2024 ne débute malheureusement pas en force pour le marché des grains.
À Chicago, le retour d’une météo favorable du côté du Brésil aura eu l’effet… d’une douche froide sur le prix du soya. Celui-ci a plongé depuis le début de 2024 sous ses creux de l’automne dernier, autour de 12,40 $US/bo. Le maïs tente de garder un peu plus le cap de son côté, avec un succès bien relatif alors qu’il gravite autour d’un support important à 4,50 $US/bo. Enfin, du marché des grains à Chicago, le blé semble le grand gagnant des dernières semaines, alors qu’il tente de se maintenir à plus de 6,00 $US/bo.
Différents éléments fondamentaux peuvent expliquer ce manque général de vigueur des prix à Chicago. Néanmoins, à mon avis, viennent en tête de liste les spéculateurs qui sont loin de se montrer très confiants dans le marché des grains en ce début d’année.
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Plus de maïs québécois d’exporté cette année?
On m’a demandé si j’anticipais une hausse plus importante du prix du maïs au Québec cette année, étant donné que la demande à l’exportation était plus forte que la normale cette année. C’est une excellente question, mais difficile à répondre.
Je vous ai joint pour ce faire trois graphiques (maïs, soya et blé à Chicago) qui illustrent très bien cette situation.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce type de graphique, il représente le nombre de contrats nets qu’ils détiennent à la bourse de Chicago. Il faut savoir que les spéculateurs peuvent aussi bien acheter que vendre des contrats pour tenter d’engranger des profits. S’ils achètent des contrats de maïs à Chicago par exemple, c’est qu’ils estiment que le prix du maïs va monter et qu’ils pourront le revendre plus cher. S’ils vendent des contrats de maïs, c’est qu’ils croient plutôt que le prix du maïs va baisser et qu’ils pourront le racheter moins cher pour engranger un profit.
Ainsi, si l’ensemble des spéculateurs misent sur une baisse du prix du maïs, nous aurons une position nette « vendeur ». Ceci est alors illustré par la courbe sous la barre de 0 dans le graphique. À l’opposé, s’ils croient qu’il va monter, ils ont une position acheteur et la courbe se trouve alors au-dessus de 0. Et, bien entendu, plus la courbe est élevée dans un sens ou dans l’autre, plus ils sont nombreux à miser dans la même direction.
Ce type d’information est important à suivre dans les marchés, puisqu’il peut expliquer en bien des occasions les mouvements brusques des prix, certaines tendances de fond et la lecture de la situation qu’ont les spéculateurs.
Si on revient maintenant à nos graphiques. On constate sans surprise qu’ils ont été très optimistes de 2020 à 2023, ceux-ci misant de manière générale sur une hausse des prix. Par contre, on observe aussi que le vent a tourné dans la dernière année; que leur optimisme s’est effrité. Les spéculateurs ont été et sont toujours particulièrement confiants que les marchés du blé et du maïs ont plus de chance de reculer que de remonter. Leur lecture dans le soya reste plus ambigüe; ils hésitent toujours à miser sur une baisse des prix… pour le moment.
Un deuxième coup d’œil aux graphiques nous permet aussi de constater que les spéculateurs peuvent être pendant longtemps, plusieurs mois et même années, acheteur ou vendeur.
En ce début de 2024, on constate ainsi comme tendance de fond que les spéculateurs se montrent bien peu confiants que les prix des grains puissent retourner à la hausse. Ceci risque de faire pression sur les prix pendant encore un bon moment à défaut d’un changement important de contexte d’offre et demande. Entre les lignes, on comprend qu’il nous faut donc un « choc » météo pour renverser la vapeur. Soit des mauvaises conditions météo cet hiver du côté du Brésil, sinon ensuite à partir du printemps prochain, du côté américain. À défaut que ce soit le cas, les spéculateurs continueront de miser sur une baisse des prix, ce qui ne les aidera en rien à se raffermir de nouveau.
Ceci nous ramène à la situation dans le soya qui, contrairement au maïs et au blé, s’était montré jusqu’à tout dernièrement plus ferme et soutenu à Chicago. Pratiquement tout l’automne dernier, les conditions ont été beaucoup trop sèches pour débuter la saison au Brésil. Le mal est d’ailleurs fait, puisque les récoltes débutent dans plusieurs régions pour le soya hâtif avec des rendements très décevants dans certains cas.
Néanmoins, le retour de bonnes précipitations dernièrement devrait permettre au soya plus tardif d’en profiter. À court terme, il n’y a donc plus de préoccupation météo pour le Brésil et les spéculateurs en prennent bonne note, ce qui n’est rien de positif pour le marché du soya.
Et la suite c’est quoi? Si on se fie aux prévisions météo, on ne doit pas s’attendre à un retour à des conditions trop sèches avant le mois de mars prochain au Brésil. Brève mention également que du côté de l’Argentine, les conditions ont été et devraient demeurer aussi très favorables.

Bien entendu, la météo étant la météo, il demeure prématuré d’anticiper que tout sera parfait pour le reste de la saison en Amérique du Sud. Toutefois ce semble le cas pour l’instant. Ceci risque d’inciter encore nos fameux spéculateurs à s’investir à la baisse, ajoutant une pression supplémentaire sur les prix vers de nouveaux creux.
S’il y a eu de nombreuses opportunités de vendre à d’excellents prix dans les deux dernières années, 2024 débute donc sous le thème de la patience…