Selon l’agronome Sylvie Thibaudeau, le seigle est une culture de couverture formidable. Il possède des atouts indéniables, notamment un système racinaire exceptionnel qui crée un milieu idéal pour la vie microbienne du sol et facilite l’infiltration de l’eau.
De plus, il résiste très bien à nos hivers et peut s’adapter à diverses conditions. Sylvie Thibaudeau a collaboré avec un grand nombre de producteurs du Club-conseils en agroenvironnement du bassin de la rivière La Guerre, en Montérégie, afin de mettre au point des techniques efficaces pour implanter le seigle comme culture de couverture.
Voici un résumé en 10 points de ses observations.
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1. Le seigle, un champion des racines et bien plus

Un sol en santé abrite une multitude de formes de vie : on dénombre plus de 5 millions d’organismes vivants par gramme. Ces organismes se concentrent principalement près des racines. Le seigle, avec son système racinaire dense et profond, crée un environnement idéal pour leur prolifération. Un seul grain de seigle peut produire jusqu’à 600 km de racines.
De plus, le seigle est très bien adapté à nos hivers. Il résiste à des températures de -34°C, comparativement à -19°C pour le blé d’automne. La semence peut germer dans un sol à seulement -4?°C.
2. Le seigle augmente les rendements du soya
Les rendements du soya semé après une culture de couverture de seigle sont généralement de 400 à 500 kg/ha plus élevés. Toutefois, des études américaines ont montré que, durant des printemps secs, le seigle pompe tellement d’eau du sol qu’il peut entraîner une diminution des rendements. C’est pourquoi Sylvie Thibaudeau suggère d’être prudent au printemps et de détruire rapidement le seigle si les conditions sont sèches.
3. Le seigle et le maïs ne font pas toujours bon ménage
Les récoltes de maïs suivant une culture de couverture de seigle ont parfois un rendement inférieur d’environ 10 à 15%. On a longtemps pensé que cette baisse était causée par l’effet allélopathique (voir plus bas), mais ce n’est pas le cas. En réalité, la diminution des rendements est principalement due à la présence de champignons pathogènes, tels que le fusarium et le pythium, qui se développent sur les racines du seigle. Lorsque ces champignons sont transmis des racines du seigle à celles du maïs, ils peuvent entraîner une baisse des rendements du maïs. Par contre, il est important de noter qu’avec le temps, après plusieurs rotations qui incluent une culture de couverture, la santé du sol s’améliore, la quantité de microorganismes augmente et les effets négatifs sur le maïs diminuent.

4. Il faut détruire le seigle 10 à 14 jours avant de semer du maïs
Heureusement, il est possible de limiter les effets néfastes du seigle sur le maïs. La clé est de détruire la culture de seigle 10 à 14 jours avant de planter le maïs. Si cela n’est pas possible, le maïs se développera tout de même, mais il faudra s’attendre à des diminutions de rendement. En revanche, le pire moment pour semer le maïs serait dans les 5 à 10 jours suivant la destruction du seigle.
5. Le semoir est l’outil idéal pour implanter le seigle après la récolte de soya

Le seigle peut être semé avant la récolte du soya ou après. Avant la récolte, on sème le seigle à la volée juste avant que les feuilles du soya tombent, de manière à les recouvrir et à créer un environnement propice à la germination des semences. L’autre option est de semer le seigle après la récolte du soya, que ce soit à la volée ou à l’aide d’un semoir. Selon l’agronome, le semoir donne les meilleurs résultats. Voir le taux de semis recommandé plus bas.
6. Le seigle peut être semé en bandes pour minimiser les effets négatifs sur le maïs
Pour limiter les effets potentiellement négatifs du seigle sur le maïs, on peut semer le seigle en bandes l’automne précédent dans les futurs entre rangs du maïs. Ainsi, on évite que ses racines soient près des jeunes plants de maïs.
7. Le seigle est la meilleure option pour un semis de culture de couverture après le maïs
S’appuyant sur son expérience de terrain, Sylvie Thibaudeau croit que le seigle est la seule option de culture de couverture à implanter après le maïs en Montérégie.
8. Le semis du seigle en intercalaire en début de saison dans le maïs est à éviter
Après plusieurs années d’essais, Sylvie Thibaudeau a conclu qu’il n’était pas judicieux de semer du seigle en intercalaire entre les rangs de maïs. Qu’il soit semé à la volée ou avec un semoir dans le sillon, les résultats ne sont pas satisfaisants. Le seigle n’est pas du ray-grass: il n’aime pas la chaleur de l’été.
9. Le seigle semé après la récolte du maïs donne de bons résultats
Dans la région de la Montérégie-Ouest, où travaille Sylvie Thibaudeau, plusieurs producteurs implantent avec succès le seigle après la récolte du maïs. Certains le sèment à la volée suivi d’un passage avec un rouleau crénelé. D’autres le sèment avec un semoir. La croissance avant l’hiver est parfois faible, mais une fois le printemps venu, la magie opère et le champ se recouvre de verdure.

10. La meilleure méthode pour éliminer le seigle au printemps est l’utilisation d’un herbicide
Il peut aussi être détruit mécaniquement ou brûlé pour un semis conventionnel de la culture principale. Il est difficile de détruire le seigle mécaniquement, car ses racines sont abondantes. Il faut effectuer plusieurs passages dans le champ, ce qui assèche le sol. L’élimination chimique avec du glyphosate reste la méthode la plus efficace.
Allélopathie : qu’est-ce que c’est?
L’allélopathie est un processus biologique au cours duquel une plante synthétise des composés chimiques qui entravent la germination, la croissance et la survie d’autres végétaux. L’effet allélopathique du seigle se manifeste principalement sur les plantes à petites graines, comme le chénopode et l’amarante à racine rouge. L’effet allélopathique est minimal sur les grosses semences, comme le soya et le maïs.
Taux de semis
Le semis de seigle pour la culture de couverture se fait à un taux de 100 à 200 kg/ha. Ce taux est ajusté en fonction de deux critères : le type d’équipement utilisé et la date de semis. Les taux les plus élevés sont ceux utilisés pour le semis à la volée, soit entre 180 et 200 kg/ha. Avec un semoir, on utilise un taux de 100 à 120 kg/ha. Le taux est aussi ajusté selon la date de semis. Un taux plus bas est utilisé en début d’automne, alors qu’un taux plus élevé est utilisé plus tard en saison.
Cet article est tiré d’une présentation dans le cadre du Rendez-vous végétal intitulé «Apprivoiser le seigle comme culture de couverture».
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