorielle Sensory de Renaison (Loire), ont montré que le Boeuf de Charolles avait « une couleur rouge plus foncée, un profil aromatique plus intense et une tendreté supérieure », précise Monique Mathieu, vice-présidente du syndicat.
Ces caractéristiques s’expliquent par la pureté de la race, avec des animaux plus musclés et des pâturages d’excellente qualité liés à un climat particulier. « Nous sommes au confluent de trois climats – océanique, méditerranéen et continental – et le bocage le plus à l’est en France », explique Mme Mathieu.
A ces éléments s’ajoute un élevage extensif et traditionnel. « On se fait souvent traiter d’arriérés car nous élevons nos animaux à l’herbe et notre productivité est assez faible », affirme Jean-François Ravault.
« L’AOC nous permettra de vendre un peu plus cher, pour compenser des coûts de production plus élevés, et d’offrir un produit qui résistera aux crises » comme celles, ces dernières années, de la vache folle ou de la fièvre aphteuse, souligne-t-il.
« Ce plus économique permettra aux éleveurs de s’en sortir mieux et de conserver un savoir-faire très éloigné de l’élevage intensif et productiviste », assure-t-il.
« Sans l’AOC, le Charolais risque de devenir une région faite uniquement de grandes exploitations exportant des veaux vers l’Italie », ajoute M. Ravault. Cette évolution menacerait jusqu’au paysage de cette terre qui a su garder son bocage ancestral en restant à l’écart de tout mouvement de remembrement.
Le cahier des charges transmis à l’INAO prévoit d’ailleurs, outre des critères sévères garantissant la qualité de la viande, la défense de la zone bocagère en maintenant au moins 80% de la superficie des exploitations en prairies et en entretenant régulièrement les haies.
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Source : AFP