Une seule santé, un immense projet collaboratif

Les logements alternatifs des poules pondeuses est à l'essai

Publié: 26 septembre 2023

symposium une seule santé IRDA

Imaginez des chercheurs en environnement, en santé humaine et en santé animale travailler main dans la main pour trouver ensemble des solutions aux problématiques contemporaines. C’est exactement le concept « Une seule santé ». Lancé par l’Organisation mondiale de la santé il y a quelques années, il est pleinement en fonction auprès des chercheurs de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (ICPQ), de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal (FMV-UM) et de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).

C’est pour parler de ce grand projet que l’IRDA a organisé un symposium sur le sujet dans le cadre du dernier évènement soulignant son 25e anniversaire. Un premier projet dans le secteur de la poule pondeuse démontre l’intérêt de l’approche. « Ce qui nous démarque, c’est qu’il n’y a pas beaucoup d’équipes qui font ça et qui proposent des solutions », explique le chercheur Stéphane Godbout de l’IRDA. Même si le travail à plusieurs équipes complexifie l’approche, cela aide à solutionner une partie du financement puisqu’il permet de jumeler ensemble les efforts en ce sens. Un membre d’une équipe peut, par exemple, aider à collecter les données pour une autre équipe. 

Projet poules pondeuses

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Déjà, en 2015, la Fédération des producteurs d’œufs se commettaient en interdisant pour 2036 les systèmes conventionnels au Québec. Dans les élevages de poules pondeuses, l’avènement de nouveaux systèmes de logements a apporté de nouveaux défis en termes de performances, de santé des oiseaux, mais aussi de santé des travailleurs.

La professionnelle de recherche Dalila Darios, de l’IRDA, explique que le système en volière offre une amélioration de l’expression des comportements liés au bien-être animal, comparativement au logement aménagé et aux cages conventionnelles. Toutefois, les cages conventionnelles offrent de meilleures conditions de qualité de l’air et d’émissions de gaz à effet de serre que les logements aménagés et les volières.

Des stratégies ont été mises en place dans le but d’améliorer la qualité de l’air. La pulvérisation d’une émulsion acide s’est notamment démontrée efficace et a permis de réduire de 58% la quantité de poussière en élevage commercial. Une trentaine de fermes commerciales faisaient partie de cette phase du projet.

Adoption des systèmes alternatifs

Alors que l’adoption des systèmes alternatifs est relativement nouvelle au Québec, il y a déjà une forte adhésion de la part des éleveurs, explique la chercheuse avicole Martine Boulianne de la FMV-UM. Déjà en 2021-2022, la proportion de poules gardées en cages conventionnelles n’étaient plus que de 42%, contre 33% en logement aménagé et le restant en liberté. Les volières offrent beaucoup plus d’espace pour les oiseaux (entre 929 et 1900 cm2/poule), que les logements aménagés (750 cm2/poule) et les cages conventionnelle (432 cm2/poule). Ce dernier logement n’offre pas d’équipements comme des nids et des perchoirs, contrairement aux autres systèmes de logement. Les volières, contrairement aux deux autres systèmes, offrent un bain de poussière et un accès direct à la litière.

L’équipe de Martine Boulianne a évalué l’impact des deux logements alternatifs sur les performances zootechniques, la santé des oiseaux et la qualité des œufs. Il n’y a pas eu de différences côté performances. Toutefois, la mortalité a tendance à augmenter avec l’âge en volière. Point de vue santé, le nombre de cas d’entérites nécrotiques était plus élevé en volière. La péritonite a été la plus importante cause de mortalité, en lien avec la bactérie E. coli. « Ce qui nous a surpris, c’est que la majorité des souches E. coli ne sont pas pathogènes », explique Martine Boulianne. La qualité des œufs était similaire en volière et en logement aménagé. Au total, 24 fermes ont participé à cette phase du projet.

Santé des travailleurs

La chercheuse Caroline Duchaine de l’ICPQ se préoccupe de la santé des travailleurs depuis de très nombreuses années et les volières offrent un beau terrain de recherche. Selon elle, le projet « transdisciplinaire » permet une approche holistique de la santé qui reconnaît l’interdépendance entre la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale.

Les poulaillers, en hiver en particulier, offrent un espace confiné et mal ventilé qui favorise la croissance microbienne, l’humidité dans le bâtiment, les maladies animales et l’utilisation de litière, de substrat organique et d’eau. Dans sa phase expérimentale, l’équipe de Caroline Duchaine utilise des devis d’étude de la santé respiratoire occupationnelle. Cela inclut un questionnaire et un nombre impressionnant de tests, comme une analyse respiratoire, les tests d’allergie, une prise de sang, un test comme celui pour détecter la covid et d’autres.

Selon Caroline Duchaine, cet élément fait peur aux producteurs, car, à ce jour, elle n’a pas réussi à recruter autant de producteurs qu’elle le souhaiterait. Il y en a une vingtaine et il lui en faudrait une trentaine. En entrevue, elle me demande de dire qu’elle recrute encore. Il suffit d’écrire à [email protected]. « Plus on aura de participants, plus ce sera précis. Selon elle, il n’y a pas de crainte à voir établir des normes basées sur ses recherches puisqu’il y a trop de variables qui peuvent entrer en ligne de compte. 

25 ans de l’IRDA

Ce symposium sur le concept une seule santé était le troisième et dernier évènement visant à souligner les 25 ans de l’IRDA. Un évènement a eu lieu sur chacun des sites d’expérimentation de Saint-Lambert-de-Lauzon, de Saint-Bruno-de-Montarville et de Deschambault. Au total, 175 personnes ont participé à l’une ou l’autre de ces activités.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marie-Josée Parent

Marie-Josée Parent

Agronome et journaliste

Marie-Josée Parent couvre les productions laitière, bovine, avicole et porcine au Bulletin des agriculteurs.