Lorsque Hubert Guimond décrit sa stratégie alimentaire, on remarque tout de suite qu’il n’y a rien de laissé au hasard. Que ce soit dans les récoltes de fourrages, les rations ou la façon de servir les aliments, tout est réfléchi.
L’ensilage de foin pour les vaches en lactation a un taux entre 35 et 37% de fibre ADF et un minimum de 20% de protéines. « Avec ça, on a une bonne fibre qui est efficace au niveau du rumen », explique-t-il.
Le plus particulier côté alimentation, c’est qu’il y a deux troupeaux dans la même ferme qui sont nourris séparément. Sur les 126 vaches en lactation, environ 55 sont au robot, alors que de 70 à 80 vaches sont en stabulation entravée.

En 2019, Marie-Josée Bard et Hubert Guimond ont effectué un agrandissement dans lequel ils ont installé le robot. Il s’agit vraiment de deux troupeaux. Les plus jeunes vaches sont à la traite robotisée.
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Sauf la moulée servie au robot, l’alimentation est la même pour les deux troupeaux : ensilage de maïs, ensilage de luzerne, maïs-grain sec, tourteau de soya, tourteau de canola et minéral.
Les ensilages sont produits à la ferme et le reste est acheté. Deux silos-tours hébergent l’ensilage de luzerne pour les vaches en lactation et un troisième renferme l’ensilage de graminées pour les vaches taries.
Les deux silos-couloirs renferment l’ensilage de maïs, dont une quantité est apporté chaque jour dans une réserve près des silos. Il s’agit d’un ancien chariot à ensilage. Des silos à grains permettent d’acheter les grains à l’avance, mais dans les faits, l’entreprise utilise le moins de grains possible et maximise l’utilisation des fourrages.

Comme grains, l’entreprise utilise du maïs-grain sec, du tourteau de soya et du tourteau de canola. « On veut diversifier nos sources d’acides aminés, nos sources de protéines au lieu d’avoir juste du tourteau de soya. Ça comble un peu mieux nos vaches », explique Hubert. À cela, un minéral personnalisé est ajouté.
La préparation de la ration se fait toute seule et est servie au chariot. Les vaches au robot ont une moulée contenant 22% de protéines, du maïs-grain sec et du tourteau de soya. Ces trois ingrédients ensemble représentent entre 4 et 4,5 kg par jour. « Ce n’est pas beaucoup », dit Hubert.
Dans la ration partiellement mélangée (RPM) des vaches au robot, les vaches ont de l’ensilage d’herbe, de l’ensilage de maïs, un peu de maïs-grain sec, un peu de tourteau de canola et du minéral. Les vaches en stabulation entravée ont plutôt une ration totale mélangée (RTM).
Dans les champs aussi, tout est pensé, réfléchi. Les vaches en lactation ont un ensilage d’herbe à 100% de luzerne. Hubert vise le taux de protéines le plus élevé possible. « D’habitude, en début floraison, dès qu’on voit une fleur, on sort la faucheuse », dit Hubert. La première coupe est faite autour du 10 juin et les deux suivantes aux 35 jours.
Une force de l’entreprise, c’est la longueur de hachage. « Si on a des doutes, on peut faire un Penn State », ajoute Hubert. Cette opération est d’autant plus critique qu’ils font affaire avec un forfaitaire. Sur ce point, ils tiennent leur bout.
« Ça nous donne une ration qui a une longueur de fibre qui est efficace et nos vaches font une bonne rumination », dit-il. Et une meilleure rumination apporte un meilleur test de gras, selon les explications de Camille Ross, la conseillère en alimentation de la ferme chez Lactanet. Les vaches produisent entre 1,4 et 1,5 kg de gras par jour.

Améliorer la marge alimentaire
Le but d’utiliser des ingrédients simples est d’améliorer la marge alimentaire. « Nous, on ne vise pas nécessairement la meilleure production de la région, mais on veut la meilleure marge alimentaire, explique Hubert. Peut-être que nos vaches ne produisent pas tant que ça, mais vu qu’on a des ingrédients simples, ça ne nous coûte pas très cher. Donc, notre marge est meilleure. »
Régulièrement, avec leur conseillère, ils vont vérifier si leur marge est encore dans les standards. À part de réduire les marges, l’utilisation d’ingrédients simples permet de « faire du booking ». Vers le milieu ou à la fin de l’été, ils ferment les coûts de tourteaux de soya et de canola. « Le plus possible pour le tonnage que j’ai besoin annuellement », précise Hubert.
Ça lui permet d’acheter au meilleur prix et d’avoir un prix stable, donc de mieux budgéter monétairement. Il aimerait bien signer un contrat annuel pour l’achat de moulée à robot, mais le volume est petit, entre 40 et 50 tonnes. Mais, déjà en signant un contrat sur les tourteaux et le maïs, un bon bout est fait. Ça fait déjà cinq ans qu’il a débuté cette stratégie avec le tourteau de soya.
Pour l’instant, il y a deux troupeaux – attaché et traite robotisée – mais d’ici quelques années, l’objectif est d’avoir toutes les vaches en stabulation libre.

Ça a commencé avec une construction sur litière accumulée pour vaches taries en 2017, ce qui a permis de gagner quelques places pour des vaches supplémentaires. C’est la section qui est juste en face des vaches au robot, dans la même étable, construite en 2019.
Cette même étable est prévue pour être agrandie une autre fois. L’étable des vaches en stabulation entravée devra alors être démolie puisque c’est de ce côté que l’étable sera élargie. Ce sera fait lorsque les finances le permettront.
Lors de la construction de la section robot, les conseillers en financement suggéraient d’y aller pour une rangée de vaches attachées de plus. « C’est tellement moins d’ouvrage que la stabulation entravée », explique Marie-Josée à propos de leur choix.
Hubert et elle ont tenu leur bout, mais ils ont opté pour les solutions les plus simples pour que ça coûte le moins cher possible. Ils ont choisi des stalles sur litière profonde. Les allées sont en béton rainuré. La barre d’alimentation a été préférée pour une question de coût. L’arrière-robot sert à isoler les vaches au besoin. « Quand c’est le temps de faire la médecine préventive, on fait ça dans la stalle », dit Hubert.
L’avantage d’avoir deux systèmes de logement et de traite différents, c’est qu’ils ont pu garder facilement les vieilles vaches qui sont habituées en stabulation entravée.
« Maintenant que ça fait presque trois ans qu’on voit nos vaches au robot, on a hâte d’avoir toutes nos vaches en stabulation libre, explique Hubert. On aime ça comment elles se comportent, comment elles sont en forme. Physiquement, elles sont plus belles au robot parce qu’elles marchent. Je trouve que nos vaches vieillissent mieux au robot. Elles ont l’air plus en santé. »
Quand ils ont construit en 2019, l’horizon pour y arriver était de cinq à 10 ans. C’est donc pour bientôt. « Je trouve que le bien-être animal, c’est incroyable. Les vaches sont en forme. Moi, je ne retournerais pas vers les vaches attachées », dit Marie-Josée.
Le rêve ultime de Marie-Josée Bard et de Hubert Guimond serait d’obtenir le titre de Maîtres Éleveurs, car ils aiment beaucoup les expositions. Ils visent aussi monter jusqu’à 200 kg de quota avec deux robots.
Ferme Bard en bref
Sainte-Anne-de-La-Pocatière, Bas-Saint-Laurent.
Propriétaires : Marie-Josée Bard et Hubert Guimond.
Troupeau : 126 vaches en lactation, 256 têtes, 186 kg de quota produit.
Logement : la moitié du troupeau de vaches est attachée et l’autre est au robot (litière profonde ripe), taries sur litière accumulée, génisses avec louve en huches collectives, génisses et taures en groupes.
Cultures : 200 hectares, dont 65 en maïs-ensilage, 22 d’implantation de prairies et le restant en prairie (luzerne).
Ration : RTM servie deux fois par jour, deux groupes pour les vaches attachées, 65% composée de maïs-ensilage.
Fourrages : deux cellules en silos-fosses de maïs-ensilage, deux silos-tours d’ensilage de luzerne pour vaches en lactation, un silo-tour d’ensilage de graminées pour vaches taries.
Pour un complément d’information, consultez l’article La ferme Bard a agrandi en fonction du budget.