Cécilien Berthiaume nous a contacté pour nous partager ses réflexions sur ses 35 années de prises de positions sur marchés à termes pour les grains et le porc. Il a été un important producteur de porcs de la Beauce avant de transférer la ferme Porc SB à sa fille Lori-Anne Berthiaume. Celle-ci a fait l’objet de l’article en page couverture du numéro de février 2022 du Bulletin des agriculteurs.
Cécilien Berthiaume est aussi très impliqué dans sa région et reconnu par ses pairs. Aujourd’hui, sa fille bénéficie toujours de son expérience comme mentor et pour la prise de contrats sur les marchés à termes pour la meunerie produisant 22 000 tonnes de moulée.
« Quand je parle aux professionnels, ça à l’air simple, mais ce n’est pas si simple, dit Cécilien Berthiaume. C’est compliqué. Dans le grain, j’ai bien réussi, mais dans le porc, c’est plus difficile. »
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Il calcule que sur la moyenne des années, il a réussi à dégager un bénéfice de 8,70$ par porc comparativement à s’il avait dû acheter les grains au jour le jour. Par contre, au niveau du porc, il n’a pas pas réussi un aussi bon résultat.
Selon Cécilien Berthiaume, l’amélioration des « marges » – le terme à la mode en ce moment – va beaucoup plus loin que la vente et l’achat sur les marchés à terme. En fait, il explique qu’il y a trois paliers pour améliorer ses marges :
- La production et la gestion interne de l’entreprise
- Les achats et la transformation des intrants
- La vente des porcs sur un marché différé
1. La production et la gestion interne de l’entreprise
« Le plus important et le plus contrôlable par le producteur est en lien avec la productivité, la gestion de l’élevage, le coût d’alimentation, la planification du développement de l’entreprise et la gestion de la dette », dit Cécilien Berthiaume.
Ainsi, donc, avant de songer aller prendre des contrats sur les marchés à termes, il faut travailler sur le seul élément qu’un producteur contrôle : la gestion de son entreprise.
2. Les achats et la transformation des intrants
Puisque l’alimentation représente plus de 60% du coût de production des porcs et que le prix des grains varie, il recommande d’acheter les grains à l’avance. Cela permet d’avoir une stratégie d’achat. C’est quelque chose qui s’apprend.
« J’ai plus de 35 ans d’expériences dans les achats des grains, raconte-t-il. La première vanne que j’ai acheté à l’avance était pour la semaine suivant et j’avais eu de la difficulté à dormir, mais maintenant, il m’arrive d’avoir acheté plus de 80% des besoins pour les 12 à 18 mois suivant et je dors très bien. »
Cécilien Berthiaume explique que pour devenir bon, il faut apprendre à connaître le fonctionnement de l’achat des produits de base. Il faut notamment être un bon payeur, acheter ses intrants à l’avance, connaître les coûts de transport, comprendre que la base fait partie du prix, s’informer, fermer les contrats selon les informations reçues, acheter à l’avance les autres sous-produits et faire livrer aux dates nécessaires.
« Pour moi, un producteur qui n’achète pas ses grains à l’avance, il manque une partie importante de son entreprise », dit Cécilien Berthiaume.
3. La vente des porcs sur un marché différé
Protéger ses marges avec la vente de contrats de porcs sur les marchés à terme est plus complexe. Dans une ferme, un producteur nourrit ses cochons et les envoie ensuite à l’abattoir. Il recommande donc de faire la même chose sur les marchés à terme.
« Le producteur doit minimalement avoir acheté ces grains avant de vendre des porcs sur le marché, dit-il. De ne pas avoir protégé minimalement les coûts l’alimentation est une approche à haut risque à moins d’avoir une stratégie de vente et de rachat quand l’écart est positif. »
Il dit suivre les différents rapports sur les inventaires de porcs aux États-Unis, les informations sur les marchés internationaux et les effets des marchés mondiaux comme la Chine, mais ça reste très difficile de prendre les bonnes décisions.
« Pour les ventes des porcs sur les marchés, cette activité est vraiment imprévisible et peut être trompeuse, dit Cécilien Berthiaume. Elle dépend de plusieurs facteurs hors de notre contrôle. Elle est beaucoup plus risquée car les références changent très rapidement. »
En terminant, il met en garde les producteurs de porcs qui seraient tentés par la spéculation. Un producteur de porcs ne vend pas du maïs et n’achète pas des porcs. Il achète des grains et vend des porcs.
Il ajoute qu’il est bien d’aller chercher conseil chez minimalement deux personnes au moins trois fois par semaine. Il rappelle toutefois que peu importe le conseil, c’est le producteur qui vivra les conséquences des décisions, qu’elles soient positives ou négatives.